Lettre d’Éric. Notre frère Mariano PUGA

le 16 Mars 2020

Je disais : je ne verrai plus Yahvé sur la terre des vivants.
Je ne verrai plus personne parmi les habitants du monde.
Ma tente est arrachée, jetée loin de moi, comme la tente des bergers.
Comme un tisserand tu enroules ma vie pour en trancher la trame (Isaïe 38,11-12)

Il existe une bonne mort et nous sommes responsables de la façon dont nous mourons ;Nous devons choisir entre nous accrocher à la vie et ainsi notre mort devient un véritable échec et désastre ou bien laisser la vie libre de nous transformer en don pour les autres comme une source d’espérance. ( Henri NOUWEN ; La vie de l’Aimé )

Chers frères

profondément touché par son départ et très reconnaissant envers lui, je vous annonce le grand passage de notre frère aîné et icône vivante de notre fraternité : Mariano PUGA CONCHA de Santiago de Chile ; il est décédé le 14 mars 2020, âgé de 88 ans, frappé d’un cancer lymphatique.

Permettez-moi d’évoquer la grande amitié qui nous a liés ; notre première rencontre remonte à l’assemblée générale du Caire en 2000 ; avant son élection comme responsable général, sa présence dans le groupe était déjà un virus qui se répandait en joie et rires notamment quand il accompagnait les chants à l’accordéon ; nous ne savions pas que ces chants en espagnol venaient des quartiers populaires de Santiago ; lui, très jovial et fort, jamais déprimé ressemblait à un troubadour qui par son souffle et son cœur porte les rêves et les aspirations de son peuple ; Je restais impressionné par sa vivacité d’esprit et sa musique joyeuse.

Notre seconde rencontre eut lieu aux USA en 2002 ; lui visitait la fraternité et moi j’y faisais une année sabbatique. Notre frère maintenant décédé Howard Caulkins fit en sorte que je puisse me rendre avec Mariano à l’assemblée des frats au Minnesota ; Ainsi nous avons voyagé ensemble et rapidement nous nous sommes retrouvés sur la même longueur d’onde, dialoguant d’une façon profonde et personnelle. Je lui racontai comment j’étais en crise avec l’Eglise, avec mes démons personnels et avec Dieu ; jamais je ne m’étais senti autant écouté ; à la fin il m’a serré dans ses bras, tel un grand frère réconfortant un plus jeune, avec des larmes aux yeux, partageant ma douleur. Nous sommes quittés avec cette promesse de rester proches par la prière, moi dans l’abbaye où je me rendais et lui en route vers Tammanraset.

Ma dernière rencontre avec lui remonte à l’an passé dans l’île de Cébu aux Philippines pour l’assemblée générale des fraternités ; Voyager ainsi à 88 ans à l’autre bout du monde se révéla difficile et il en paya le prix ; il fut hospitalisé 2 fois et chaque fois je l’ai l’accompagné ; sa sagesse m’invitait à quitter mes prétentions et à accepter en profondeur un échange sur nos histoires personnelles ; et c’est ainsi que nous nous sommes retrouvés au coude à coude comme deux frères. Je suis resté auprès de lui pendant 5 heures aux urgences, puis dans la chambre mise à sa disposition ( et pourtant il avait insisté pour être dans la salle commune avec les pauvres) Je le quittai bien tard ce jour ; au moment de partir, avec un beau sourire il me murmura: «  l’assemblée est terminée ; je pourrais rentrer à la maison » Je suis reparti quelque peu remuémais surtout enrichi de cet émouvant dialogue, « cette révision de vie » que Mariano voulait placerau cœur de chaque rencontre de frères.

Permettez-moi de vous partager aussi quelques lignes écrites par Fernando TAPIA du Chili : « Mariano fut un passionné chercheur de Dieu et un amoureux de Jésus de Nazareth ; Etudiant, sa rencontre du Christ à travers les pauvres d’une décharge d’ordures changea sa vie pour toujours ; il a tout quitté et entra au grand séminaire ; c’est là qu’il découvrit Charles de Foucauld et devint son disciple jusqu’à la fin de sa vie ; il devint directeur spirituel et formateur au séminaire de Santiago; puis il se fit prêtre-ouvrier pour plus de 30 ans, partageant la vie des pauvres ; il a toujours vécu avec eux ; il fut leur pasteur, leur défenseur au temps de la dictature militaire de Pinochet, souffrant la prison 7 fois. Il s’engagea en faveur d’une Eglise liée à la situation et aux combats des pauvres ; infatigable il prêcha de nombreuses retraites au Chili et à l’extérieur ; c’était un homme de prière, joyeux, proche de tous croyants ou non, missionnaire dans les périphéries de la société chilienne, à la suite du Père de Foucauld ; l’évangile était son guide, cet évangile il voulait le crier par sa vie »

Mariano, frère et ami, un grand merci ; Merci pour ton témoignage fou d’un Dieu fou en Jésus de Nazareth ; je partage la reconnaissance et la peine des pauvres de Santiago ; tu les a touchés si fortement par ton témoignage ; Que Jésus, le bon pasteur,te reçoive pour toujours dans ta nouvelle demeure, celle qu’il a préparée pour ceux qui sont fidèles. Frères, je prie avec Mariano, pour que dans nos réunions et assemblées, nous continuions à prendre le risque de partager notre pauvreté et notre vulnérabilité ; c’est notre pauvreté qui nous unit, nous qualifie et nous rend libre en tant que frères c’est aussi le trampoline pour notre mission parmi les pauvres, comme nous le disions à Cébu.

Renouvelons notre engagement à suivre la vie missionnaire de Jésus avec les pauvres, à la suite de Frère Charles.

Eric LOZADA aux Philippines
( traduction de Jean-Louis RATTIER)

PDF: Lettre d’Éric. Notre frère Mariano PUGA, fr

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Lettre du responsable général aux frères du monde entier, 1 janvier 2020

«Un enfant nous est né et un Fils nous est donné…» (Isaïe 9, 5)

Frères bien-aimés,

Je suis vraiment désolé que cette lettre de Noël vous parvienne comme un message de nouvel an. C’est juste parce que dans notre diocèse, on me demande présentement d’accomplir quelques ministères sensibles si bien que je perds souvent mon équilibre. En combattant le mal et toutes ses ombres complexes qui détruisent les personnes, les relations et les institutions comme l’Église, j’ai lutté à plusieurs reprises pour me remettre entre les mains d’un Dieu aimant afin d’obtenir la lumière, la paix intérieure et l’amour. Mais parfois je me sens triste, en colère et impuissant. Et me voilà donc, par la grâce de Dieu, mieux vaut tard que jamais. Permettez-moi de vous embrasser avec des salutations chaleureuses de joie dans vos fraternités locales, diocésaines, nationales et continentales. Bien que beaucoup d’entre vous soient toujours sans visage pour moi, je continue de chuchoter chacun de vos noms devant le Bien-Aimé. (Grâce à notre annuaire mais il a besoin d’être mis à jour). L’année dernière, j’ai eu le privilège de rencontrer des frères d’Haïti, de la République dominicaine, du sud-est des États-Unis, de la Corée du Sud et du Myanmar. De façon particulière, la rencontre d’Haïti de l’Association de la Famille Spirituelle de Charles de Foucauld en avril dernier a à la fois ancré et élargi ma connaissance de la Spiritualité et de la Tradition. Merci, sœurs et frères pour l’accueil et l’hospitalité, les échanges fraternels et l’humble témoignage.

Je voudrais commencer par la première question que Yahvé posa à Adam dans la Genèse: où es-tu? Je pose cette question périodiquement juste pour vérifier à quel point je suis enraciné dans ma réalité. La réalité n’est pas vraiment la mienne mais la réalité de Dieu en moi et dans le monde et à quel point je suis libre ou forcé d’y répondre. Adam n’était pas libre, mais effrayé de sa nudité, se cachant de Dieu, coupable de son péché. À son insu, il a agi à partir d’une distorsion qui l’éloignait de Dieu et de sa vérité. D’Adam est sortie toute une humanité « fissurée ». Pourtant, le prophète Isaïe a prophétisé sur la venue du nouvel Adam: « un rameau sortira du tronc de Jesse, et un rejeton naîtra de ses racines : sur lui l’esprit du Seigneur repose…» (Isaïe 11, 1). Il y a une nouvelle humanité qui est née d’un arbre coupé de ses racines – une humanité qui n’est pas prise en otage par le mal mais « divinisée », restaurée à sa bonté originelle. La fissure est toujours là non plus comme un bloc, mais comme la seule ouverture pour que le flux de la grâce de Dieu y entre. Et ainsi, nous prions: « Ô Dieu… accorde-nous de pouvoir partager la divinité du Christ, qui s’est humilié pour partager notre humanité. » (Noël, Collecte).

Le pape François nous a permis de regarder à nouveau la crèche avec sa lettre apostolique, Admirabilis Signum. Le signe le plus admirable est qu’un humble enfant Dieu s’est remis aux mains d’une humanité brisée. Alors que la plupart de l’humanité n’était pas prête, les bergers, les animaux, la mangeoire étaient prêts. Ils représentent l’humanité qui reçoit Dieu dans sa plus humble pauvreté, sa fragilité, son imperfection, sa souillure et par cet acte radical de don de soi, nous devenons ce que nous recevons. C’est une pure initiative divine. La « mangeoire » de nos cœurs, endurcie et déchirée par le mal sous toutes ses formes, à la fois structurelle et personnelle, lorsqu’elle est tenue devant Dieu, devient un espace humble mais prophétique de rencontre, de dialogue, de guérison et d’hospitalité avec les multiples visages déguisés de l’Emmanuel aujourd’hui.

Permettez-moi de mettre en scène le frère Charles, sa vie sauvage, son comportement excessif, son énergie sans repos, ses lettres passionnées. Il a passé toute sa vie à essayer de s’enraciner dans le Mystère de l’Incarnation. « Seigneur, si tu existes, fais-moi te connaître.» C’était son cri pour une connaissance de Dieu par expérience. Il a lutté avec le Mystère. Et de la manière douce et patiente de Dieu, il le conduisit à une réponse libérée à l’amour pardonnant de Dieu. « Maintenant que je sais qu’il y a un Dieu, je ne peux que lui donner toute ma vie. » Un approfondissement dans le Mystère lui a fait dire ces mots : « Mon chemin, c’est toujours chercher l’endroit le plus bas, être aussi petit comme mon Maître, marcher avec lui pas à pas comme un disciple fidèle ». Ma vie consiste à vivre avec mon Dieu qui a vécu de cette façon toute sa vie et qui m’a donné un tel exemple dès sa naissance même. » Jésus n’a rien fait d’autre que de descendre et cela a marqué Frère Charles de façon permanente. La petitesse radicale de Dieu à l’Incarnation a porté fruits dans une vie qui s’est encore approfondie dans l’humilité radicale de Dieu à Nazareth. De Bethléem à Nazareth, deux mystères fondamentaux de Dieu sont révélés dans la vie de Jésus et lorsque nous comprenons cela, sur les traces du frère Charles, nos vies, notre façon d’accomplir la mission comme prêtres diocésains et de voir le monde est changée pour toujours.

Je voudrais vous inviter à prendre en compte devant le Mystère les réalités complexes de nos fraternités locales, nationales, régionales et internationales, de nos diocèses, de notre Église et de notre monde. Nous en avons déjà vu certains à Cebu, mais il est nécessaire de les voir avec de nouveaux yeux et de répondre avec un nouvel enthousiasme et un nouvel espoir. L’humble Dieu sans prétentions de Nazareth pourrait avoir de subtiles invitations pour nous dans ces réalités.

Lors de la rencontre d’une vingtaine de membres de l’Association en avril, nous avons appris qu’Haïti était un pays pauvre mais riche de foi. Nos Petits Frères et Petites Sœurs de l’Incarnation ont une présence très prophétique et concrète dans la vie des Haïtiens dans l’agriculture, l’éducation, les programmes de subsistance, les services sociaux. Pourtant, la corruption dans le système politique plonge le pays dans un sombre tunnel de pauvreté, d’incertitude et de troubles. (À l’heure actuelle, la situation empire encore). Les Pères Jonas Cenor et Charles Louis Jean, anciens petits frères de l’Incarnation ont commencé la fraternité avec 3 frères en 2015. Le P. Fernando Tapia les a visités et les a invités à la Réunion Panaméricaine en 2017. Avec des visites occasionnelles du Père Abraham Apolinario, ils continuent de chercher des possibilités de se rencontrer régulièrement. Le problème n’est pas seulement la distance, mais plus encore, le climat politique rend les voyages dangereux. Où Dieu nous invite-t-il?

Notre adhésion à l’Association est un cadeau. Je suis impressionné par la façon dont le Frère Charles a inspiré tant de charismes et d’œuvres missionnaires dans l’Église et d’autres continuent de voir le jour. Nous ne pouvons cependant pas ignorer les tensions que cette diversité apporte. Ces tensions peuvent toutefois être vivifiantes lorsqu’elles sont considérées dans l’agenda plus vaste du Royaume. Nous sommes tous invités à boire sans cesse au même Esprit afin que nous puissions tous marcher ensemble en harmonie. Cependant, l’Association demande un engagement plus actif de notre part en termes de correspondance et de participation aux rencontres. Je suis handicapé dans la langue française et j’ai donc demandé au P. Matthias Keil de nous représenter.

La fraternité de Saint-Domingue et de Santiago est très vivante mais vieillissante. La présence et le témoignage de vie de Rafael Felipe, membre pionnier et évêque à la retraite, sont comme un phare pour le clergé et les séminaristes du diocèse de Beni. Il présente la fraternité aux séminaristes et prêche quelques retraites de prêtres sur la Fraternité. Le P. Lorenzo, un prêtre très dynamique d’une petite paroisse vit dans une communauté semi-monastique de prêtres, sœurs et séminaristes. Le P. Angel Marcano pose toutefois une question qui cherche toujours des réponses: pourquoi après 30 ans, nous n’avons pas grandi? Où Dieu nous invite-t-il?

J’ai eu le privilège de participer au 40e anniversaire du Père Jerry Reagan à Toybee Island, en Géorgie aux États-Unis en mai. Son presbytère est une maison de fraternité où les prêtres peuvent venir passer la nuit. Chaque mois, il conduit pendant 2 heures à Augusta pour rencontrer les frères, dont le P. Peter Clarke qui a déjà 91 ans. Ils commencent avec l’adoration, vient ensuite la révision de vie et terminent par une agape. Leurs rencontres sont si régulières et intimes que lorsqu’un frère décide de partir, la fraternité s’en trouve affaiblie. Sans nouveau membre, la fraternité est encore plus vulnérable.

La fraternité en Corée du Sud est jeune et dynamique. Le Père Paul qui a vécu à Tamanrasset pendant un certain temps, a commencé la fraternité en 1994 avec le Père Philip Yoon et fut rejoint par des jeunes prêtres. Le christianisme en Corée est tout à fait unique car il repose sur le fondement du sang de milliers de martyrs qui sont pour la plupart des laïcs. Les frères contribuent de leur argent personnel pour construire une maison où ils pourraient se réunir pour la rencontre mensuelle. Tout comme beaucoup, ils ont du mal avec la journée du désert, la révision de vie et l’anglais.

Quand je vois les Pères Eugene et Matthew et comment ils vivent, je peux dire que la fraternité au Myanmar a un visage ascétique. La religion bouddhiste majoritaire est mise en exergue par la présence de pagodes partout et le port de pantoufles (pas de chaussures) rend la vie naturellement simple au Myanmar. J’ai cependant interrogé un prêtre non-JC au sujet de son opinion sur la fraternité, et sa réponse m’a dérangé: «Je ne peux pas être honnête avec ma réponse devant eux.» Quel est le visage dissimulé de la fraternité? Où Dieu nous invite-t-il? Les frères ont cependant du mal à trouver un temps régulier pour se rencontrer, pour une journée de désert et pour la révision de vie.

Le cardinal Benjamin Stella, préfet de la Congrégation pour le Clergé à Rome m’a écrit une lettre par l’intermédiaire du Père Aurelio exprimant sa profonde proximité avec nous. Il a souhaité que nous puissions « vivre à nouveau et avec joie notre mission selon les principes directeurs» du Saint-Père. Il a cependant précisé certains défis concrets : prendre au sérieux le mois de Nazareth; notre fidélité aux moyens de la croissance spirituelle ad intra est une condition nécessaire pour une mission authentique ad extra; notre sortie vers les périphéries doit être accompagnée de notre continuelle conversion pour porter des fruits. L’équipe internationale a obtenu un rendez-vous avec le cardinal à Rome en juillet de cette année.

Lors de notre rencontre d’équipe en octobre dernier, nous, vos frères de l’équipe internationale, avons discerné une voie majeure à emprunter. Nous voulons former une équipe de prêtres itinérants qui présenteront la Semaine de la Fraternité (sur le modèle du Brésil) aux séminaristes de 4e année de théologie, aux jeunes prêtres et la rendre même disponible comme retraite annuelle pour les prêtres. Nous devons écrire aux ordinaires locaux et nous commençons cette aventure en Asie.

Enfin, ma gratitude pour la perspicacité financière et le travail acharné de nos deux Matthias – P. Matthias Keil d’Autriche, notre trésorier général et le P. Matthias Fobbe d’Allemagne, notre consultant financier. Nous avons maintenant un nouveau compte bancaire sous 2 signataires – P. Matthias Keil et moi-même.

Voici le nouveau numéro de compte. Merci beaucoup pour vos contributions à la caisse internationale : Pax-Bank, Deutschland /Allemagne
Titulaire/Beneficary/Empfänger: Priestergemeinschaft Jesus Caritas international
IBAN: DE 8437 0601 9300 1176 8008
BIC/SWIFT: GENODED1PAX

En ce qui concerne les finances, l’équipe internationale a convenu que les frères qui ont besoin d’aide pour participer au mois ou aux réunions à l’étranger doivent d’abord être soutenus par les fraternités locales et nationales et ce n’est qu’à ce moment-là que le fonds international sera invité à aider après une consultation appropriée des responsables continentaux. Il s’agit de mettre fin à une sous-culture du droit et à l’utilisation de la fraternité comme passeport pour voyager à l’étranger.

Frères, Noël est le moment opportun pour nous d’accoucher. Nous avançons vers la nouvelle année en nous tournant pour regarder le Père qui nous a donné Jésus. Nous devons, nous aussi, donner naissance à la simplicité de vie, à la joie d’être, à l’humilité, à la compassion aimante envers les pauvres. Côte à côte, ensemble en tant que frères et amis, nous marchons par la foi et non par la vue dans notre continuelle configuration à la vie et au ministère de Jésus, inspirés par frère Charles et pour notre œuvre missionnaire vivifiante avec le peuple bien-aimé de Dieu.

Veuillez offrir, s’il vous plaît, une prière pour moi, votre inefficace frère responsable.
Avec mon étreinte fraternelle,

Eric Lozada

PDF: Lettre de Noêl du responsable général, 1 Janvier 2020, fr

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Lettre d’Eric

Fête de la Visitation de Marie, 31 may 2019

LETTRE DU RESPONSABLE GÉNÉRAL AUX FRÈRES DU MONDE

« L’avocat, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26).

« Mais le consolateur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jean 14:26).

Mes chaleureuses salutations de paix à vous, mes chers frères,

En toute humilité, je confesse personnellement pourquoi il m’a fallu si longtemps pour vous écrire cette lettre. Plusieurs fois, je me suis assis devant mon ordinateur sans savoir quoi et comment écrire. C’était comme une femme enceinte sur le point d’accoucher, mais dont le bassin est trop étroit pour le nouveau-né. Je me suis battu avec les mots mais mon plus grand combat était le cœur, avoir l’esprit et la disposition appropriés d’un frère. Beaucoup d’entre vous ne sont pour moi que des noms sans visages et histoires que nous partageons pour qualifier notre fraternité. J’avais besoin de temps pour m’enraciner dans le Père qui m’a invité à quitter le confort de ma patrie et m’envoie comme un frère missionnaire. J’avais besoin des moments de nudité en prière devant Jésus dont l’esprit de Nazareth nous invite, vous et moi, à cette grande aventure de mouvement de descente, en vivant simplement mais avec joie, dans l’ordinaire et dans l’obscurité, trouvant la dernière place, consumé par l’évangile des plus grands comme des plus petits, voyant Jésus dans le pauvre, l’apostolat de la bonté, ne pas régner mais servir, être pauvre en esprit pour l’amour du Royaume. J’avais besoin d’espace pour être ravivé par la spiritualité, la vie et les intuitions de Frère Charles à travers les témoignages de frères et sœurs qui sont profondément ancrés dans la vie et la tradition de la Fraternité. La rencontre avec la famille spirituelle à Haïti en avril dernier, mes visites aux frères en Haïti, en République dominicaine et aux États-Unis et ma retraite dans un monastère de trappistes en Géorgie ont été d’une aide immense. (Ce sera l’objet de ma prochaine lettre). Jésus aussi avait besoin de cet espace dans mon cœur pour ma conversion, car même si je suis dans la fraternité depuis 30 ans et ai déjà vécu trois mois à Nazareth, il me reste encore des comportements malsains et immatures qui pourraient faire obstacle à ce ministère. Étant moi-même un projet inachevé, j’ai besoin de vos honnêtes commentaires et de vos conseils fraternels. S’il vous plaît, dites-les-moi et je les recevrai joyeusement comme un cadeau pour ma formation continue.

Comme vous le savez, avant que je sois élu responsable général, mon monde tournait autour de ma petite fraternité dans un petit village, sans télévision ni Internet, comme aumônier d’un petit monastère carmélite et directeur des études d’un petit collège séminaire, venant d’un petit diocèse aux Philippines. Mon univers était alors très petit, ma façon de vivre très rurale et l’idée d’écrire aux frères du monde entier est pour le moins écrasante. Je remercie l’Avocat de m’avoir permis d’écrire. Je prie pour que ces mêmes paroles ne l’empêchent pas de nous enseigner tout ce que Jésus veut nous faire connaître. Je vous remercie pour votre généreuse patience. Je suis très désolé pour ceux qui se sentent orphelins à cause de mon long silence. Dans mon silence, j’ai murmuré vos noms dans ma prière (grâce au répertoire), un jour à la fois.

Un autre regard sur l’Assemblée de Cebu et au-delà

Notre Assemblée de Cebu en janvier dernier fut en effet «une précieuse manifestation de l’Esprit de Pentecôte». Ma joie fraternelle et ma sincère gratitude à vous tous qui avez prié pour nous pendant que nous étions en Assemblée. À nos responsables continentaux et nationaux avec nos anciens responsables généraux, Mariano et Abraham, qui ont voyagé jusqu’à l’autre côté du monde simplement pour faire partie de l’assemblée, merci beaucoup. À l’équipe précédente – Aurelio, Jean François, Emmanuel, Mark et Mauricio – pour votre excellent travail de planification et votre labeur ardu avant et pendant l’assemblée, merci beaucoup. Nous ne pouvons que construire sur ce que vous avez généreusement réalisé. Merci en particulier à Aurelio pour l’héritage du  projet du site Web iesuscaritas.org et à Jose Alberto Hernandis qui est très disposé à gérer notre site Web. Ma joie et ma gratitude aux membres de mon équipe, avec Tony Llanes comme mon co-responsable général, qui sont très disposés à servir. Puisque nous sommes au service de la fraternité internationale, je vous prie de bien vouloir nous écrire vos préoccupations, vos nouvelles, vos invitations, vos réactions, vos récits. Je les ai personnellement choisis pour représenter les quatre continents de manière à faciliter l’accès aux nouvelles et aux informations. Voici nos coordonnées:

Eric Lozada, ericlozada@yahoo.com  – 63 9167939585;
Tony Llanes, stonyllanes@yahoo.com  – 63 9183908488;
Fernando Tapia, ftapia@iglesia.cl  – 56 988880397
Honoré Savadogo, sawono2002@yahoo.com  – 226 70717642
Matthias Keil, Matthias.keil@graz-seckau.at  – 43 67687426115.

Tout comme vous nous faites confiance, pouvons-nous aussi vous faire confiance pour nous aider à cet effet? Plus qu’une dynamique descendante, nous souhaitons davantage de dialogue, de transparence, de réciprocité, de retour d’information à nos différents niveaux de communication. Pour commencer, nous nous réunirons du 11 au 18 octobre en Corée du Sud et nous apprécierions tout de votre part que vous voudriez peut-être que nous prenions en compte et répondions : personnel, local, national, régional – Vous pouvez les transmettre à moi ou à votre représentant continental de l’équipe.

Frères, la lettre de Cebu n’est pas un document fini. C’est un travail en cours. Permettez-moi de vous inviter (et soyons unis pour cela) à en faire un sujet de relecture et de discussion personnelles et fraternelles. À Cebu, nous nous sommes engagés à être des prêtres diocésains missionnaires inspirés par le témoignage de Frère Charles. Nous avons contemplé les réalités de notre société, de notre Église et de nos fraternités à partir des différents continents et pays. Nous avons écouté l’appel de l’Esprit à devenir une Église dans les périphéries (grâce au leadership prophétique du Pape François). Et partant des appels que nous avons entendus, nous sommes fermement résolus à prendre des mesures concrètes et stratégiques pour le développement de notre société, de notre Église et de nos fraternités.

Dans votre relecture et votre discussion, je voudrais vous inviter à traiter le document comme un ami dont les paroles sont remplies de l’Esprit, transformatrices et prophétiques. La réalité de la violence, du terrorisme, de l’injustice, des trafics, d’une grave crise écologique, des migrations, d’une mondialisation de l’indifférence, du fondamentalisme, de la laïcisation (la liste est trop longue) est très complexe. Mais, presque immédiatement, nous avons tendance à observer cette réalité de l’extérieur. Cette attitude n’est pas très bénéfique. Nous devons être plus impliqués. Demandant à l’Esprit de nous donner du courage et de l’humilité, nous jetons un regard profond et aimant sur nos structures internes / sous-cultures – valeurs, mentalité, mode de vie, préjugés, attitudes, préférences, désirs – en tant que prêtres diocésains. Nous nommons les nombreuses manières subtiles par lesquelles nous avons pris part au problème. Nous partageons nos réalisations avec des frères de notre fraternité qui pourraient nous aider dans notre croissance. Peut-être que le plus beau cadeau que nous puissions offrir à notre monde d’aujourd’hui est de reconnaître que nous avons participé au problème. Espérons qu’avec des cœurs contrits et transformés, nous prendrons partie à la solution.

L’Esprit nous appelle à être une Église dans les périphéries. Demandons à l’Esprit le don du courage et de la confiance pour explorer ensemble les périphéries de notre âme – les parties de nous-mêmes rejetées, laides, méprisées, profondément enfouies, cachées, que nous devons exprimer, posséder, accepter, embrasser pour en guérir. Ici, nous avons besoin de l’intimité de notre fraternité pour pouvoir partager nos blessures les plus profondes sans être jugés. Au besoin, nous pouvons consulter un professionnel pour notre croissance continue et notre guérison. Ensuite, la prochaine fois que l’on va aux périphéries, on est différent. Nous sommes plus intérieurement des missionnaires libres et heureux. Ce qui est triste, c’est quand nous y allons avec nos blessures non soignées et ce qui n’est pas vrai de nous-mêmes. Nous sommes aveuges, nécessiteux, pleins de nous-mêmes et nous ne le savons même pas. Nous oublions l’agenda de Jésus et du Royaume. Comment un veugle peut-il conduire un autre aveugle? Je suis convaincu que le meilleur cadeau de mission que nous pouvons offrir au peuple de Dieu, particulièrement aux pauvres, est notre attention à notre tranformation permanente comme disicples missionnaires de Jésus.

Frères, à Cebu, nous avons vu comment tous nous luttons avec la journée de désert et la révision de vie. Nous devons considérer ce fait non pas comme une conclusion, mais comme un point de départ. La conclusion est assez évidente et nous devons être honnêtes à ce sujet. Cela signifie une qualité médiocre de nos réunions, de nos relations, de nos ministères et même de notre prière. C’est notre pauvreté et notre manque d’attention à l’essentiel. C’est aussi notre chemin vers la libération et l’intégrité si nous le voulons. Nous avons besoin d’une ferme détermination à nous engager dans un temps régulier et qualitatif de solitude dans le désert, où le divin thérapeute pourrait nous transformer et nous guérir. Notre révision de vie n’est pas un simple compte-rendu de nos vies et de nos ministères, aussi honnêtes que nous soyons. C’est plutôt un lieu de rencontre avec l’Esprit qui nous permet de voir nos vies comme Dieu nous voit. Notre partage fraternel est un véritable lieu de rencontre cœur à cœur. À travers la régularité de telles rencontres, nous grandissons ensemble comme frères-âmes – plus confiants, honnêtes, intimes, véridiques, moins critiques, prétentieux et défensifs, plus attentionnés et plus attachés à la croissance continue des uns des autres comme disciples bien-aimés de Jésus à Nazareth, inspirés par Frère Charles. Ce témoignage de fraternité est pour moi une bonne campagne vocationnelle.

Viens, Esprit Saint, viens

Permettez-moi de parler un peu de la prochaine fête de Pentecôte. Les Actes des Apôtres racontent : « Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (Ac 2, 1-4).

Avec tout le respect que je dois à nos experts en Bible, en particulier Emmanuel Asi, je vous invite à méditer ce texte avec moi. Il semble que le lieu de prédilection du Saint-Esprit est le moment où les personnes se rencontrent intentionnellement en communauté d’amis, de frères (y compris des sœurs) de croyants du Christ ressuscité. Au fond et à la différence d’une foule, une communauté, est la ferme résolution de chacun de ses membres à travailler sans cesse pour ce qui unit plutôt que ce qui divise, conscients que tout est don et qu’il n’y a qu’un seul donateur. Bien que nous luttions avec les différences (et tenez-vous bien, c’est toujours difficile), nous continuons de marcher et de tomber dans la Source qui nous unit. Chaque fois que nous prions: «Viens, Esprit Saint et renouvèle la face de la terre », nous prions ce que Jésus, le grand prêtre, a rêvé pour le monde : « Père, que tous soient un, comme toi et moi nous sommes un » (Jn 17, 21). Le Saint-Esprit qui donne la vie (comme nous le professons dans le Credo), anime infiniment, rend capable, transforme et rassemble toute la création pour en faire une image vivante de l’unité dans la Trinité tout comme au commencement. La terre entière, pas seulement le monde humain, comme l’appelle affectueusement le pape François, devient notre maison commune où la vie sous toutes ses formes est vénérée comme un don et une chose sacrée. Quand Paul enseigne à la communauté de Philippes de  « tout mettre sous le Chris t» (2, 10), le Christ est le point de référence universel pour toutes choses et pas seulement pour les chrétiens. Être des hommes et des femmes de l’Esprit, c’est donc travailler toujours pour ce qui inclut plutôt que ce qui exclut, pour le dialogue, pour la fraternité universelle avec tout ce qui existe.

Le nom que Jésus donne à l’Esprit est l’Avocat. Jésus a promis l’avocat qui nous enseignera tout ce que nous devons savoir. En termes juridiques, l’avocat signifie un défenseur. L’Esprit est notre défense contre l’esprit du Malin opérant dans notre monde d’aujourd’hui, que ce soit dans les structures politiques et économiques, dans les relations interpersonnelles, familiales ou communautaires, même dans les sous-cultures à l’intérieur de  l’Église et de la religion. C’est très rusé et trompeur, toujours déguisé en bien et même en licence pour faire le mal au nom de Dieu. Le texte nous dit que la venue de l’Esprit Invisible prend la forme visible de langues de feu reposant sur la tête de chacun des apôtres rassemblés. Nous prions pour que ce feu repose sur chacun de nous « pour transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair » et nous rendre davantage capables de discerner très bien où se trouve le mal par rapport au bien. Puisse le feu de la Vérité raviver nos cœurs avec une passion pour Jésus et le Royaume. L’autre image visible de l’Esprit Saint est un vent fort qui remplit toute la place des personnes rassemblées. Nous prions pour que ce vent fort renverse et transforme les cœurs et les institutions endurcis par l’indifférence, la violence, la haine, le ressentiment, l’exclusion qui ne fait que diviser la création de Dieu. Que l’Esprit qui est un vent fort élargisse les espaces de chaque cœur humain pour inclure les pauvres, les marginalisés et les étrangers dans la famille des enfants bien-aimés de Dieu. Puissent nos fraternités être des écoles de l’Esprit pour qu’inspirés par le frère Charles, nous devenions des disciples passionnés mais doux de Jésus à Nazareth dans notre monde fragmenté et violent.

Frère Charles, le Frère Universel

Enfin, une note sur Frère Charles. Au début de cette année, la petite sœur Kathleen de Jésus a publié un livre du même titre. Il contient les thèmes principaux et j’aime la façon dont il est écrit. Merci beaucoup, Kathleen. Comme vous le savez déjà, le Frère Charles – sa vie, son message, ses intuitions – devrait occuper une place importante dans notre formation permanente de prêtres diocésains. C’est ce qui nous caractérise. Plus nous le connaissons, plus nous connaissons Jésus, son Bien-aimé. Frère Charles n’est pas seulement une icône à vénérer. Il est un appel vivant, une personne tangible dans notre profond désir de suivre Jésus.

À propos de l’appel à être frère universel, le petit frère Antoine Chatelard soulignait : «Il s’agit avant tout d’être un frère, avant de penser à être universel ». Comme le dit sœur Kathleen, dans la vie de frère Charles, l’intuition d’être un frère universel s’est d’abord manifesté en octobre 1901 lorsque le frère Charles s’est installé à Béni Abbes. Grâce à la générosité de sa cousine Marie, il a pu acheter un lopin de terre stratégiquement situé à mi-chemin entre les villages fortifiés et la garnison française. Il construisit, avec l’aide de l’armée française, un petit monastère entouré de lignes de grosses pierres. Et c’est la clé. « Lui-même irait rarement au-delà, mais n’importe qui pouvait entrer. Il souhaitait être un frère universel dans un contexte de conflit impliquant de nombreuses parties adverses » (P.16).

Ce fut un moment de clairvoyance! L’appel à être frère universel est avant tout l’appel à être un frère. Chez Frère Charles, être frère, c’est se situer entre les deux (pas noir ou blanc mais gris) au milieu (pas la même chose que d’être au centre) de nombreuses parties adverses. Un frère est immergé, enraciné, au beau milieu de la réalité avec tous ses paradoxes, ses tensions et ses points de croisement complexes et il ne quitte jamais sa position. S’il s’en va et s’éloigne du milieu, il devient particulier. Quand il embrasse l’un, il exclut l’autre. Il n’est pas un gardien de clôture qui n’a pas de position concrète sur des questions sociales, politiques, économiques, culturelles ou même ecclésiales. Au contraire, il est enraciné sur ce qui se passe et il se tient au milieu de tout. Lorsqu’il opte pour les pauvres et les marginalisés, il inclut les riches. Justement, ce n’est qu’en étant au milieu des choses qu’il peut embrasser toutes choses en tant que frère universel. Et c’est seulement à ce moment que, grâce à cette croissante clairvoyance, frère Charles a commencé à appeler sa maison non pas un ermitage (vivre selon une règle de vie monastique cloîtrée), mais une fraternité où toute personne pouvait venir et était bien reçu. Au plafond de sa fraternité il a peint l’image du Sacré-Cœur de Jésus dont les bras sont largement ouverts à quiconque y vient. Son ardente proximité avec le Cœur Sacré de Jésus le conduit à imiter Jésus Caritas, le Frère Universel par excellence dont il n’est qu’un humble témoin qui montre Jésus.

Frères, merci beaucoup pour avoir lu ma longue lettre avec une patience généreuse. Je continue de vous garder, vos fraternités et vos diocèses dans ma prière, un pays à la fois. S’il vous plaît priez pour moi aussi votre petit frère serviteur.

Avec mon étreinte fraternelle en Jésus Caritas,

Eric Lozada

 

 

PDF: Lettre d’Eric, mai 2019, français

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