Aux amis du diocèse 16

P. Grégoire CADOR
Tokombéré, le 22 décembre 2015

Aux amis
du diocèse de Maroua-Mokolo
et de Tokombéré

Chers amis,

La fête de Noël qui est là et la richesse de l’actualité des deux derniers mois m’invite à ne pas attendre début janvier pour vous écrire en espérant que mon courrier vous trouvera si ce n’est en bonne santé, du moins en de bonnes dispositions pour vivre ce qu’il vous est donné de vivre en ces jours bénis.

C’est encore le P. Christian qui fait la « une » aujourd’hui, mais cette fois c’est pour vous demander de penser à lui en cette fin d’année où il a dû, à nouveau, être évacué vers Paris pour se soigner et prendre un bon temps de repos. Il rejoint ceux et celles d’entre vous qui portez de gros soucis de santé actuellement et dont je sais que vous les unissez aux prières de tous à nos intentions… Que la fête de Noël soit une source de réconfort pour chacun et chacune d’entre vous.

Bien évidemment cela me renvoie aux belles rencontres que nous avons vécues à Paris mi-novembre. Bien qu’entachées par les ignobles « attentats de Paris » elles ont été l’occasion d’un échange très émouvant (pour moi en tout cas). Le témoignage des anciens qui ont passé quelques semaines ou plusieurs mois à Tokombéré et même celui d’une amie de longue date qui n’a pas encore eu la chance d’y venir, ont été l’illustration la plus probante de la nécessité et de la fécondité de la rencontre. La discussion à bâtons rompus du samedi matin a été aussi un moment très utile venant renforcer cette idée.

C’est, d’abord et avant tout, à cela que doivent travailler les associations membres d’Intertok et ceux qui les animent. Les finances sont très importantes, qu’il me soit d’ailleurs permis ici de remercier, du fond du cœur, tous ceux et celles qui nous soutiennent, certains depuis fort longtemps. Mais je dis et je répète à l’envie que le seul ciment de ce que nous voulons entreprendre de durable doit être l’Amour.

Je vous invite, si vous avez un peu de temps en cette période de fête à travailler ou à prier l’hymne à l’amour de St Paul en 1 Corinthiens 13, 1-8 (Cf. ci-dessous) Lisez le à voix haute et, à partir du verset 4, à la place du mot ‘amour’ mettez votre propre nom sans avoir peur d’aller jusqu’au verset 8… Alors vous comprendrez peut-être de quoi il s’agit quand nous parlons de vocation à l’éternité… Tout le reste n’est que paille emportée par le vent et n’a pas d’avenir !

Beaucoup parmi vous ont été touchés, voire même de près, par l’horreur et la brutalité froide qui ont endeuillé Paris et la France entière le 13 novembre dernier. Le « nous sommes ensemble », par lequel je termine habituellement mes lettres, prend tout à coup la couleur et le goût du sang… Comment ne pas évoquer au-delà de ce sang innocent versé par la méchanceté aveugle de certains, celui des enfants de Bethléem dont le cri des mères monte vers le ciel en une question hébétée et sans réponse ? C’est aussi le cri de nos communautés humaines du Nigéria, du Nord-Cameroun, du Niger et du Tchad qui, jusqu’à aujourd’hui et presque chaque jour, sont frappées par cette brutalité sans limites… (17.000 morts depuis 2009… 2.000 de plus que lors de ma conférence au Mans en mars dernier… Une moyenne de plus de 7 par jour de façon ininterrompue depuis 6 ans !).

On lit dans certains journaux que le problème est en voie d’être résolu… Quelle illusion ! Je crois qu’il n’en est rien quelle que soit la brutalité (ou, pour garder un langage plus diplomatique, la force de frappe) de la réponse apportée. On ne résoudra pas le problème de fond par la violence. Boko Haram (qui se fait désormais appeler « Etat islamique en Afrique de l’Ouest ») sort les crocs devant le déploiement de la force multinationale et l’arrivée des américains dans la région… Il est clair qu’ils veulent se faire une réputation d’invincibles dans le monde djihadiste et probablement essayer de devenir une référence incontournable dans la région… Ils sont prêts au sacrifice et ne s’arrêteront pas de sitôt.

La seule porte de sortie ou voie de salut, c’est l’exercice de la volonté libre et consentie d’aimer ses frères et de reconnaître sous ce vocable l’ensemble de l’humanité (Daech, Boko-Haram, Shebab, Seleka et autres compris…). Si, les chrétiens ne sont pas capables de donner leur vie pour cette cause je ne sais pas à quoi ils servent…

A une récente rencontre de prière pour la paix chaque vendredi, un jeune enseignant père de famille disait : « La paix de Jésus ce n’est pas l’absence de guerre, de violence, de soucis ou de tensions, mais la capacité de rester entre les mains de Dieu au cœur de toutes les situations que nous traversons.» Je trouve cela très beau et très vrai. Récemment St Paul nous disait quant à lui : « Ne soyez inquiets de rien, mais, en toute circonstance, priez et suppliez, tout en rendant grâce, pour faire connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui dépasse tout ce qu’on peut concevoir, gardera vos cœurs et vos pensées dans le Christ Jésus. » Ce sont de telles affirmations qui nous nourrissent notre détermination et nous permettent de garder le cap !

Attention à l’usure du temps qui fait que certains semblent peu à peu s’installer dans cette situation comme si elle devenait quasi normale… Résistons à la « mondialisation de l’indifférence » dont nous parle François. Il est urgent de réagir, parce qu’au-delà de l’horreur des situations vécues par les populations frontalières, chez qui la peur s’est installée comme une compagne de chaque jour, nous voyons petit à petit se mettre en place tout autour le « business » de l’aide aux réfugiés… Certains profitent abondamment de la situation et se font des fortunes en gérant l’argent qui tourne autour de la misère… Cela donne la nausée !

Pour « résister », il nous faut d’abord et avant tout « consister » comme le rappelle Fabrice Hadjadj. Il nous faut, à temps et à contretemps semer « autre chose »… une autre chose enracinée dans le regard de l’Homme Nouveau… Plus que jamais retentit ici la Parole de Baba Simon : « Je voudrais que tous voient Dieu et les hommes comme Jésus les voit ».

Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion de lire la bulle d’indiction du jubilé de la miséricorde intitulée « Visage de la miséricorde du Père » du Pape François. Si ce n’est pas le cas je vous invite à le faire… Il y a là-dedans une foule de pistes concrètes pour bâtir cette « autre chose » en question…

Le Pape François a su toucher et interpeller très fort notre cœur d’africains en ouvrant la porte sainte de la cathédrale de Bangui avant même celle de St Pierre ! Nous prenons cela comme un signe très fort et un appel à témoigner de la miséricorde en nous laissant aimer et en essayant d’irradier cet amour au cœur des épreuves qui sont les nôtres et que nous partageons avec de plus en plus de gens à travers le monde… En passant, nous partageons aussi leurs joies comme ce fût le cas lors de la libération du P. Mourad en Syrie et ensuite des chrétiens de sa communauté jumelée avec la paroisse de la Couture au Mans…A Tokombéré nous avons célébré une messe d’action de grâce.

Mais attention toutefois quand on parle de miséricorde. Il y a de quoi s’inquiéter devant la récupération un peu rapide que certains font de cette notion si contraignante. Il est très facile de la transformer en un genre d’airbag évitant de se confronter au réel et permettant de se haïr gentiment en se faisant des sourires ! « Amour et Vérité se rencontrent, Justice et Paix s’embrassent. » Dans son discours à la Curie, il y a deux jours, le Pape François (encore lui !) rappelait au numéro 7 : « Charité et vérité. Deux vertus indissolubles de l’existence chrétienne: «Faire la vérité dans la charité et vivre la charité dans la vérité» (cf. Ep 4, 15); au point que la charité sans vérité devient idéologie d’un “bonnisme” destructeur et la vérité sans charité devient justice aveugle.» Il y a de quoi méditer et s’engager dans de vraies démarches de conversion !

De nos jours, beaucoup de choses semblent se vivre à fleur de peau, au niveau de l’émotionnel. Il est absolument nécessaire d’entrer en profondeur dans l’engagement pour ouvrir des issues (des portes !) dans un monde où la tentation de se refermer sur soi-même pend au nez de tout le monde… « Ouvrez-vous portes de justice… qu’il entre le Roi de gloire ! »

A Tokombéré nous continuons notre chemin au jour le jour en essayant de rester fidèles à nos convictions :

Ces derniers temps nous avons vécu la rentrée de la Promotion Féminine avec une belle assemblée rassemblant plus d’une centaine de femmes venues de divers secteurs de la paroisse. Catholiques, protestantes, adventistes et même un groupe de femmes musulmanes. Ces dernières ont été très touchées du discours des intervenantes qui ont insisté dans les conseils donnés sur le refus d’amalgame entre Boko-Haram et musulmans. Ce sont au total près de 300 femmes qui se rencontrent désormais deux fois par mois en moyenne dans 25 groupes disséminés sur le territoire de la paroisse.

Nous avons lancé le nouveau thème d’année dont je vous parlais la dernière fois, « vous êtes mes témoins », au cours d’une très belle assemblée paroissiale. Le P. Justin et M. Birguel du laboratoire de l’hôpital et membre de l’équipe d’Animation Pastorale ont fait remonter la réflexion vécue dans une petite centaine de groupes informels tout au long du trimestre en une très belle synthèse. Une des étapes de la réflexion consistait à évoquer les figures locales de témoins de Jésus déjà passé sur l’autre rive… Ce fut un beau florilège de gens parfois très simples dont le témoignage a marqué la vie de nos communautés… Cette relecture de la vie chrétienne locale est une expérience intéressante à faire qui permet de vérifier que la sainteté n’est pas un programme pour des gens extraordinaires mais qu’elle est à portée de tous…

La « rentrée » du catéchuménat a vu le nombre de catéchumènes de la paroisse passer de 390 à 420 et ce malgré les 80 baptêmes de l’an passé. Nous sentons aussi une plus grande attention des catéchistes à cet aspect de leur travail et un meilleur suivi de leurs groupes respectifs.

La traditionnelle fête des récoltes que nous célébrons toujours le premier dimanche de l’Avent a été l’occasion de rendre grâce à Dieu pour les fruits de la rencontre de son amour et de nos travaux. Nous avions retenu ce jour pour présenter en action de grâce, au milieu des milliers d’épis de mil, la médaille que le Pape a décernée au P. Christian (j’en ai parlée dans mon dernier courrier). Nous n’avions pas eu encore l’occasion de le faire avec l’ensemble de la paroisse. Ce fut très émouvant de pouvoir exprimer ainsi notre immense reconnaissance à Dieu et à la famille Aurenche pour le grain semé chez nous et qui, contre vents et marées, a porté tant de fruits…

Il aurait fallu prendre du temps pour parler de la belle rencontre dialogue au collège Baba Simon, des rencontres du « Secrétariat Général nouvelle formule », de la nomination du P. Justin comme nouveau responsable du comité diocésain de la liturgie, des rencontres de formation des « gardes suisses » chargés d’aider les militaires pour la sécurisation de nos célébrations, de la relance du mouvement Cop-Monde (ACE) et des activités des jeunes dans les secteurs et au Foyer central de Tokombéré, des trois mariages célébrés en cette période de Noël, de la récollection des ouvriers apostoliques de la zone Mayo-Sava si bien animée par notre nouveau vicaire général, de ma rencontre avec le Sultan de Mora pour lui apporter le message du Pape François à l’occasion des 50 ans du texte du Concile Vatican II sur le dialogue interreligieux et pour poser avec lui les bases d’une rencontre interreligieuse qui aura lieu courant janvier, de l’augmentation des effectifs dans les écoles du diocèse alors que l’Unicef vient de publier un rapport très alarmant : « Plus de 2.000 écoles ont été fermées au Nigeria, au Cameroun, au Tchad et au Niger, – L’insurrection menée par le groupe islamiste Boko Haram empêche plus d’un million d’enfants d’aller à l’école » Mais je préfère m’arrêter là pour ne pas vous saturer quitte à revenir sur l’un ou l’autre de ces sujets la prochaine fois !

Des amis très chers m’ont envoyé récemment un très beau texte de Mgr Claverie sur la rencontre. Je ne résiste pas à l’envie de vous le partager. Vous le trouverez ci-dessous.

Je termine en formulant, pour vous, vos familles et ceux avec qui vous partagez la vie au quotidien, ces vœux que j’emprunte à St Bernard : « Faites ce que vous pouvez avec la grâce de Dieu et, par l’humilité, suppléez aux manques de votre charité. »

Bon Noël et Bonne année 2016

Plus que jamais… «Nous sommes ensemble» !

Grégoire

Texte de Mgr Claverie sur la visitation : (Référence inconnue)

La Visitation est un lieu important pour avoir une attitude juste vis-à-vis de l’autre, qui consiste à porter ce que l’on porte comme Marie portait son enfant donc être soi-même, se laisser habiter par son enfant par Jésus, par l’homme nouveau. Mais aussi aller vers l’autre en lui révélant par la confiance, par l’amitié ce qu’il porte de beau. Cette parole prophétique qu’Éli­sabeth portait, c’était Jean Baptiste. Marie porte en elle l’enfant de la promesse, Dieu est à l’œuvre en elle, l’Es­prit l’habite et la pousse à la rencontre d’Élisabeth qui porte aussi un enfant promis et donné par Dieu dans sa vieillesse. Dans la salutation, ce que les femmes por­tent tressaille en elles. Plus tard, Jésus sera l’homme de ces rencontres où chacun révèle le meilleur de lui-même. Il n’impose pas sa vérité mais l’autre finit par découvrir qu’il répond à son attente la plus profonde. C’est ainsi que nous sommes appelés à rencontrer les autres, non-chrétiens, musulmans ou autres, d’abord en portant en nous le Christ vivant et non quelque vérité extérieure ou quelque idéologie, en allant vers l’autre avec respect car nous croyons qu’il porte aussi en lui une part de la vérité que nous cherchons. Dieu a déposé en lui des richesses qui nous manquent pour que Jésus même nous révèle la plénitude de sa richesse. En nous mettant à son service, et non en lui imposant notre présence et notre volonté – comme Marie auprès de sa parente plus âgée – en cherchant à valoriser ce qu’il porte de bon à nos yeux comme nous le demande le Concile – « promouvoir les valeurs des autres » en demeurant l’un chez l’autre assez longtemps pour que naissent la confiance et les mots pour dire ce qui nous tient le plus à cœur. Ce faisant, et dans l’humilité, nous donnons ainsi à l’autre la possibilité d’accueillir Jésus même.

1 Corinthiens 13 1-8

01 J’aurais beau parler toutes les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. 02 J’aurais beau être prophète, avoir toute la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien. 03 J’aurais beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurais beau me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, cela ne me sert à rien. 04 L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; 05 il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; 06 il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; 07 il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. 08 L’amour ne passera jamais.

Lettre d’Advent 2015, frère responsable

Chers frères,

adviento2015-01en Advent nous avons un espace important pour notre renouvellement personnel et communautaire des valeurs de l’Évangile que nous devons intégrer dans notre vie: attendre le Messie en préparant la maison intérieure; attendre avec les frères et les soeurs de nos communautés en préparant un endroit ouvert pour l’accueil, sans nous fermer par les peurs, les préjugés ou la sensation d’être uniques pour faire bien les choses; attendre avec joie parce que l’Enfant devient à nouveau un enfant et non adulte; attendre dans cette Année de la Miséricorde, dans cette adviento2015-02année aussi du Centenaire de la Pâque du frère Charles, que les hommes sont miséricordieux et qu’un dommage cesse d’être fait, la mort, la souffrance, soyez par les fundamentalismes religieux ou par mépris à la vie de les autres et de ses droits. Les valeurs de la paix, du dialogue, du pardon, de la tolérance, la miséricorde, ne sont pas les plus cultivés dans notre monde. Nous tenons seulement d’eux en compte quand nous avons le danger près ou nos privilèges se découpent. Il nous donne parfois la sensation de ce que rien ne peut changer, ou que tout va à pis. Le pape François nous invite à sortir de nos pessimismes, des échecs, des méfiences… Que le Messie nous apporte cette paix, la fin de la douleur des réfugiés de guerre, la fin du trafic d’armes, d’êtres humains, de drogue et de richesses qui font les plus pauvres aux pauvres. Que le Messie de Dieu naisse chez la Marie des plus petits et humbles encore une fois, et qui se remet la joie, les Droits de l’homme, le pain et le sourire. C’est triste voir ces jours des familles qui font des photos avec des armes à la main, inclus des enfants, pour féliciter le Noël à ses amis ou des parents. Triste et pathétique, mais réel.

adviento2015-03L’Advent est le temps propice pour mettre la journée de désert à profit pour nous permettre de porter par le Seigneur; le temps d’espérance et de renouvellement intérieur. Le désert nous met à notre place à chacun, en comprenant nos limites et misères. Le désert dans l’Advent a un goût à une attente de l’ami ou du parent dans la station du train, ou des autobus, ou dans un aéroport; voyons nous à Jesús baisser par le petit escalier, ou apparaître avec beaucoup de gens avec ses légers bagages et en levant la main pour dire “ici je suis, merci pour m’attendre, pour venir à me recueillir”. “Il n’y a pas de meilleur lieu que le désert pour écouter l’appel de Dieu à changer le monde. Le désert est le territoire de la vérité. Le lieu où on peut vivre l’essentiel. Il n’y a pas d’endroit pour le superflu. On ne peut pas vivre en accumulant des choses sans nécessité. Le luxe et l’ostentation n’est pas possible. Le décisif est de chercher le chemin atteint d’orienter la vie”. (Commentaire de J.A. PAGOLA á Lc 3,1-6) Jésus est près.

Toutes les nouvelles qui arrivent à propos du commencement du Centenaire de la rencontre définitive avec le Père du frère Charles, dans tant de parties du monde, entre les gens simples et dans les fraternités de toute la Famille de Charles de FOUCAULD, me remplissent de joie et d’espérance; tous nous sommes profondément appelés de vivre ce qui est l’Abandon; pouvoir dire avec le coeur à la main “fais de moi ce que tu veux”. Mettons-nous dehors la peur de l’inespéré. Ouvrons la porte à ce qu’il arrive. Vivre le Centenaire depuis le charisme qui nous unit comme Famille est cultiver l’amitié avec les gens, il est être avec ce qui a besoin de nous, c’est vivre selon l’Évangile. Comme nous disions dans la Lettre de Perín l’équipe internationale, c’est approfondir dans ce message de fraternité universelle de Charles de FOUCAULD, si nécessaire pour notre monde et notre Église, en évaluant ce que nous recevons des plus simples et dont ils souffrent soyez où il est.

adviento2015-04Nous devons dire dans nos paroisses que, comme le frère Charles, les hommes de Dieu ont beaucoup de choses que nous dire, au-dessus des tristes messages, des messages superficiels ou frivoles, les appels à la sécurité personnelle ou à la consommation et ostentation . Charles de FOUCAULD commente de cette manière Mt 5,3 (“Bienheureux les pauvres d’esprit parce que c’est de ceux-ci le Royaume des Cieux”): “Attendons! Le salut est près; le ciel est près … Une seule une chose est nécessaire: être pauvre d’esprit … Un pauvre d’esprit est d’être vraiment pauvre au fond de notre âme; vraiment détaché de tout, non seulement des biens matériels, du désir des mêmes, mais s’oublier de lui même, avoir l’âme vide de tous les désirs de ce monde… Vide de tout et plaine de Dieu … Au Dieu nous aurons ces désirs pour les autres … Mais tout à Dieu: seulement Il nous remplira“.

adviento2015-05Nous avons vécu avec préoccupation la visite du pape François à l’Afrique, comme messager de paix et de miséricorde. Nous avons partagé sa rencontre avec d’autres cultures et avec l’Islam; cet homme vaillant qui porte Jesús où il va, bien qu’il soit comme un chef d’État parfois et entouré d’une sécurité, nous donne une espérance et nous rend la joie d’être dans le travail par le Royaume comme prêtres diocésains. La miséricorde qu’il montre avec sa vie, dans les pas qu’ils font renouveler à l’Église pour ce qu’elle soit réellement l’Église de Jesús, les difficultés qu’il trouve à l’intérieur de la même Église, sans doute tout cela est une action de l’Esprit. Unissons notre prière par lui et par tout celui que nous allons recevoir de lui avec son mot et témoignage dans cette Année de la Miséricorde.

adviento2015-06Unissons aussi notre prière pour que les conclusions du Synode de la Famille s’ouvrent à l’Église à avancer dans la lutte par la vie, la vie des personnes, celles qui se sont trompées dans ses mariages, celles qui sont regardées mal par sa condition sexuelle, les personnes qui se sentent et sont chrétiennes, mais qui ne s’adaptent pas au modèle établi. Tous nous connaissons des divorcés, séparés, des gens de foi, et que jusqu’à présent s’ont senti marginaux par l’Église. Nous pourrions penser: de combien de frères prêtres ou des amis ou des amies sommes-nous divorcés? Pourquoi parfois avons-nous comme les ennemis à qui ils partagent notre ministère? Qu’est-ce qui casse la communion ecclesielle, les idées ou les personnes qui ne nous plaisent pas qu’ils ont ces idées ou attitudes?

Dans le Synode de la Famille il a été présent et non seulement avec sa voix, mais aussi avec son vote, Hervé JANSON, le prieur général des Frères de Jesús: nous avons à remercier son témoignage de famille de Nazareth et son courage pour casser des schémas “d’une bonne conduite”.

adviento2015-07Merci, Hervé, par la simplicité avec laquelle tu exprimais cette fraternité universelle d’être avec les plus petits, dans la fidélité au charisme de Charles de FOUCAULD et comme la personne qui vit l’Évangile dans les derniers lieux. Nazareth n’est pas seulement le référant pour nous; il est aussi le modèle de communauté domestique et paroissiale, de fraternité.

En s’éveillant à nos frères malades, en s’éveillant aux frères dans des pays dans une guerre, ou dans une situation de pauvreté extrême, en s’éveillant à tous, je vous désire depuis mon coeur un Advent de renouvellement et d’un Noël où nous permettions que Jesús devienne présent dans notre vie, dans les décisions, dans nos relations, à notre travail.

adviento2015-08Une embrassade d’espérance, et pardon par mon Français si déficient.

Votre frère

Aurelio SANZ BAEZA, frère responsable

Perín, Carthagène, Murcie, Espagne, 8 de décembre de 2015,
solemnité de l’Inmaculée Conception de Marie et commencement de l’Année de la Miséricorde

PDF: Lettre d’Advent 2015, frère responsable, FRANÇAIS

Lettre de Perín, Octobre 2015

LETTRE DE PERIN
EQUIPE INTERNATIONALE
FRATERNITE SACERDOTALE JESUS CARITAS

Perín, Espagne Octobre 2015

Chers frères,

perin2015-01Emmanuel, Jean-François, Félix, Mark, Mauricio et Aurelio, nous avons vécu notre encontre annuelle à Perín, près de Carthagène, en Espagne, dans la maison d’Aurelio, célébrant son 60ème anniversaire, avec notre regard fixé sur vous, tous nos frères en fraternités, vivant au milieu des gens qui nous ont accueillis et inspirés. La joie de nous retrouver et de travailler ensemble a été pour nous un cadeau du Seigneur. Les passagers des aéroports d’Alicante et de Murcia dans la Zone d’arrivée ont peut-être encore en mémoire les accolades que nous avons échangées quand nous nous sommes retrouvés.

CE QUE NOUS AVONS VECU

perin2015-02Dans l’office des Laudes prié en commun, l’adoration, la célébration Eucharistique accompagnée par la pluie d’automne, nous nous sommes sentis portés par votre prière, par l’appui de notre frère Charles qui intercède pour nous et par le témoignage prophétique du Pape François dans le Synode de la Famille que nous avons suivi avec grande attention.

perin2015-03Ensemble nous avons participé à une rencontre avec l’Evêque de Carthagène, José Manuel LORCA PLANES, et aussi à un repas avec la famille de Charles de FOUCAULD de Murcia, accueillis par le fraternité séculière, la fraternité Charles de Foucauld, les petites sœurs de Jésus – avec Anita, la conseillère de l’équipe de Tre Fontane à Rome – et la fraternité sacerdotale, nous sentant en communion ecclésiale et unis dans le charisme de cet perin2015-04homme de Dieu qu’a été notre frère Charles qui nous appelle dans ce centenaire qui coïncide avec l’année de la Miséricorde, convoquée par le Pape François, à une conversion au dialogue, non seulement entre nous mais aussi avec nos frères prêtres du presbyterium diocésain et également avec toute personne croyante d’autres religions ou incroyante. Dans cette perspective, nous sommes appelés à une conversion réciproque dans un respect mutuel. Nous désirons dialoguer mais non imposer notre opinion. Depuis la rencontre de Viviers en Juillet dernier, s’affirme cette dimension si importante de notre charisme.

perin2015-05Nous avons noué des relations, et célébré avec beaucoup de gens de Perín, des personnes aimables, très proches et très cordiales. Et nous avons appris de l’expérience de ces rencontres familières comment tout chrétien est à l’écoute de toute personne humaine, dans la rencontre au cœur de sa vie quotidienne. Tout homme et toute femme est pour nous un frère et une sœur.

Nous avons été impressionnés par les Eucharisties célébrées dans les résidences des personnes âgées à Perín. Ces frères et sœurs ainés qui sont souvent dans nos sociétés occidentales oubliés et mis à l’écart nous ont rappelé que Dieu est présent à toutes les étapes de la vie humaine : que nous soyons enfant, adolescent, jeune, adulte ou plus âgé. Dans ce Nazareth de nos anciens, nous avons compris que pour toute personne humaine il n’y a pas de date de péremption.

Nous avons visité à Carthagène les projets de la “Fondation Tienda Asilo de San Pedro » où travaille Aurelio, et nous avons rencontré les personnes qui y travaillent : les équipes, les volontaires, les bénéficiaires.

perin2015-06Nous avons fait connaissance avec le Foyer Torre Nazaret, de la Fondation: ce « Nazareth » simple et humain qui consiste à vivre dans la proximité des malades du VIH sida et de ceux qui sont marqués par la drogue, la prison, la rue comme aussi par toute forme d’exclusion sociale, mais qui aujourd’hui peuvent retrouver leur dignité, une partie de leur santé et mener une vie normale. C’est comme une grande famille qui assume pleinement toutes les conséquences lorsque la vie devient un problème. Nous avons eu le sentiment que ces personnes nous aimaient sans nous connaître.

LES APPELS QUE NOUS AVONS RECUS

Au cours de cette semaine, nous avons reçu de nombreux appels :

· perin2015-07Un appel très important à vivre le centenaire du Frère Charles non pas comme un mémorial du passé mais comme une célébration de l’actualité de son message de fraternité universelle. Le Pape François a cité plusieurs fois le témoignage de Charles de FOUCAULD : (dans l’encyclique Laudato Si au N° 125, comme un exemple d’évangélisateur, à la veillée du Synode sur la Famille comme inspirateur du modèle de famille de Nazareth) Ces constantes références nous remplissent de joie et nous nous sentons à cent pour cent avec notre Pape.

· perin2015-08Un appel à apprendre à partir de Nazareth une attitude profonde qui unit la contemplation avec la proximité des pauvres et l’expérience de notre fragilité comme le lieu de l’accueil de la puissance du Ressuscité. Nous sommes appelés à vivre la fraternité universelle de façon réaliste, sans faire de théories.

· Un appel à donner la priorité à la journée de désert. Nous constatons que le désert mensuel est difficile à vivre pour les prêtres si surchargés de travail et parfois par la routine de fonctionnaires. Absorbés par ces tâches pastorales nous reportons à plus tard notre journée de désert. Et cela devient une mauvaise habitude. Nous pensons toujours à faire, à faire et à faire…alors que nous oublions de nous mettre à l’écoute du Seigneur et à nous laisser chercher par Lui.

· perin2015-09Un appel à aller prioritairement vers les périphéries géographiques et « existentielles » ( les situations des personnes avec leurs problèmes). Nous ne pouvons pas éluder notre vocation sacerdotale comme appel à annoncer la Bonne Nouvelle, non pas comme une expérience de laboratoire pastoral ou de tourisme spirituel, mais comme un appel à demeurer avec les plus pauvres. Depuis Nazareth, le Seigneur Jésus nous invite à être les voisins des pauvres, avec leurs problèmes de santé, de solitude, de pauvreté. Il a vécu au milieu d’un peuple pauvre, opprimé, oublié. Si nous ne sommes pas avec les pauvres, nous n’entendrons pas ce que Jésus veut nous dire. Faisons une nouvelle lecture de Laudato Si et de Misericordiae Vultus (N°15)

· perin2015-10Un appel à la conversion, renouvelant notre compréhension de la Miséricorde : Soyons les témoins de l’amour de Dieu. Souvenons-nous de l’appel de Saint Paul en II Co.12,9 que Frère Charles relisait souvent : « Ma grâce te suffit car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ».

LES CHOSES QUE NOUS AVONS PREPARÉES ET ÉTUDIÉES

perin2015-11Nous avons travaillé sur la prochaine Assemblée Panaméricaine à Cuernavaca au Mexique du 15 au 20 Février 2016 : les Régions du Québec-Acadie, des Etats Unis, du Mexique, de la République Dominicaine, du Brésil, de l’Argentine et du Chili, avec un représentant de la Fraternité qui est en formation en Haïti et un autre frère du Guatemala vont se rencontrer pour la première fois en dehors des assemblées mondiales. Nous apprécions très positivement le travail de coordination de Fernando TAPIA, responsable du Chili qui a déjà collecté presque toutes les réponses au questionnaire préparatoire envoyés par les régions et nous remercions vivement les frères du Mexique pour l’accueil qu’ils nous préparent. Nous ne pouvons pas contacter les sept frères de Cuba qui forment une fraternité avec les petits Frères de Jésus à cause du contrôle du Gouvernement.

La prochaine Assemblée de l’Asie se tiendra aux Philippines en Juillet 2016. Le Frère Arthur Charles travaille à sa préparation avec les frères des Philippines. Le mois de Nazareth au Myanmar en juillet passé a rendu possible les contacts entre de nombreux frères d’Asie et renforcé les liens et le sentiment d’appartenance à la fraternité. Il y a des fraternités, comme celles de la Malaisie de l’Indonésie et de l’Australie dont nous avons peu de nouvelles. Nous demandons à Arthur, comme responsable, qu’il renforce les relations avec ces frères.

Nous avons passé du temps pour réfléchir à la prochaine assemblée mondiale de la Fraternité qui se tiendra du 15 au 30 Janvier 2019 à Bangalore en Inde. Nous avons encore trois années pour définir les objectifs, la méthodologie et les contenus.

perin2015-12En ces jours nous avons aussi évoqué notre souci pour la santé de quelques frères qui nous sont très chers : Michel PINCHON, Giuseppe COLAVERO, Tony PHILPOT, Howard CALKINS… nous voulons leur dire que nous sommes en grande communion avec eux dans ces moments difficiles. Que ne leur manque ni notre prière ni notre affection.

Mark a dressé un bilan des finances de la Fraternité internationale qu’il enverra à tous les responsables régionaux. Nous pensons qu’il est nécessaire que toutes les régions apportent leur contribution financière à la Caisse internationale à la mesure de 10% des cotisations des frères. Ainsi, quelques régions des pays occidentaux pourront réviser les critères de leurs contributions, alors que les besoins sont nombreux. Un pauvre qui donne un peu, un autre pauvre qui donne un peu…au final c’est plus que ce que donne un seul riche.

perin2015-13Une bonne nouvelle est aussi la reconnaissance du statut de droit pontifical par la Congrégation du Clergé pour notre fraternité sacerdotale Jesus Caritas.

Nous rappelons à tous ce moyen de communication entre nous tous plus facile et plus rapide à travers le site: www.iesuscaritas.org qui veut être au service de toutes les fraternités.

Comme équipe internationale, fraternité de 6 frères venus de quatre continents, nous disons un grand MERCI à vous tous : merci pour votre prière, merci pour les contributions financières qui viennent de nombreux pays et aussi de nombreux frères, merci pour faire une place dans votre cœur et dans votre maison au service du Royaume de Dieu, à la Bonne nouvelle, à la joie d’être chrétiens et de nous regarder les uns les autres avec les yeux de Jésus.

A Perín, nous avons vécu chaque jour en pensant à vous, à la réalité de chacun de vos pays , parfois dure et difficile, valorisant les personnes et non leurs capacités, les regardant dans les yeux et non à travers nos lunettes, encourageant leur cœur et non leur intelligence.

Merci.

Que Dieu, Père, Fils et Esprit saint, la Vierge Marie et le frère Charles vous bénissent !

Un grand « Abrazo » de vos frères

perin2015-14Emmanuel, Jean-François, Félix, Mauricio, Mark et Aurelio

Perín, Carthagène, Murcia, Espagne le 28 Octobre 2015 en la fête des Apôtres Saint Simon et Saint Jude

PDF: Lettre de Perín équip.inter fraternité 28octobre2015 FRANÇAIS

Lettre d’Aurelio aux Fraternités de Québec-Acadie, Octobre 2015

Octobre 205

Chers frères et sœurs,

quebec-oct-2015-01Merci pour l’accueil que vous m’avez réservé en tout lieu et à tout moment, que ce soit à Montréal ou à Québec. Je me suis retrouvé dans une vivante fraternité de frères qui s’aiment et s’appuient, avec l’âge qu’ils ont, mais dans un esprit de Nazareth réaliste et engagé. Merci beaucoup! Donald CLICHE a fait de moi un frère aîné et pris soin de moi « comme s’il s’agissait du nonce »; sa maison de Cap-Rouge, à Québec, entourée d’écureuils, m’a permis de contempler et de goûter à la nature, de même que la promenade du dernier jour par les sentiers remplis d’érables multicolores en automne.

quebec-oct-2015-02Ce fut un cadeau du Seigneur de rencontrer Guy BOUILLÉ le dimanche midi, alité aux soins intensifs de l’hôpital qui le soignait à Montréal, de le bénir et de le laisser me bénir dans son silence, en compagnie de Laurent RAVENDA et Jean-Pierre LANGLOIS. Quelques heures plus tard, il se rendait déjà à la maison du Père, vivant la fraternité avec tant de frères qui nous ont laissés; je crois que son salut chaleureux le plus mémorable, il l’aura reçu de Jacques LECLERC, son grand ami et compagnon de fraternité.

J’ai goûté aux réalités humaines, aux espoirs et aux rencontres quebec-oct-2015-03avec chaque membre de la fraternité séculière composée majoritairement d’agents de pastorale, grâce à Ciro PICIRILLO, responsable de cette fraternité, à COPAM à Montréal, partageant le moment présent de chaque personne, de chaque histoire, touchée par la main de Dieu qui nous conduit quelquefois là où nous ne voudrions pas aller, mais qui prend soin de chacun de nous.

quebec-oct-2015-04J’ai eu aussi une bonne rencontre avec la fraternité des jeunes chrétiens qu’anime Ciro, avec son esprit d’accompagnateur et d’animateur, un groupe formé majoritairement de jeunes immigrants, ouverts à l’appel de Jésus dans leur vie en construction, avec la joie et la confiance dans l’avenir que demande ce monde nouveau.

Le repas du soir et la prière communautaire, reliée à l’Évangile du dimanche, m’a rappelé Jésus qui réunissait ses disciples les instruisant pour construire le Royaume, de manière profonde malgré les éléments superficiels auxquels nous invite le premier monde riche et systématiquement commode.

Un autre cadeau inespéré mais qui m’a rempli de joie et d’émotion fut ma rencontre avec Sœur Gilberte BUSSIÈRES, des dames de la Congrégation Notre-Dame de Montréal, qui fut séquestrée par Boko Haram l’an dernier quebec-oct-2015-05dans le nord du Cameroun, avec Gianantonio ALLEGRI, de notre fraternité italienne, y Giampaolo MARTA, tous deux missionnaires venant du diocèse de Vicenza. Yvonne DEMERS, agente de pastorale, m’a amené à la Maison de prière Notre-Dame à Longueuil. Ce fut émouvant pour moi d’embrasser cette femme de l’Évangile, d’écouter son témoignage de l’amour de Dieu vécu durant ces 51 jours de captivité avec Gianantonio et Gianpaolo, et de découvrir de nouveau une vision de Frère Charles réel, et non pas idéalisé, devant rien, ni même nos chandelles allumées dans le temple ni les images religieuses que nous révérons.

Avoir pu passer un peu de temps avec Guy et sœur Gilberte ont été les moments les plus impressionnants de mon séjour parmi les fraternités de Québec – Acadie. J’en rends grâce au Seigneur dupuis la pauvreté de mon cœur.

quebec-oct-2015-06La rencontre régionale des Fraternités, le 4 et 5 octobre dans la ville de Québec, avec les frères et des laïques, agentes de pastorale associées à la Fraternité, a été l’occasion de rencontrer des frères et sœurs avec un esprit de service admirable, avec des témoignages et une joie de vivre qui m’a fortifié dans l’espérance d’une Église telle que souhaitée par le pape François. Le trio responsable sortant composé de Donald CLICHE, le responsable régional, de Benoît HINS et Richard WALLOT, transmirent le mandat à Gilles BARIL, le nouveau responsable qui formera équipe avec Jean-Claude DEMERS, grand spécialiste en communications, avec une agente de pastorale et deux autres membres qu’il choisira parmi les frères des différentes régions.

Merci à vous tous pour votre dévouement à la Fraternité. Le trio sortant a présenté un bon rapport – bilan de sa gestion et de la vie des fraternités. Flottait dans l’air un esprit de fraternité. En tant qu’êtres humains et hommes de Dieu, c’est une véritable richesse pour nos Églises locales. Les échanges, l’adoration, l’eucharistie, les moments de partage fraternel ont été un authentique rencontre de foi.

quebec-oct-2015-07Comme décisions et propositions immédiates, je veux souligner la préparation du Mois de Nazareth en janvier prochain et la participation à la grande assemblée panaméricaine qui aura lieu à Cuernavaca, Mexique en février. Gilles et Donald seront les représentants de la région Québec-Acadie.

Dans la ville de Québec, accompagné par Donald, nous avons rencontré René TESSIER, un membre de la fraternité qui est responsable des communications pastorales du diocèse, Gaétan PROULX, évêque auxiliaire, ainsi que Marc PELCHAT, vicaire général du diocèse et membre de notre fraternité qui nous invitèrent pour le repas du midi.

quebec-oct-2015-08Ce fut également une grande joie de nous réunir au Grand Séminaire avec la fraternité composée de Pierre GAUDETTE, Jacques GOURDE, Roger LABBÉ et Marc BOUCHARD, des frères avec une expérience importante dans leur service ecclésial parmi les gens les plus simples et les fraternités. Merci à vous pour votre beau témoignage.

Pour tout cela, pour ce que nous avons vécu et partagé ensemble, pour les appels à partir du charisme du frère Charles de Foucauld avec son message de fraternité universelle si pertinent dans notre église actuelle, si apprécié par le pape François, merci mes frères et merci au Seigneur de m’avoir permis d’en être témoin durant ces quelques jours de votre vie de fraternité.

quebec-oct-2015-09Je remercie également Laurent pour l’espace d’adoration qu’il m’offrit et durant lequel j’ai compris que la spiritualité va bien au-delà de l’acte de prier, d’adorer, de contempler ou de participer avec d’autres personnes dans des célébrations. La spiritualité, c’est le bon esprit d’amour, de joie, de solidarité et de respect, c’est être à l’écoute quand nous faisons n’importe quoi : travailler, être en relation avec les autres, voyager, écouter, préparer une activité, etc. Voilà pour quoi est si importante la journée mensuelle au désert. Dieu se met à notre recherche au désert pour nous donner ce bon esprit. Ce bon esprit est celui que frère Charles mettait quand il priait, écrivait, rêvait, ou tout simplement lorsqu’il se sentait si proche de ses voisins : l’esprit de Nazareth.

quebec-oct-2015-10Un gran abrazo.

Aurelio SANZ BAEZA, frère responsable

Perín, Carthagène, Murcie, Espagne, 12 octobre 2015

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PDF: Lettre d’Aurelio aux Fraternités de Québec-Acadie, Octobre 2015

CAMEROUN, Grégoire CADOR, Homélie du 15 août 2015

Nous sommes montés ce matin ! En ce jour de l’Assomption qui signifie littéralement “montée en Dieu”, nous sommes montés à la suite de Marie qui monte, non plus chez sa cousine Elisabeth. Arrivée au terme de sa vie terrestre, Marie “monte dans la gloire de Dieu”… Sa vie est “assumée” par Dieu…

Nous sommes montés aussi, à la suite de Baba Simon qui, au cours des 16 années dernières années de sa vie qu’il a passées chez nous, montait chaque mois en ce lieu pour vivre sa “journée de désert” selon les règles de la fraternité Jésus-Caritas à laquelle il appartenait et dont il était le fondateur au Cameroun et en Afrique…

Permettez-moi de saluer ici nos frères prêtres venus des diocèses de Goré, Moundou, Laï et Sarh au Tchad, du diocèse d’Edéa au Cameroun et du diocèse de Maroua pour célébrer avec nous les 40 ans du passage en Dieu de Baba Simon…

Nous sommes montés aussi avec le P. Christian, notre actuel pasteur pour, avec lui, dire merci à Dieu pour sa présence fidèle à nos côtés depuis 40 ans…

40 ans dans la Bible c’est le temps de la maturation, du cheminement pour la conversion (ce que nos frères musulmans appellent le ‘grand djihad’)… C’est le temps de la constitution et de la reconstruction d’un peuple qui, d’esclave qu’il était, devient peuple libre, près à entrer en Terre Promise…

Nous sommes montés ensemble pour contempler l’œuvre entreprise et faire le point en vue des prochaines années…

Si nous avions la possibilité de remonter le temps… nous verrions ce qui se passait dans le cœur des habitants de Kudumbar il y a exactement quarante ans aujourd’hui… ! La nouvelle venait de tomber : Baba Amta !…

Panique générale… Baba n’est plus là, Tokombéré est mort ! Deuil, consternation… On avait enterré Baba Simon à des centaines de kilomètres de ce qui était devenu le “chez lui” et qui est le “chez nous” ! Personne n’avait eu le temps de faire le déplacement, pas même Mgr de Bernon bloqué dans la brousse de Mokolo par la saison des pluies et une panne de voiture… Jean-Marc non plus n’était pas là pour nous aider à faire le deuil… Au-delà de l’absence d’un cadavre à enterrer qui est une épreuve insupportable dans les traditions d’ici…, nous ne reverrions jamais Baba… Lui qui s’était battu de toutes ses forces pour nous rendre notre dignité bafouée et nous permettre d’entrer dans la modernité la tête haute, ne reviendrait jamais… Nous étions perdus !

Réaction bien compréhensible… mais qui dénote un manque de foi ou plutôt une foi mal placée… Ce n’est pas en lui que Baba Simon nous invitait à mettre notre foi mais bien en Jésus-Christ qui nous conduit au Père…

Quelques mois plus tard, en novembre 1975, le P. Christian venait déposer définitivement ses valises à Tokombéré, rejoignant Jean-Marc Ela, les sœurs Servantes de Marie de Douala et les Demoiselles de la société de Jésus-Christ de Lyon, qui tenaient l’hôpital. Il venait, à son tour, apporter une pierre à l’œuvre entreprise…

40 ans après, il est encore là ! Nombreux sont les témoins de cette longue histoire d’amour qui sont encore parmi nous et pourraient la raconter. Il faudra le faire un jour…

Mais là non plus, ne nous trompons pas de Foi… Comme cela a été l’erreur de certains de mettre leur Foi en Baba Simon et donc de se décourager quand il est mort, il serait stupide de mettre notre Foi en Christian au risque de se décourager quand il s’en ira à son tour…

Charles de Foucauld qui fut le maître spirituel de Baba Simon ne disait-il pas, très justement : “Regardons les saints, mais ne nous attardons pas dans leur contemplation, contemplons avec eux Celui dont la contemplation a rempli leur vie. Profitons de leurs exemples, mais sans nous y arrêter longtemps ni prendre pour modèle complet tel ou tel saint, et en prenant dans chacun ce qui nous semble plus conforme aux paroles et aux exemples de notre Seigneur Jésus, notre seul et véritable modèle, en nous servant ainsi de leurs leçons, non pour les imiter eux, mais pour mieux imiter Jésus.”1

Aujourd’hui, disions-nous en commençant, Marie entre “dans la gloire de Dieu”… Cette entrée dans la gloire est le fruit – au sens de l’aboutissement normal – de sa démarche de foi et d’humilité… “Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.” Marie ne se glorifie pas elle-même, C’est Dieu qui la glorifie. En effet la Gloire appartient à Dieu seul et il la partage à qui il veut… Si Marie est accueillie, assumée, aujourd’hui dans la Gloire de Dieu c’est justement parce qu’elle a su reconnaître qu’elle n’était rien, permettant ainsi à Dieu de faire en elle de grandes choses : “Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !” Dépouillée d’elle-même et de toute suffisance, il n’y a, en elle, aucun obstacle à l’action de Dieu. Elle devient chemin de l’incarnation et canal de la grâce… Sa disponibilité sans réserve permet à Jésus de prendre toute sa place en elle… L’ayant reçu gratuitement elle pourra à son tour nous le donner gratuitement…

Marie est modèle de sainteté… pour chacun et chacune d’entre nous, aujourd’hui…

A nous aussi il est proposé de recevoir le Christ et de le donner au monde… Sommes-nous prêts à l’accueillir sans aucune réserve, à la manière de Marie ?

Ce Jésus que Marie nous donne, l’Apocalypse nous le présentait tout à l’heure comme “celui qui sera le berger de toutes les nations, les conduisant avec un sceptre de fer.” Dans la deuxième lecture St Paul précisait :”Celui qui doit régner jusqu’au jour où Dieu aura mis sous ses pieds tous ses ennemis. “

Le Règne du Christ nous le savons n’est pas de ce monde. “Si ma royauté était de ce monde, dit Jésus à Pilate, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré. “

La Royauté de Jésus, le Règne de Jésus c’est celui de l’amour et du don de soi. Son programme est simple : donner sa vie pour que le monde ait la Vie ! Et si les deux premières lectures nous parlaient de combat il ne s’agit pas d’un combat militaire au sens de celui que mènent si vaillamment nos soldats pour défendre nos frontières face à la barbarie.

Il s’agit du combat spirituel contre les forces du mal et de la division…

Ce combat s’enracine dans la fraternité universelle vécue au quotidien et ne se remporte que par le don de soi pour que l’autre ait la vie…

Nous avons la chance, dans ce domaine, de pouvoir faire mémoire de la vie exemplaire de Baba Simon qui “avec patience et sans compter” a donné toute sa vie pour nous montrer le chemin de la Vie…

Nous avons la chance d’avoir encore au milieu de nous l’exemple du P. Christian qui depuis quarante ans, contre vents et marées, est resté fidèle au poste et au don qu’il a fait de sa vie pour la promotion des populations de Tokombéré.

L’intérêt d’avoir un exemple vivant au milieu de nous c’est de comprendre qu’être saint n’empêche pas d’avoir aussi des limites et des défauts comme tout le monde…

Au lieu de nous décourager cela doit, bien au contraire, nous inciter à nous engager à notre tour, en toute humilité, conscients de nos limites, sur ce chemin de fidélité et de confiance en Dieu…

Vous connaissez tous le proverbe chinois : “le doigt montre la lune et l’imbécile regarde le doigt !” …

Arrêtons de faire les imbéciles et de nous arrêter sur les défauts que nous aurons repérés chez Baba Simon, chez Christian ou chez tant d’autres qui se sont donnés pour nous indiquer le chemin du Salut et prenons-le ce chemin qui monte vers la gloire des enfants de Dieu que nous sommes.

Je voudrais terminer par cette affirmation de Baba Simon prononcée au soir de sa vie, dans une interview accordée à notre grand frère Jean-Baptiste en mai 1975 juste avant de quitter Tokombéré pour la dernière fois… Il disait : “Si le Christianisme continue à agir sur le Nord‑Cameroun, il y aura une solution, c’est à dire il y aura une vie sociale normale où tout le monde, musulmans, chrétiens, païens, vivra comme des frères, la main dans la main.” Voilà notre feuille de route !

Qu’attendons-nous, chrétiens de 2015, pour nous mettre à l’œuvre et faire fructifier un si bel héritage ?

Merci Baba Simon, merci P. Christian, de nous avoir ouvert les Portes de l’Avenir… et de nous indiquer le chemin de la Vie !

Comme Marie vous aussi vous avez “cru aux paroles qui vous furent dites de la part du Seigneur” et, comme Marie, vous vous êtes “mis en route vers les montagnes” non plus de Judée cette fois-ci, mais les montagnes du Nord-Cameroun pour y faire retentir la Bonne Nouvelle au cœur des traditions locales…

Puisse Dieu un jour vous accueillir avec Marie et vous faire entrer comme elle dans sa gloire…

CAMEROUN, Grégoire CADOR, Lettre aux amis – 10 octobre 2015

Aux amis du diocèse de Maroua-Mokolo et de Tokombéré

Chers amis,

Les trois mois ‘quasi rituels’ sont déjà presque passés… Je reprends le clavier !

Je commence par les bonnes nouvelles et tout particulièrement par le grand évènement que nous venons de vivre lors des « journées diocésaines » (trois jours que nous passons chaque année à pareille époque avec 200 ou 300 responsables venus de toutes paroisses pour la ‘’rentrée’’ des activités pastorales).

Il s’agit de la remise au P. Christian, par notre évêque et au nom du Pape, de la médaille « Pro Ecclesia et Pontifice » pour l’énorme travail abattu pour le service de l’Eglise au cours de ses 40 ans de présence missionnaire à Tokombéré.

Grande émotion de Christian bien sûr mais aussi de nous tous devant cette surprise, préparée très discrètement par l’évêque, et joie de la reconnaissance par le diocèse du travail de témoin de l’Evangile. Le nouveau thème pastoral pour l’année est « Vous êtes mes témoins » (cf. Ac 1, 8) il vient à la suite de celui de l’an passé « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps » (Mt 28,20). L’évêque a voulu mettre en valeur le témoignage concret de Christian pour inciter chacun à s’engager concrètement à la suite du Christ. A cette occasion « Vie de l’Eglise » (le journal diocésain) a édité un très beau magazine spécial sur Christian et le Projet de Promotion humaine de Tokombéré.

La fête va continuer à St Germain des Prés lors du rassemblement des 13-14-15 novembre prochains à St Germain des Prés : « De la rencontre à la fraternité, pour un nouvel élan ». Si vous ne pouvez pas y être merci de vous y associer par la prière et l’action de grâce.

La vie continue à Tokombéré en ce temps où s’ouvrent les récoltes. Elles se présentent assez bien. Cela représente un énorme travail parce que tout a poussé en même temps ! Le dilemme est de savoir par où commencer… Un gros problème demeure cependant, dans de nombreux villages : celui du non-paiement de la production par la Sodecoton (société qui gère la production cotonnière de tout le pays). Beaucoup comptait sur cet argent pour payer les écolages et autres besoins si importants en cette période de rentrée… Là comme partout : Wait and see ! (Ici on dit facilement ‘Se Mounial’ ce qui peut se traduire par ‘patience’. Mon Dieu qu’il en faut parfois pour ne pas se décourager !)

Malgré cela les écoles ont repris un peu partout (sauf à l’extrême frontière ou la situation est encore bien difficile) mais le spectre kamikaze hante tout le monde… De nombreuses mesures ont été prises (plus ou moins bien appliquées selon les endroits et les moyens) : clôture, uniforme obligatoire, contrôle à l’entrée, interdiction des cartables ou autres sacs fermés… Cela ne résout pas tout… et quand on sait que dans le seul arrondissement de Tokombéré, au-delà de notre collège et de nos quatre écoles primaires, il y a plus de cinquante écoles publiques et une dizaine d’établissements secondaires, on mesure l’ampleur de la tâche. Les effectifs (augmentation par-ci, diminution par-là) sont à peu près stables dans nos établissements et le personnel bien présent. Le nouveau directeur de l’école St Joseph qui est en même temps conseiller pédagogique pour tout le département du Mayo-Sava prend peu à peu ses marques.

La maison du paysan a abattu un très bon travail concernant l’eau et les questions d’érosion et de réserves. De nombreux biefs ont été construits ou réhabilités. Il s’agit de micro-barrages installés en montagne sur le cours d’un mayo (cours d’eau de saison des pluies). L’objectif est de ralentir le courant, limitant ainsi l’érosion et donnant le temps à l’eau de rejoindre plus abondamment la nappe phréatique ce qui a pour effet de renforcer les puits environnants… Grand merci à l’association Mil et Blé pour l’appui très important qu’elle apporte à ce volet.

La pluie continue malgré tout à faire des dégâts sur les routes et la circulation en voiture reste très compliquée et source de nombreuses dépenses d’entretien pour les véhicules (que dire du dos des conducteurs et passagers qui en prend un coup à chaque voyage !)

Pour des raisons internes qui n’ont pas besoins d’être évoquées ici, l’atelier de couture n’ouvrira pas ses portes cette année, mais la Promotion féminine continue avec la mise en route des groupes dans les principaux secteurs de la paroisse. Une assemblée générale des femmes aura lieu à la fin du mois d’octobre.

L’atelier de menuiserie fonctionne (quand les nombreuses coupures d’électricité le permettent). Les menuisiers ont appris avec émotion, (grâce à l’attention très délicate de Pierre et Emilie Martin, fondateurs et premiers formateurs du groupe des menuisiers), le décès de M. Fouquet, menuisier sarthois, qui au moment de prendre sa retraite avait donné ses machines et son outillage pour le projet d’atelier de Tokombéré. Nous voulons lui rendre hommage ici et faire savoir à sa famille notre reconnaissance. La fraternité n’a pas toujours besoin de la rencontre pour s’exprimer, vous l’aviez bien compris et l’Evangile de ce dimanche nous le rappelait : Notre vie ne pèse, aux yeux de Dieu, que de l’amour qui la fait vivre… Merci à vous M. Fouquet et, comme on le dit au Cameroun, « Que la terre de vos ancêtres vous soit légère ».

Nous avons vécu, avec le Projet-Jeunes et le P. Justin, un très beau moment à l’occasion des journées de clôture des activités des « Portes de l’Avenir », dont je vous parlais dans le dernier courrier. Ce sont plus de 400 jeunes qui ont passé trois jours ensemble dans le cadre de la paroisse pour des temps de réflexion, d’activités culturelles, sportives, ludiques et pour la prière qui a culminé avec la célébration du 15 août ou les 40 communautés de la paroisse se sont retrouvées sur la colline Baba Simon pour célébrer Dieu en l’honneur de Marie, de Baba Simon (dont c’était le quarantième anniversaire de l’entrée dans la Vie) et de Christian (dont nous fêtions, en paroisse cette fois-ci, le quarantième anniversaire de présence missionnaire à Tokombéré). Pour ceux que cela pourrait intéresser, je mets en pièce jointe l’homélie que j’ai prononcée ce jour.

Avec les catéchistes, nous avons pris le temps de bien réfléchir sur la ‘vérité’ et la ‘qualité’ de notre engagement en ces temps difficiles où les communautés sont en droit d’attendre une parole vraie et claire pour ne pas perdre le Nord… Nous avions l’habitude, chaque année, de faire l’envoi en mission à la Pentecôte. Cette année nous avons préféré attendre la fin du mois de septembre pour vivre ce temps très important de la vie paroissiale. Je me permets de recommander à votre prière chacun de nos 40 catéchistes ainsi que leurs familles (souvent fort nombreuses !).

Avec eux et avec l’Equipe d’Animation Pastorale nous avons préparé les « week-ends de rentrée » qui auront lieu dimanche prochain simultanément dans les 6 secteurs de la paroisse. Dans le cadre de notre thème diocésain, nous réfléchirons avec l’ensemble de la communauté chrétienne sur l’absolue nécessité de se laisser rencontrer et connaître par le Christ pour pouvoir devenir réellement ses témoins dans notre vie de tous les jours. En partant de témoins de cette rencontre (de Marie de Nazareth au possédé Gérasénien en passant par Paul de Tarse, la Samaritaine, le Centurion au pied de la Croix et bien d’autres) nous cheminerons au cours du trimestre pour arriver à chacun et chacune d’entre nous : « Et moi, comment et où ai-je rencontré Jésus ? Qu’est-ce que la rencontre et le chemin que je fais avec lui provoque en moi ? Comment est-ce que je témoigne de Jésus ? »

Au niveau de la zone pastorale du Mayo-Sava j’ai été pas mal occupé ces derniers temps par la passation de service dans quatre paroisses qui changeaient de curé. C’est intéressant parce qu’il s’agit, avec les personnes en responsabilité dans la communauté chrétienne, prêtres ou laïcs, de faire le point sur la vie de la communauté, ses capacités, son dynamisme, mais aussi ses limites, ses zones d’ombre. On s’aperçoit que, si beaucoup ont vraiment compris ce que voulait dire prendre des responsabilités en Eglise, certains ont besoin de revoir leur manière d’être ou de faire pour vivre une véritable coresponsabilité… Nous sommes là devant un problème universel !

Nous avons aussi vécu la journée de rentrée de la zone avec une quarantaine de responsables venus des 10 paroisses qui la compose. Ensemble nous avons partagé les nouvelles et mis sur pied le programme de notre centre de formation de la zone. Nous avons aussi pris acte, bien douloureusement, des nombreux départs de religieuses rappelées par leur congrégation (des 21 religieuses présentes il y a deux ans il en reste 5 !)

C’est pour moi une question terrible… Si je comprenais (un peu) une telle réaction à chaud, le temps de prendre du recul et de se ressaisir, je suis en revanche scandalisé (tenté de tomber) devant le refus de revenir à cause des risques… Nous sommes en train de poser des gestes contreproductifs qui engagent l’avenir de façon dramatique… Si nous pasteurs et responsables pastoraux ne sommes pas fidèles à l’appel : « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime » (fusse au risque du sang) alors nous laissons la place aux barbares qui n’attendent que ça pour s’installer en ‘libérateurs’… Si nos supérieurs nous ont reconnu(e)s aptes à donner notre vie au moment de notre ordination ou de nos vœux de quel droit reprennent-ils ce droit au moment où l’occasion est venue (peut-être ou peut-être pas) de le faire jusqu’au sang. Si nous, les annonceurs de la Bonne Nouvelle, nous plions alors qu’en sera-t-il de nos jeunes confrères ou sœurs quand le problème s’aggravera ?…

Le monde d’aujourd’hui a plus que jamais besoin de témoins et nous ne devons pas oublier la racine grecque de ce mot.

La mission, bien au-delà de la logique des ONG aussi compétentes qu’elles puissent être c’est : Etre avec, comme Jésus à Emmaüs… Porter le poids du jour et de la chaleur et se mettre au service d’une Parole qui vient de plus haut, qui fait autorité et qui touche les cœurs…

Heureusement, nous avons vécu ces dernières semaines deux engagements de religieuses camerounaises dans des congrégations internationales d’origine françaises. Les supérieures concernées sont venues, certaines depuis la France, pour entourer leurs jeunes sœurs, et nous aurons bientôt la visite d’autres supérieures européennes. Cela redonne de l’espoir.

A chaque fois que je me rends dans les paroisses et communautés proches de la frontière, je suis impressionné par la qualité de don de soi qu’y vivent les chrétiens. Ils ont vraiment besoin de notre soutien (et du vôtre, merci d’avance !) mais ils sont aussi pour moi une source de réconfort et d’inspiration. Deux jours après la rencontre de zone que j’évoquais plus haut, un des responsables qui était avec nous perdait sa petite fille de 8 ans, Fidèle, tuée devant chez lui par un kamikaze à peine plus âgé qu’elle ! Nous sommes là au cœur de l’abomination. Demandons à Dieu de nous donner la haine du péché en nous-mêmes pour pouvoir aimer le pécheur qui nous fait du mal…

Je mets en pièce jointe de ce courrier un article écrit par un journaliste de RFI récemment venu dans la région. Il me semble, malheureusement, donner un bon aperçu de ce que nous vivons dans la région ces derniers temps…

Merci de rester à nos côtés et de vos nombreux, petits ou grands, signes de communion…

Bonne semaine missionnaire à tous !

Nous sommes ensemble…

Grégoire

Comment parler de Dieu aujourd’hui ?

Il n’y a pas de réponse technique ou théorique, mais nous avons, chacun de nous, à être une réponse, une réponse que nous ne comprenons pas, mais que nous sommes, en suivant le Verbe sur son chemin de croix (et de joie). Il ne s’agit plus d’avoir une rhétorique sublime ni de se vanter de n’avoir aucune rhétorique. L’essentiel n’est pas du côté de l’avoir mais de l’être. L’essentiel est d’être, avec le Christ, une parole vivante et livrée à autrui, et donc moins d’avoir une parole sur Dieu que d’être les uns pour les autres une parole de Dieu. Vos adversaires ne pourront y résister. Ce qui leur sera assez insupportable. Ne pouvant vous clouer le bec, ils essaieront de vous clouer tout entier. Et c’est pourquoi, avec un peu de chance, ils vous mettront à mort. Le langage de la Croix aura atteint alors son maximum d’efficace, puisque, malgré eux, vos bourreaux achèveront votre conformation à la Parole crucifiée…

Fabrice Hadjadj,
Comment parler de Dieu aujourd’hui,
Salvator, Paris, 2012, p.214-215