Désolé, cet article est seulement disponible en Español.
Archives des catégories : Documentos
(Português) Charles de Foucauld e a Bíblia. Inácio José do Vale.
(Español) Matías VALENZUELA, sscc, CARLOS DE FOUCAULD Y EL MISTERIO DE NAZARET
Jean-François BERJONNEAU: rencontre interreligieuse
Intervention du Père Jean-François Berjonneau au cours de la rencontre interreligieuse à l’église de la Fraternité à Val de Reuil le 29 Juillet 2016 suite à l’assassinat du P. Jacques Hamel
Le Père Jacques Hamel était un prêtre tout simple.
Il aurait été le premier surpris par le fait qu’aujourd’hui on parle tant de lui dans tous les médias.
S’il nous voit du haut du ciel il doit sourire devant cette icône qu’un ami musulman à saint Etienne du Rouvray a peint de lui, entourant son visage…d’une auréole !
Il était simplement un homme de prière et de dialogue.
A l’âge de 86 ans, il avait fait le choix de rester actif et vigilant dans sa cité de Saint Etienne au lieu de prendre une retraite qu’il aurait méritée.
Il voulait ainsi témoigner de l’espérance qui l’habitait auprès de tous ces gens de son quartier pour qui la vie est difficile en ces temps de crise.
Ses relations débordaient largement le cercle de la communauté catholique de sa ville.
Il ne cessait de créer des liens, de servir par tous les moyens la rencontre entre hommes et femmes de toutes convictions en particulier entre les musulmans et les chrétiens.
Il était l’ami de l’imam de la mosquée bâtie tout auprès de l’église.
Il a été tué à l’heure où il commençait la prière.
Et cela est très symbolique.
Car le secret de sa bonté, de sa disponibilité à tous, de la largeur de son esprit, c’était la prière, cette prière qui nous est commune musulmans et chrétiens.
C’était la source de sa confiance, de son espérance, de son amour pour tous.
…ces longs temps de silence, de murmure d’amitié avec ce Dieu sous le regard duquel il avait placé toute sa vie.
Il savait par toutes les fibres de son être, que ce Dieu qui nous a tous créés, que ce Dieu qui a confié à tous les hommes sa création, c’est un Dieu d’amour et de miséricorde : « Rahman Rahim » comme vous le dites amis musulmans…Un Dieu très miséricordieux qui veut rassembler tous les hommes dans une même famille humaine.
Et c’est à l’heure où il entrait dans la prière qu’il a été tué, alors qu’il venait à la source de cette Parole de Dieu qui le faisait vivre.
Et ceux qui l’ont tué ne se sont pas rendu compte qu’en tuant le Père Jacques Hamel ils offensaient gravement Allah, ce Dieu qui nous a créés par amour et pour l’amour.
« Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ! », entendons-nous de la bouche de Jésus, nous chrétiens, dans l’Evangile.
En fait ceux qui ont commis ce crime n’étaient que le jouet de cette organisation tentaculaire et criminelle qui n’a qu’un seul but : fracturer notre société, soulever les gens les uns contre les autres, semer la division.
Jacques Hamel a ainsi rejoint la foule innombrable des victimes de la violence terroriste qui ensanglante le monde et qui rassemble dans un même drame les chrétiens du Proche Orient, les musulmans, les yezidis, hommes femmes et enfants de tous pays, de toute culture, tous victimes de la barbarie et de la violence terroriste.
Le Pape François a raison de dire que la guerre dans laquelle le monde est entré n’est pas une guerre de religion.
C’est une guerre motivée par les ambitions, par la recherche effrénée du pouvoir, par les intérêts économiques de toutes sortes.
Et ces idoles qui s’érigent à la place du Dieu d’Amour ne font aucun cas du caractère sacré de la vie humaine et de la dignité fondamentale de toute personne humaine.
Il ne faut pas nous faire illusion.
Nous tous ici présents que nous soyons musulmans, catholiques, protestants, évangéliques, juifs, humanistes, tous ici rassemblés dans ce même lieu, nous sommes aussi dans le collimateur de cette barbarie.
Car il ya une réalité dont cette entreprise criminelle a horreur c’est la fraternité, le respect des différences, la solidarité des citoyens de toutes confessions qui cherchent ensemble à bâtir la paix et à faire en sorte que chaque personne, quelle que soit sa conviction, son origine ou sa culture trouve sa place juste, unique et respectée au cœur de notre société.
J’aime citer cette sourate du Coran :
Sourate V, v.48 :
« Si Dieu l’avait voulu, il aurait fait de vous une seule communauté.
Mais il a voulu vous éprouver par le don qu’Il vous a fait.
Cherchez donc à vous surpasser les uns les autres dans les bonnes actions.
Votre retour à tous se fera vers Dieu.
Il vous éclairera alors au sujet de vos différends »
Oui, Dieu nous a créés différents (par la culture, la langue, la croyance…).
Ce sont autant de dons que Dieu nous a faits pour nous éprouver.
Que signifie pour nous ce terme « éprouver » ?
Il s’agit de faire de nos différences non pas des obstacles ou des causes de conflit, mais au contraire d’en faire l’occasion d’une stimulation réciproque dans les bonnes actions, en particulier dans nos engagements respectifs en faveur de la paix, de la construction de liens fraternels et du respect de chacun en commençant par les plus fragiles.
Un jour, les uns et les autres, nous ferons notre retour vers Dieu. Et Celui-ci nous éclairera sur le sens de nos différences qui nous appellent à nous enrichir mutuellement pour former cette grande famille humaine telle qu’Il la veut.
En terminant, je voudrais évoquer quelques appels que je ressens dans ce drame de la mort violente de notre frère Jacques Hamel.
D’abord le premier appel est évoqué par le nom même du lieu qui nous rassemble aujourd’hui : l’église de la Fraternité de Val de Reuil.
Car il s’agit pour nous de construire jour après jour la Fraternité à laquelle Dieu nous appelle tous dans la diversité de nos confessions religieuses.
Nous sommes ici pour nous inciter les uns et les autres à puiser la force spirituelle dans nos traditions respectives pour faire face à ce drame.
Ensemble nous avons un immense chantier devant nous :
Nous sommes appelés à résister à la stratégie de la haine telle que veut nous y entraîner Daesch.
Il nous faut apprendre à dialoguer entre personnes de confessions ou de convictions différentes pour mieux nous connaître. Comme le répète souvent l’imam de Bordeaux Tariq Obrou : « Ce qui est à craindre ce n’est pas le conflit des religions mais le conflit des ignorances. »
Mais il nous faut aussi relancer inlassablement le dialogue avec tous les membres de nos communautés religieuses qui prennent peur, qui se replient sur des identités parfois agressives et qui manifestent leur hostilité à toute rencontre et à toute bienveillance mutuelle.
Et puis surtout il est urgent que nous allions à la rencontre de tous ces jeunes, en particulier de ceux qui sont paumés, ceux qui ne savent plus à quel saint se vouer tant leur avenir est bouché (pas d’emploi, pas de vie affective stable, pas d’insertion dans un réseau de relation respectueux des valeurs fondamentales qui construisent la personne humaine), ceux que parfois la rage ou la douleur intérieure rendent perméables aux sirènes de la violence et de la division…
Oui, frères et sœurs, notre monde est aujourd’hui dans la nuit.
Mais, comme le dit un poète, « C’est dans la nuit qu’il est beau de croire à la lumière. »
Que notre rassemblement de ce soir autour de la mémoire de notre frère Jacques Hamel, nous permette de tenir debout et de nous engager ensemble à faire venir la lumière de la paix et de la fraternité dans ce monde qui en a tant besoin.
P. Jean-François Berjonneau
(Español) La misericordia en el hermano Carlos. Fotogramas. Diego MELENDO
À l’ocassion du Centenaire du bienheureux Charles de Foucauld
Sa Sainteté le Pape Francois s’unit volontiers à l’action de grâce des responsables et des membres des groupes qui s’inspirent de sa spiritualité. Le Saint-Père souhaite qu’en suivant l’intuition du Bienheureux l’esprit de Nazareth puisse éclairer la vie et les relations quotidiennes et ordinaires de nombreuses personnes. Puisse l’exemple de celui qui, à la suite de Jésus, a voulu ètre le « frère universel », ouvert à l’accueil de tous, aider à découvrir, dans le respect de la tradition relgieuse de chacun, l’importance de la proximité avec les plus pauvres et les plus abandonnés pour grandir en humanité. «Tout chrétien doit regarder tout humain comme un frère bien-aimé» écnvait-il. En effet, pour lui, c’est en aimant les autres qu’on apprend à amner Dieu. «L’amour de Dieu, l’amour des hommes, c’est toute ma vie, je l’espère» (24 avril 1890). Que le témoignage du Frère Charles de Jésus d’une vie humble et cachée, toute donnée au service des autres, incite les jeunes à discerner l’appel du Seigneur et à y répondre dans la joie en quittant tout pour le suivre, libres du désir de richesse et de pouvoir ! Confiant à son intercession en l’année du Jubilé de la Miséricorde, la paix et la réconciliation entre les peuples, le Saint-Pére adresse de grand cœur la Bénédiction apostolique à toutes les personnes qui vivent de sa spiritualité ainsi qu’à celles qui bénéficient de son rayonnement.
Du Vatican, le 22 juin 2016.
Cardinal Pietro Parolin
Secrétaire d’État de Sa Sainteté.
Mgr Alain FAUBERT, nouveau évêque de la Fraternité. Québec-Acadie
Frère Charles, une inspiration pour mon ministère épiscopal
Il est 9h20, ce mercredi 13 avril 2016. La routine du matin s’est déroulée comme d’habitude: lever, jogging, déjeuner, prière des Laudes avec Luce, ma collaboratrice… et la journée était bien lancée à la paroisse Saint-Germain d’Outremont. Mon cellulaire se fait alors entendre. Un indicatif régional peu habituel s’affiche. Je décide de répondre. C’est le nonce apostolique, Mgr Bonazzi. Sa voix est chaleureuse; il me donne du «Alain» et me tutoie. Mon coeur bat plus vite. «Tu peux venir me voir aujourd’hui ou demain, à Ottawa?» Mgr Bonazzi ne me dit pas pourquoi il a ce besoin urgent de me rencontrer. Je crois deviner. Je tombe à genoux. Il fait soudainement très chaud. Je raccroche, après avoir promis de le rappeler sous peu pour fixer le rendez-vous. Les pensées et les questions tourbillonnent. Pour m’aider à trouver la paix, un ange de passage (oui, oui!) me chante la prière d’abandon de frère Charles. Je la fais mienne, une fois de plus, mais avec une profondeur nouvelle. Je sors de ce moment de prière avec cette phrase que je me répète: «Quoi qu’il arrive…» La paix s’installe.
Quatre mois (et une ordination épiscopale) ont passé. Je me réjouis encore de cette délicatesse du Seigneur : il a permis qu’à ce tournant de ma vie frère Charles soit mystérieusement présent. Je me dis qu’il n’y a pas de hasard. Charles de Foucauld s’était déjà invité sur mes chemins depuis plusieurs années, par le biais d’autres anges, d’autres témoins inspirés par son charisme.
Je pense à ma rencontre avec Jacques Leclerc. Il était curé à la paroisse Saint-Grégoire-le-Grand, dans le quartier Villeray. À l’automne 1990, en ma quatrième année de Séminaire, on m’y envoie en stage d’insertion. C’est le premier pasteur avec qui j’ai partagé la vie et le ministère. Un homme attentif à tout le monde, soucieux de faire pousser la vie en chacun, chacune. Je crois sincèrement que j’ai côtoyé un saint. Entendons-nous : je devine qu’il avait un caractère bouillant et j’imagine qu’il pouvait parfois piquer des saintes colères. Mais j’ai surtout goûté à sa douceur, et à la confiance qu’il me faisait, alors que j’avais de la difficulté à croire en moi et à trouver une famille spirituelle qui corresponde à mes perspectives sur le ministère presbytéral. Et voilà que j’avais devant moi un homme pétri d’Évangile, un chrétien pour aujourd’hui, un prêtre rayonnant non pas par des habits distinctifs, mais par son leadership entrainant. J’ai bien sûr appris de lui qu’il appartenait aux Fraternités sacerdotales Jésus Caritas qu’il avait contribué à établir au Québec. Malheureusement, après une toute petite année à Saint-Grégoire-le-Grand, j’ai été appelé à me joindre à une équipe de «nouvelle
évangélisation» (comme quoi l’expression ne date pas d’hier). J’ai quitté la paroisse de Jacques, mais j’ai emporté avec moi le désir de lui ressembler un peu dans ma manière de vivre mon ministère. Je n’avais pas encore lu beaucoup de choses sur frère Charles, mais j’avais la conviction qu’il me fallait, comme Jacques, à la suite de Charles de Foucauld, être témoin de fraternité envers tous, dans une simplicité de vie inspirée de la vie de Jésus à Nazareth.
C’est seulement après mon ordination presbytérale que s’est présentée pour moi la chance d’approfondir la spiritualité foucauldienne au sein d’une petite fraternité de prêtres. J’ai été approché par des confrères qui avaient commencé à se réunir pour prier ensemble et relire leurs expériences pastorales à la lumière de l’Évangile. Nous avions à peu près le même âge, même si tous n’étaient pas de la même «promotion» au Séminaire. Il y avait parmi eux des amis, mais aussi des frères que j’ai appris à connaître et aimer au-delà de nos affinités ou sensibilités personnelles. Depuis plus de 20 ans déjà, nous nous retrouvons régulièrement pour faire révision de vie, prier ensemble devant le Saint-Sacrement, manger et rire, jouer aux cartes et partager les nouvelles.
Au fil des années, quelques confrères ont pris des distances, d’autres sont arrivés, certains sont même revenus après un certain éloignement. La «formule» de nos rencontres a quelque peu bougé, mais un «noyau dur» demeure inchangé : la mise en commun de faits de vie, la prière en silence, l’approfondissement d’un événement particulièrement significatif, à la lumière de l’Évangile. Notre référence explicite aux écrits de Charles de Foucauld, à sa spiritualité et à l’expérience des fraternités Jésus Caritas a elle aussi connu des fluctuations. Tout de même, un essentiel demeure : à la suite de frère Charles, nous portons d’abord nos joies et nos peines ensemble devant le Seigneur, puisque son amour est le plus fort. Et nous concluons toujours nos rencontres par la prière d’abandon, signe que, malgré les difficultés, nous voulons nous remettre, comme lui, en toute confiance, entre les mains de celui qui est notre Père.
Bien sûr, la révision de vie nous amène assez souvent à constater que notre Église, au Québec comme ailleurs, est secouée par des tempêtes. Le défi pour notre petite fraternité est alors de ne pas sombrer dans le désespoir ou le cynisme. Ensemble, nous sommes plus forts, ensemble nous pouvons retrouver le cap de l’espérance. Pour ma part, je retire de nos rencontres (et j’espère aussi y apporter) un regard toujours plus lucide sur ce monde que Dieu aime, sur l’Église et sur moi-même, en étant confiant que le Seigneur nous précède et accomplit son projet, même à travers ce qui nous semble être un écroulement ou un échec. Là aussi, la vie de frère Charles a le pouvoir de nous inspirer : qui, au moment de sa mort, lui aurait prédit une telle fécondité? En ce qui me concerne, Charles de Foucauld demeure un modèle de foi et d’espérance tenaces. J’avoue que j’ai encore beaucoup à découvrir sur lui et sur la grande famille spirituelle qu’il a suscitée. Il me semble qu’il est un témoin d’une actualité brûlante pour notre époque en mal de fraternité, de rencontre, de réconciliation et d’espérance.
En «composant» mes armoiries épiscopales, je voulais présenter à la fois mes enracinements et mes convictions profondes, non seulement pour mon ministère, mais aussi pour l’avenir de l’Église d’ici. En plaçant sur mon blason (avec permission des autorités!) le coeur surmonté d’une croix, je voulais manifester mon appartenance à la grande famille spirituelle de Charles de Foucauld. J’entends accomplir mon ministère épiscopal dans son esprit de fraternité universelle, avec une attention soutenue aux plus petits, aux plus pauvres, à la sainteté qui se manifeste chez les plus humbles, au quotidien, comme Jésus à Nazareth. Je veux aussi redire ma conviction que nous sommes appelés à être une Église qui sait «s’enfouir dans la pâte», pour mieux faire route avec le monde de ce temps, solidaire des joies et des espoirs, des tristesses et des angoisses de nos frères et soeurs en humanité. Sur ces chemins de rencontre, nous sommes appelés à rendre témoignage, par notre vie et notre exemple (non pas d’abord avec des paroles et des discours, mais par des actes et en vérité; cf. 1 Jn 3), à cet amour premier de Dieu, à ce coeur brûlant du Christ qui est le coeur même du Père, amour fou, vie donnée jusqu’à la croix.
C’est aussi ce que Marie chante dans son Magnificat, d’où ma devise : «Son amour s’étend d’âge en âge». Vous comprendrez que, pour moi, «Nazareth», c’est aussi Marie, femme de son peuple, femme de son époque, femme de contemplation et d’action. Je crois, en ce sens, en une Église «mariale». Sur mon blason, le symbole du bienheureux frère Charles côtoie celui des «petits frères de Marie», fondés par saint Marcellin Champagnat. Je pense que, dans la communion des saints, ces deux-là sont des amis intimes. Le premier dit : «fraternité universelle»; le second dit : «humilité, simplicité, modestie». Ensemble, ils témoignent : «Dieu nous a aimés le premier, à la folie. À nous de répondre à cet amour, en donnant notre vie à notre tour.»
Que le Seigneur nous donne de construire ensemble, sous le regard de frère Charles et de tous les bienheureux, cette Église de l’amour fraternel, signe de son Amour!
+ Alain Faubert
Évêque auxiliaire à Montréal
PDF: Mgr Alain FAUBERT, nouveau évêque de la Fraternité. Québec-Acadie
Comprendre l’Islam (ou plutôt: pourquoi on y comprend rien) Adrien CANDIARD
Télécharger le document au format PDF: A_IDEO Candiard_Islam_nov-2015
Jacques GAILLOT, Heureux les miséricordieux
Si on me demandait de dessiner la miséricorde que ferais-je ? Une personne se portant vers moi les bras levés, avec un visage plein de bonté et des yeux qui parlent de la tendresse de son cœur.
La miséricorde manifeste l’excès, la démesure, la surabondance, la gratuité…Elle descend toujours plus bas que nos misères.
Rien d’étonnant à ce que nous soyons surpris et déconcertés.
On sort de la logique du donnant-donnant, on dépasse la stricte justice, on n’attend rien en retour.
La miséricorde est la signature de Jésus : un don qui excède toute justice.
Dans l’Évangile, seules des femmes posent des actes de surabondance !
« Je les aime tellement que je les trouve beaux »
Il y a longtemps, j’avais été invité à visiter une maison pour personnes ayant de lourds handicaps. Une maison qui se trouvait à l’écart d’un village. Celui qui m’accompagnait dans les différentes salles était prêtre. Il travaillait habituellement de nuit, mais il avait tenu à être là pour me faire visiter.
Je passais à côté de ces corps désarticulés, ces visages défaits dont on aurait dit qu’ils étaient revêtus d’un masque de laideur. Leurs cris m’étaient insupportables.
J’étais troublé et mal à l’aise. Celui qui m’accompagnait s’aperçut de mon trouble, me regarda et me dit cette parole extraordinaire que je ne saurais oublier :
« Moi, je les aime tellement que je les trouve beaux ! ».
Cette parole me transperçât le cœur. Un chemin s’ouvrait devant moi pour me faire découvrir mes peurs et mes fragilités.
Je compris qu’aimer ce n‘était pas faire des choses pour quelqu’un, c’était lui révélait qu’il était beau. Le bonheur n’est-ce pas se savoir beau dans le regard des autres ?
Ce prêtre avait un cœur de « chair » et non un cœur de « pierre ». Il n ‘avait pas de murs de la peur pour le protéger des autres. Il était libre d’aller vers les autres et les aimer. Il pouvait faire comprendre à chaque personne ayant un handicap :
« Tu es important ! Je t’aime. Avec tes blessures et tes fragilités, tu peux grandir et être toi-même. »
« Je n’arrive pas à pardonner »
Au cours d’une après-midi, une femme que je connais à peine, me demanda avec insistance d’aller voir une très bonne amie qui était en train de mourir à la Salpêtrière, le grand hôpital parisien : elle était atteinte de la maladie de Charcot.
Je résistais : aller voir à l’hôpital une femme que je ne connais pas et qui est en train de mourir, c’est difficile. Pourquoi moi ? Mais la femme au téléphone n’avait que faire de mes résistances :
« Je vous en supplie : allez-y »
Toute affaire cessante, je partis à l’hôpital avec des semelles de plomb en maugréant : je ne connaissais rien de cette malade qui allait mourir, même pas son nom ! Était-elle mariée ? chrétienne ? Et s’il y avait deux malades dans la chambre, vers qui aller ?
En frappant à la porte de la chambre, je laissais tomber mes questions et m’en remettais à l’Esprit-Saint.
J‘aperçus un large sourire chez cette femme atteinte de la maladie de Charcot. L’homme assis au pied de son lit était son mari. Il partit précipitamment.
Me voici seul avec cette femme qui était d’une grande maigreur et ne pouvait plus parler. Elle écrivit sur un petit écran sans hésiter sur les mots à employer puis tourna l’écran vers moi. Son écriture m’était agréable.
- « Un grand merci d’être là. Puis-je vous poser quelques questions ? »
- « Oui, si elles ne sont pas trop difficiles »
Elle se mit à rire. Une question me surprit :
- « Comment cela se passera-t-il quand je serai dans l‘au-delà ? »
- « On verra bien quand on y sera. L’important c’est ce qui se passe maintenant »
Ma réponse la fit rire de bon cœur. Le courant passer bien entre nous.
« Je pense comme vous »
Puis vint la question essentielle :
- « Je n’arrive pas à pardonner à ceux qui m’ont fait du mal. J’aurai voulu mourir en paix. Je garde un poids sur le cœur. »
- « Ce n’est pas facile de pardonner. Malgré nos efforts, on n’y arrive pas. Tous les deux, demandons à notre Père du ciel de pouvoir pardonner à ceux qui nous ont fait du mal. »
Je pris sa main et récitai lentement la prière de Jésus. Je sentais qu’elle s’associait de tout son cœur à cette prière.
Je la bénis, L’embrassai sur le front et disparus.
Le soir, je recevais un SMS sur mon portable :
« J’ai pardonné. Mon cœur est en paix. Merci à Dieu. Merci à vous pour cette rencontre pleine de lumière. »
Le lendemain matin, nouvel SMS :
« Mon cœur connaît une grande paix. Je suis prête à m’en aller quand le Seigneur voudra. Merci encore de cette rencontre de paix et de lumière. »
Elle mourut peu après. La miséricorde ne se fabrique pas : elle se reçoit.
Le don de Dieu ne s’achète pas, ne se vend pas, n’appelle pas de contrepartie.
Donner gratuitement sans attendre de retour, sans désespérer de quiconque.
Prendre le risque d’aimer jusqu’au bout.
« La miséricorde est le meilleur chemin pour entrer dans le Royaume de Dieu. » (Pape François)
« Heureux les miséricordieux, ils obtiendront miséricorde » Mt 5,7
Jacques GAILLOT,
Evêque de Partenia,
Fraternité Sacerdotale Iesus Caritas
Paris le 20 juillet 2016
(Texte exclusif de Jacques GAILLOTpour le site iesuscaritas.org)