Texte 4. Notre mode d’évangélisation

Fernando Tapia, Chile

En tant que prêtres diocésains, nous partageons avec toute l’Église la seule mission qui est la sienne : évangéliser. Le pape François nous a donné des orientations très claires pour ce faire dans son Exhortation apostolique « Evangelii Gaudium ». Nous faisons nôtres ses propres orientations et essayons de nous en inspirer pour notre action d’évangélisation dans nos paroisses, communautés, centres de formation chrétienne, centres de soins pour les plus pauvres, etc.

Cependant, la question est valable si nous, en tant que prêtres de la Fraternité IESUS CARITAS, en développons quelques accents particuliers nés du charisme du Frère Charles et de notre spiritualité. Nous pensons que oui, et voici exposés ici quelques uns de ces accents.

1. LE MYSTÈRE DE L’INCARNATION

Notre façon d’évangéliser est d’abord marquée par le mystère de l’Incarnation, un mystère qui a fasciné frère Charles et qui est à la racine de sa spiritualité:

«L’incarnation est enracinée dans la bonté de Dieu. Mais une chose apparaît, tout d’abord, si merveilleuse, brillante et étonnante qu’elle brille comme un signe éblouissant : c’est l’humilité infinie qui entoure un tel mystère. Dieu, l’Être, l’Infini, la Perfection, le Créateur, l’immense Tout-Puissant, le Seigneur souverain de tous, devenant homme, se joignant à une âme et un corps humain et apparaissant sur terre comme un homme, et le dernier des hommes  » (Ecrits spirituels p.49.)

L’Incarnation se produit toujours en un certain temps, lieu et culture. Frère Charles a conduit un gros travail de connaissance de la culture des Touaregs, de leur langue, de leurs coutumes, de leur poésie, etc. Nous voudrions toujours prendre en compte le contexte historique, les caractéristiques du temps et de la culture dans laquelle nous évangélisons, parce que nous sommes convaincus que Dieu prolonge son incarnation à chaque époque et que le Christ ressuscité continue de nous parler par les signes des temps, pour nous inviter à construire son Royaume de Vie.

Compte tenu du fait que le Christ entre dans le monde par « la porte des pauvres », comme l’a dit Mgr Enrique Alvear, nous aimerions nous aussi entrer par cette porte dans notre œuvre d’évangélisation et, à partir de là, proclamer l’Évangile à tous.

2. LES PÉRIPHÉRIES.

Dans un esprit de disponibilité envers nos évêques, nous voudrions exercer en priorité dans les lieux les plus abandonnés et les plus éloignés de l’Église. Périphéries géographiques ou existentielles, comme le dit le pape François. Ce sont des lieux-frontière : populations marginalisées, territoires éloignés, camps de réfugiés, migrants, toxicomanes, privés de liberté, exclus en général. Cette proximité nous permettra d’entendre et de nous mêler au cri des pauvres qui se fait parfois très ténu mais parfois bruyant. Et en utilisant des moyens pauvres, fondamentalement par notre propre présence amicale et miséricordieuse.1

Frère Charles nous dit:

« Pour moi, cherchez toujours la dernière des dernières places, pour être aussi petits que mon Maître, pour être avec lui, marcher après lui, étape par étape, comme un serviteur fidèle, un disciple fidèle et – car, dans sa bonté infinie, incomparable, il est digne de parler ainsi – comme un frère fidèle et un époux fidèle » (EsEs p.68).

« Ce banquet divin, dont je suis le ministre, doit être présenté non pas aux frères et aux parents ou aux riches voisins, mais aux boiteux, aux aveugles, aux âmes les plus abandonnées et à ceux qui manquent de prêtres. J’ai demandé et obtenu la permission de m’installer dans le Sahara algérien. (EsEs p.80).

Si nous sommes envoyés dans des endroits plus aisés, nous aimerions être des agents de sensibilisation sociale et des faiseurs de pont entre les riches et les réalités des pauvres.

Nous sommes arrivés comme amis et frères des pauvres. Nous découvrons Dieu déjà présent dans leurs cris et leurs aspirations. Nous laissons a notre tour les pauvres nous évangéliser et enrichir notre ministère.

3. TÉMOIGNAGE PERSONNEL

Partout, mais surtout dans les lieux marginalisés, nous voulons donner la priorité à l’évangélisation par un témoignage de vie plutôt qu’avec des discours. Témoignage marqué par la proximité, la simplicité, l’accueil, la gentillesse, l’intérêt pour ce qui arrive à l’autre, le service concret, la joie intérieure. Frère Charles a écrit à un ami:

« Vous voulez savoir ce que je peux faire pour les autochtones. Il n’est pas possible de leur parler directement de Notre Seigneur. Cela les ferait fuir. Il faut leur inspirer confiance, s’en faire des amis, leur rendre de petits services, leur donner de bons conseils, se lier d’amitié avec eux, les exhorter discrètement à suivre la religion naturelle, leur montrer que les chrétiens les aiment. (EsEs p.84).

Déjà dans sa Retraite de novembre 1897, il avait formulé sa façon d’évangéliser par cette phrase, placée dans la bouche de Jésus : « Remplissez votre vocation : celle de proclamer l’Évangile sur les toits, non pas avec vos paroles, mais avec votre vie ».

Cela ne veut pas dire que nous avons mis de côté le ministère de la Parole. Nous savons que c’est une partie essentielle de notre mission, celle d’éveiller et de nourrir la foi : « la foi vient par la prédication et la prédication par la parole du Christ »(Rom 10:17). Le Concile Vatican II le dit clairement dans le décret sur « Le ministère et la vie des prêtres »: « La parole de salut éveille la foi dans le cœur des non-croyants et la renforce dans celui des croyants, et avec la foi commence et se développe la communauté des fidèles »

4. NOTRE CHOIX DE LA FRATERNITÉ

Par notre choix pour la fraternité, nous privilégions le travail d’équipe avec d’autres prêtres, qu’ils soient ou non de notre Fraternité, avec des religieux, des diacres et des laïcs. Nous voulons davantage être frères que tyrans, professeurs ou seigneurs religieux, comme dit le Concile : « Les prêtres habitent avec les autres hommes comme des frères. » 3 Frère Charles a devancé à cet égard le Concile quand il recherche et promeut le travail avec les laïcs:

« A côté des prêtres, les Priscille et Aquila sont nécessaires, pour voir ceux que le prêtre ne voit pas, pour pénétrer là où il ne peut pas pénétrer, pour aller à ceux qui le fuient, pour évangéliser par un contact bienfaiteur, avec une bonté débordante sur tous, une affection toujours prête à se donner, un bon exemple qui attire ceux qui tournent le dos au prêtre et lui sont hostiles par principe. » ( Assekrem, 3 mai 1912).

Pour la même raison, nous voulons donner du temps à la formation des laïcs, à leur accompagnement spirituel et à soutenir la formation de communautés fraternelles, dans le respect du rythme de chaque personne.

Nous croyons en la fraternité comme mode de vie, une fraternité universelle, caractérisé par l’amitié, la réciprocité et le dialogue.

De même, notre choix de la fraternité nous conduit à promouvoir la participation des laïcs dans la conduite pastorale de nos paroisses, en évitant toute forme d’autoritarisme et de cléricalisme de notre part et toute forme de passivité de la part des laïcs. L’existence de conseils pastoraux, de conseils pour les affaires économiques, d’équipes pour animer les différents espaces pastoraux, d’assemblées paroissiales, de planification pastorale réalisée ensemble, etc. devrait être la marque distinctive des paroisses ou d’autres structures pastorales confiées à nos soins.

5. VIE SPIRITUELLE ET EUCHARISTIE

Cette manière d’évangéliser suppose pour chacun de nous une vie spirituelle très profonde qui nous conduit à contempler Jésus dans les Évangiles afin de devenir de plus en plus configuré à Lui, grâce à l’action de l’Esprit Saint en nous. Il nous permettra d’entrer dans la dynamique de « kénose », d’abandon, de dépossession, propre au mystère de l’Incarnation, laissant beaucoup de choses pour Lui et pour la fidélité à l’Evangile : préjugés, biens matériels, prestige, recherche du pouvoir, sécurités, etc. Elle nous donnera la liberté intérieure de trouver de nouveaux chemins et de nouveaux espaces dans la tâche d’évangélisation de l’Église, en recherchant toujours la volonté du Père, avec une infinie confiance.

Notre dynamisme missionnaire, en particulier pour rejoindre et demeurer dans les endroits les plus difficiles, est soutenu par la célébration de l’Eucharistie, par l’Adoration quotidienne et les autres moyens de croissance spirituelle, typiques de notre Fraternité. Ils nous aident à prendre conscience de l’amour infini de Dieu pour nous, de sa fidélité et de sa miséricorde, et nous dynamisent dans notre mission.

L’Eucharistie doit devenir un mode de vie pour nous, caractérisé par le partage du pain, des histoires personnelles et de la parole, même avec des personnes d’autres traditions religieuses.

Une expérience spirituelle similaire doit être promue parmi les laïcs si nous voulons transformer nos paroisses dans l’orientation missionnaire que le pape François souhaite : une Église en chemin qui, sans crainte d’être blessée ou salie par la boue de la route, va à la recherche de ceux qui sont loin et rejetés par la société.4

L’Eucharistie, d’autre part, nous ouvre à la participation à un corps ecclésial toujours plus large. Nous voulons être très conscients que l’évangélisation est une mission partagée avec toute l’Église diocésaine et universelle. En tant que prêtres diocésains, nous voulons être les premiers à nous sentir partie prenante d’un presbyterium, avec son Évêque à sa tête, appuyant la gestation et la mise en œuvre de projets diocésains auxquels nous contribuons par nos charismes et accents pastoraux.

POUR LA RÉFLEXION PERSONNELLE ET LA PRIÈRE.

  1. Ajouteriez-vous un point à ce schéma ?
  2. Ma structure pastorale (paroisse, centre de formation, etc.) évolue-t-elle selon cette orientation ?
  3. Quelles caractéristiques notre style de vie personnel doit-il avoir pour être en cohérence avec cette manière d’évangéliser?

PDF: Texte 4 – Notre mode d’évangélisation – FR

Le père Antoine CHATELARD, une vie sur les pas de Charles de Foucauld.

Le père Antoine Chatelard, religieux de la congrégation des Petits Frères de Jésus, est décédé à 90 ans. Avec lui s’éteint un grand connaisseur du Sahara algérien et de ses hommes, un amoureux du détail, un biographe passionné et reconnu de la vie de Charles de Foucauld, figure spirituelle majeure de sa congrégation.

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Texte 3. FONDAMENTAUX D’UNE SPIRITUALITÉ INSPIRÉE PAR CHARLES DE FOUCAULD

Ab. Nabons-Wendé Honoré SAVADOGO, Burkina

Charles de Foucauld « a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous les hommes et femmes. [..] Il a orienté le désir du don total de sa personne à Dieu vers l’identification avec les derniers, les abandonnés, au fond du désert africain. » Fratelli tutti, 286-287

La diversité de la famille spirituelle de Charles de Foucauld est impressionnante. On y trouve tous les différents états de la vie chrétienne : fidèles laïcs, religieux et religieuses de vie active ou contemplative, des laïcs consacrés, des prêtres et des évêques. Tous réussissent à tirer une riche et pertinente inspiration dans l’expérience spirituelle de frère Charles. Nous oublions souvent les non chrétiens et même ceux qui n’ont pas une grande pratique religieuse mais se sentent inspirés par l’expérience de Charles.

Le secret d’une spirituelle si profonde et sans frontières est tout d’abord la fidélité à l’Évangile. Plus la vie d’une personne a été menée selon l’Évangile de façon étroite, plus elle est attirante et pertinente pour tous les chrétiens. En plus de cette fidélité à l’Évangile, le frère Charles est passé par tous les états de la vie chrétienne : un fidèle laïc qui a perdu et retrouvé sa foi, un contemplatif moine et ermite, un prêtre « libre » tout à la fois diocésain et « religieux » à sa manière, un missionnaire extraordinaire. Cette profondeur de l’expérience spirituelle de Charles de Foucauld implique l’existence d’éléments de base communs à tous ce qui se réclament de sa famille spirituelle. De tels éléments ne devraient pas manquer à la vie spirituelle de toute personne qui voudrait suivre Jésus en s’inspirant du modèle foucauldien.

1. Une spiritualité du cœur : faire de la religion un amour

En tout premier lieu il y a l’amour et la miséricorde. Le cœur, siège et symbole de l’amour, est l’emblème de frère Charles, l’élément central, distinctif et spécifique de sa spiritualité. Depuis sa conversion, il a voulu que son cœur devienne comme celui du Christ. Tout au long de sa vie mouvementée, il a mis tout en œuvre pour que son cœur se transforme et se dilate selon les limites infinies du Cœur-Sacré de Jésus. Cet amour insatiable de Dieu et des hommes est la principale raison de tous les changements et transformations inattendus de sa vie. Dans sa prière, il n’a cessez d’invoquer Jésus de faire venir son règne d’amour dans le monde. Nous connaissons bien la prière d’abandon de Frère Charles, mais une invocation qui venait très souvent sur ces lèvres était la suivante : « COR JESU sacratissimum, adveniat Regnum tuum ! » (Cœur-Sacré de Jésus, que ton règne vienne !). Lui-même aimait dire que le fondement de la religion et de la vie spirituelle, c’est le cœur et l’amour. Ce qu’il a écrit dans le règlement de la congrégation qu’il voulait fonder est toujours valide pour tous ceux qui désirent le suivre : « Soyons brûlants d’amour comme le Cœur de Jésus!… Aimons tous les hommes « faits à l’image de Dieu », comme « ce Cœur qui a tant aimé les hommes! »… Aimons Dieu, en vue de qui nous devons aimer les hommes, et que seul nous devons aimer pour Lui-même…. Aimons Dieu comme l’aime le Cœur de Jésus, autant que faire se peut! ».1 Au sujet de l’amour il était convaincu que l’on devrait aimer sans limite et restriction aucune. Il disait, « l’amour est la perfection ; on peut excéder en tout, excepté en amour : en amour on ne peut jamais aller assez loin… »2.

2. L’Eucharistie célébrée, adorée et vécue

Nous pouvons emprunter l’expression consacrée du Concile Vatican II pour dire que l’Eucharistie est la source et le sommet de toute l’expérience spirituelle de Charles de Foucauld. Dans cette expérience spirituelle la présence de l’Eucharistie est fondamentale, transversale et immanquable à telle enseigne que l’on peu dire que sa vie s’est déroulée comme une unique contemplation et un vécu toujours plus approfondi de l’Eucharistie. L’Eucharistie a marqué de bout en bout tout ce qu’il a vécu sur le plan spirituel : sa conversion, sa prière, sa relation avec Jésus, la trajectoire mouvementée de sa vocation, sa pastorale de la bonté, sa fraternité universelle, sa vision missionnaire, sa présence au Sahara, tous les instants de sa vie, sa mort…

On ne saurait être disciple du frère Charles sans un amour de plus en plus croissant pour Jésus présent dans l’Eucharistie célébrée et adorée. Malgré sa très grande dévotion eucharistique, il ne cessait de prendre des résolutions pour aimer davantage l’Eucharistie. Comme lui nous avons aussi besoin de renouveler constamment notre amour de l’Eucharistie. Nous avons besoin de faire nôtre cette résolution qu’il a formulée lors d’une de ses nombreuses retraites spirituelles : « Me tenir au pied du saint sacrement chaque fois que la volonté de Dieu, c’est-à-dire un devoir bien certain, ne m’oblige pas à m’en éloigner… […] – Ne jamais manquer de recevoir la sainte communion, sous aucun prétexte »3.

3. La fraternité universelle

Le Bienheureux Charles de Foucauld a trouvé dans l’Eucharistie la source de la fraternité universelle. Ayant clairement perçu que chaque être humain est d’une manière ou d’une autre, une partie, un membre du corps eucharistique du Christ, il en a déduit la nécessité d’aimer tous les hommes sans distinction : « nous devons aimer tous les hommes, les vénérer, les respecter, incomparablement puisque tous sont membres de Jésus, font partie de Jésus… » 4. Considérant aussi que l’Eucharistie est le sacrement où l’amour de Dieu s’est manifesté de façon suprême, il pense que sa réception doit nous rendre tendres, bons et pleins d’amour pour tous les hommes. Le pape François vient de nous donner le Frère Charles comme modèle de fraternité et d’amitié universelle en ces termes : Charles de Foucauld « a fait un cheminement de transformation jusqu’à se sentir le frère de tous les hommes et femmes. [..] Il a orienté le désir du don total de sa personne à Dieu vers l’identification avec les derniers, les abandonnés, au fond du désert africain. » Fratelli tutti, 286-287. Un défi inévitable pour tout disciple du frère Charles est cette transformation en frère universel, tendre sans cesse vers un amour sans frontières pour devenir un frère universel de tous les hommes et de toutes les femmes.

4. L’amour des plus pauvres

Pour Charles l’adoration et la tendresse que nous avons pour le Corps du Christ dans la célébration comme dans l’adoration eucharistiques doivent être la même vénération et la même tendresse pour les pauvres. Il avait l’intuition qu’à chaque fois que nous disions « ceci est mon corps, ceci est mon sang », il s’agit du même Seigneur qui a dit dans la parabole du jugement dernier que tout ce que nous aurons fait au plus petits d’entre ses frères, c’est à lui que nous l’avons fait. Quand il faisait ses longues expositions du Saint Sacrement à Béni Abbès et l’on venait frapper à la porte, il laissait le Tabernacle pour aller rencontrer la personne qui venait lui rendre visite. C’est le même Christ qu’il rencontrait dans le Saint Sacrement comme dans le pauvre qui venait lui rendre visite. Pour rester avec les plus pauvres, pour atteindre les âmes les plus éloignées, il a accepté d’énormes sacrifices : la solitude, la pauvreté, l’insécurité, l’impossibilité de célébrer l’Eucharistie…

5. La sobriété de vie : pénitence, abjection, pauvreté, partage

En vue d’imiter Jésus dans sa descente à la dernière place par son incarnation et le sacrifice de la croix, Charles de Foucauld a mené une vie d’abjection et d’intense mortification. Même si à certains moments de sa vie il a été obligé d’atténuer ses mortifications, le frère Charles est demeuré un grand ascète tout au long de sa vie. La pénitence et la mortification ne sont plus toujours de mise dans nos pratiques spirituelles et dans notre monde consumériste, mais la figure du frère Charles nous rappelle sans cesse l’invitation de Jésus à le suivre dans sa descente dans notre humanité et son sacrifice sur la croix. Comment se réclamer de son école spirituelle sans une certaine dose de pénitence, ou tout au moins de sobriété ? Nous avons tant besoin de sobriété pour ramer à contre courant du consumérisme qui défigure tant la beauté de notre monde et menace de détruire notre mère la terre. Une spiritualité de pénitence et de sobriété constitue un véritable antidote contre tout usage excessif et abusif des biens que la Providence divine met à notre disposition.

6. La contemplation de la beauté de Dieu dans la nature

Nous avons dit plus haut que la vie de Charles s’est déroulée comme une continuelle contemplation de la présence de Jésus dans l’Eucharistie et la Sainte Écriture. Quotidiennement, Charles passait de longues heures à contempler Dieu, à le regarder avec amour et tendresse dans la prière. Il était une personne toujours éprise de la splendeur et de la beauté de l’amour infini de Dieu. Malgré cette intense vie de contemplation Charles n’était pas indifférent à la nature, il savait y trouver aussi la splendeur de la beauté divine. Il a gardé pendant toute sa vie ce sens du beau dans la création. Il disait : « Admirons les beautés de la nature, toutes si belles et si bonnes, car elles sont l’œuvre de Dieu. Ils nous amènent immédiatement à admirer et à louer leur auteur. Si la nature, l’homme, la vertu, si l’âme est si belle, alors quelle doit être belle la beauté de celui dont ces beautés empruntées ne sont qu’un pâle reflet! ». (Meditation sur les psaumes, p. 66 ou: Ch. d. Foucauld, Rencontres á themes, Nouvelle Cité 2016. Chapitre: beauté)

7. Un zèle missionnaire inaltérable

La vie spirituelle de frère Charles a été marquée par un zèle missionnaire à toute épreuve. Dès qu’il a découvert sa vocation d’être missionnaire du banquet eucharistique pour les plus pauvres, les plus éloignés et les plus affamés – on dirait aujourd’hui les plus « périphériques » – il n’a cessé de prier et de travailler pour la mission. Pour que l’Évangile soit connu et annoncé, il se disait prêt à tout sacrifier pour « aller au bout du monde et à vivre jusqu’au dernier jour… ».5 Quelle que soit la forme que prend notre état de vie, pouvons-nous suivre authentiquement frère Charles sans désirer que l’Évangile et l’Eucharistie soient connus et aimés jusqu’au bout du monde ?

Pour terminer comme nous avons commencé, réaffirmons qu’avec Charles de Foucauld, nous sommes en face d’une spiritualité presque inépuisable à cause de sa connexion directe à l’Évangile. Nous avons seulement esquissé quelques uns des éléments fondamentaux de son expérience spirituelle. À chacun de s’interroger sur la place et l’ampleur que prennent ces éléments centraux et fondamentaux dans sa vie spirituelle personnelle. Leur présence et leur approfondissement peuvent être un indice d’authenticité de notre fidélité à l’expérience spirituelle de frère Charles.

Ouahigouya (Burkina Faso), decembre 2020.
Ab. Savadogo Nabons-Wendé Honoré

PDF: Text 3, frz., Fondamentaux d’une spiritualité inspirée par Charles de Foucauld

Texte 2: Biographie. Preparation à la canonisation de frère Charles

GRANDS TRAITS BIOGRAPHIQUES DE CHARLES DE FOUCAULD

Ab. Nabons-Wendé Honoré SAVADOGO, Burkina

Un orphelin entouré d’affection

Le Vicomte Charles-Eugène de Foucauld de Pontbriand naquit à Strasbourg le 15 septembre 1858 de François Édouard, Sous-inspecteur des Eaux et Forêts, et d’Élisabeth Marie Beaudet de Morlet. Il eut une seule petite sœur, Marie, née le 13 août 1861.

L’enfance de Charles fut marquée par le deuil. En 1864, à 6 ans, il perd sa mère suite à une fausse couche le 13 mars, son père le 9 août et sa grand-mère paternelle en octobre. Charles et sa sœur sont alors éduqués par leur grand-père, le Colonel de Morlet qui entoura leur enfance d’une chaleureuse affection. Leur enfance fut aussi marquée par l’affection de la famille de sa tante paternelle, les Moitessier. Charles noua surtout une solide et profonde amitié avec sa cousine Marie Moitessier qui jouera un rôle déterminant dans sa croissance humaine et spirituelle. Son grand-père lui assura une bonne éducation chrétienne ; il fit sa première communion et sa confirmation le 27 avril 1872.

La foi perdue et retrouvée

Admis au lycée de Nancy en 1872 et à l’École militaire de Saint-Cyr en 1976, Charles perd la foi pendant une douzaine d’années. Cette étape de sa vie fut marquée d’excès et de déviations de comportement. Le décès de son grand-père le 3 février 1878 empira sa situation. Charles s’enfonça alors dans la paresse, l’indolence, l’ennui, l’indiscipline, la médiocrité, les réjouissances effrénées, les folles dépenses financières. Il s’attacha même à une femme, Marie C, et en fit sa concubine.

Militaire peu discipliné mais courageux, Charles s’ennuyait et finit par quitter l’armée en 1882 pour se consacrer à l’exploration du Maroc. L’éclat du succès le rétablit dans l’estime et l’admiration des siens et de la société. Il est désormais habité par une quête morale et religieuse. L’affection et la foi de son ambiance familiale le soutiennent dans sa quête religieuse de plus en plus intense : « Mon Dieu, si Vous existez, faites que je Vous connaisse ! ». Il rencontre l’abbé Huvélin à l’église Saint-Augustin de Paris pour discuter de religion mais ce dernier l’invite à communier et à se confesser. Charles de Foucauld se convertit ainsi en fin octobre et sa relation à Dieu sera progressivement pleine d’amour, de tendresse et d’abandon total à Dieu.

Trappiste et inflexible imitateur de Jésus de Nazareth

En 1890, à peine trois ans après sa conversion, il entra chez les trappistes à Notre-Dame des Neiges puis à Notre-Dame du Sacré-Cœur à Akbès (Syrie). Mais très insatisfait de ne pas pouvoir trouver la pauvreté extrême de Jésus à Nazareth et désireux de fonder une congrégation pour vivre pleinement cet idéal, il quitta la vie des trappistes en janvier 1897. Sous la direction averti de son directeur spirituel, l’abbé Henri Huvelin, il se rendit en Terre-Sainte et se fit domestique des moniales clarisses à Nazareth pour imiter la vie cachée de Jésus pauvre, dépouillé de tout et assis à la dernière place.

La découverte de sa vocation sacerdotale et missionnaire

Pendant presque trois ans, Charles de Foucauld vécut quotidiennement de très longues heures d’adoration eucharistique, de méditation du Saint Évangile et de lectures théologiques. Des changements très importants s’opèrent alors dans la perception de sa vocation et du sacrement de l’Eucharistie. Il perçoit que par-dessus tout, rien ne glorifie tant Dieu ici-bas que la présence et l’offrande de la Sainte Eucharistie. Il est aussi convaincu que jamais un homme n’imite plus parfaitement Jésus que quand il offre le sacrifice ou administre les sacrements. Charles retourne à Notre-Dame des Neiges pour se préparer au sacerdoce. Les retraites d’ordination diaconale et presbytérale lui insufflent la conviction que l’Eucharistie est un banquet à apporter aux plus pauvres. Elle exige de vivre une fraternité universelle avec tous les hommes, en particulier avec les plus éloignés. Désormais, sa vocation d’imitation de Jésus à Nazareth n’est plus à vivre en Terre Sainte, mais au milieu des brebis les plus délaissées, celles du Maroc.

Le défrichement évangélique du Sahara par l’amitié et la bonté

Ordonné prêtre diocésain le 9 juin 1901 au grand séminaire de Viviers, il veut se rendre au Maroc et s’installe pour cela à Beni-Abbès, un carrefour à la frontière entre l’Algérie et le Maroc. Frère Charles vécut au Sahara une évangélisation de défrichement par l’amitié et la bonté. À Beni-Abbès, il commença par mener une vie intensément contemplative avec une grande disponibilité fraternelle à tous ceux qui se présentait dans sa Fraternité : les caravanes, les soldats et officiers, les simples voyageurs, les esclaves et surtout les plus pauvres et les plus démunis.

En vue de commencer l’évangélisation des Touaregs il s’engagea dans des tournées pastorales au rythme des missions militaires. Il voulait ainsi gagner la confiance des populations et entrer en amitié avec elles. Il s’installa ensuite au milieu des Touaregs à Tamanrasset en mai 1905 d’où il faisait des tournées pastorales. Il s’incarna dans leur culture en apprenant leur langue et leur culture et traduisit le Saint Évangile et quelques passages de l’Ancien Testament en touareg. Charles mena aussi d’importants travaux linguistiques dont la réalisation d’une grammaire élémentaire et de deux lexiques touareg-français, français-touareg. En dépit de nombreuses difficultés, Charles ne renonça pas à sa présence parmi les touaregs qu’il résuma en ces termes :

C’est d’abord de mettre au milieu d’eux Jésus, Jésus dans le Très Saint-Sacrement, Jésus descendant chaque jour dans le Saint Sacrifice ; c’est de mettre aussi au milieu d’eux une prière, la prière de l’Église, si misérable que soit celui qui l’offre … c’est ensuite de montrer à ces ignorants que les chrétiens ne sont pas ce qu’ils supposent, que nous croyons, aimons, espérons ; c’est enfin de mettre les âmes en confiance, en amitié, de les apprivoiser, de s’en faire si possible, des amis ; afin qu’après ce premier défrichement, d’autres puissent faire plus de bien à ces pauvres1.

C’est au milieu des Touaregs que Charles de Foucauld meurt le vendredi 1er décembre 1916, assassiné par des sénousites venus piller sa résidence et le prendre en otage. Il fut béatifié par le Pape Benoît XVI le 13 novembre 2005 et canonisé par le Pape François le … 2021.

ACTUALITÉ DE L’EXPÉRIENCE SPIRITUELLE DE CHARLES DE FOUCAULD

Une multitude de « followers »

Après 15 ans de ministère pastoral au Sahara, Charles de Foucauld ne fit presque pas de convertis. Son ardent désir de fonder une congrégation religieuse pour vivre la parfaite imitation de Jésus de Nazareth n’a pas abouti. Malgré cet apparent échec, la vie et la mort de frère Charles furent fécondées par le Seigneur. C’est ainsi que de nombreux disciples du Christ s’inspirent de son expérience spirituelle fondée sur l’Eucharistie célébrée, adorée et vécue, sur la fraternité universelle, sur l’écoute quotidienne et méditée de l’Évangile, sur l’abandon totale et confiante à la volonté du Père, sur l’ardent désir de porter le Christ aux plus pauvres et aux plus éloignés.

La transformation par l’Eucharistie

L’expérience spirituelle de Charles de Foucauld est comme une lumière que le Seigneur offre aujourd’hui à son Église pour éclairer sa marche. L’intense dévotion eucharistique qu’il nous communique est un moyen efficace pour vivre nos célébrations et nos adorations eucharistiques dans la fraicheur de la reforme conciliaire de Vatican II. À l’école de frère Charles, on ne saurait prendre part à l’Eucharistie sans vivre une profonde communion au Christ qui nous ouvre à tous les hommes, en particulier aux plus pauvres et aux plus éloignés. Son modèle d’adoration eucharistique invite à l’écoute de la Parole de Dieu pour être transformés par l’imitation des vertus de Jésus.

Un modèle d’évangélisation en situation de sécularisation et d’intégrisme religieux

L’actualité de Frère Charles s’exprime aussi par son modèle d’évangélisation. Au milieu d’un monde fortement musulman où il ne pouvait pas inviter ouvertement à croire en Jésus, Charles de Foucauld a voulu proclamer son Maître en vivant la bonté et l’amitié avec tous ceux qu’il rencontrait. N’est-ce pas cette présence fraternelle, amicale et pleine de tendresse qu’il nous faut pour témoigner de Jésus dans notre monde de plus en plus sécularisé ?

Frère Charles a vu ses frères musulmans se radicaliser : « C’est l’islamisation du Hoggar, […]… C’est un fait très grave […] dans quelques années, si l’influence musulmane touatienne prend le dessus, ce sera une hostilité profonde et durable… »2. L’attitude de frère Charles vis-à-vis de l’intégrisme religieux tant répandu aujourd’hui est plus que jamais actuelle et inspirant pour nous. Que l’on soit en dialogue ou en amitié avec les musulmans, que l’on soit victimes d’intégrisme, il faut l’amitié, le dialogue, la connaissance lucide de l’autre pour le « comprendre », la bonté et la tendresse pour favoriser l’union des cœurs.

Saint patron des périphéries et de la fraternité universelle

Le Magistère du Pape François nous invite à aller vers les périphéries existentielles des hommes afin de faire de toutes personnes, surtout les plus éloignées et exclues, nos frères et sœurs. Nous pouvons trouver en Frère Charles le spécialiste, le saint patron des « périphéries » et de la fraternité universelle. C’est ce qu’il a vécu et enseigné : « nous devons aimer également tous les hommes, riches et pauvres, heureux et malheureux, sains et malades, bons et mauvais, car tous sont membres du Corps mystique de Jésus (matière prochaine ou éloignée), et par conséquent membres de Jésus, portion de lui, c’est-à-dire infiniment vénérables, aimables et sacrés »3.

Un ami céleste qui accompagne et interroge

Charles de Foucauld est par-dessus tout actuel aujourd’hui parce que sa présence auprès de Dieu, dans la foule immense des saints, est l’accomplissement de la fraternité universelle qu’il a tant recherchée. Sa participation à l’a gloire et à l’intercession du Christ nous le rend si présent quotidiennement et agissant dans nos vies et celle de l’Église. Chacun de nous peut se demander : quels fruits l’amitié avec le frère Charles a-t-elle portés dans ma vie ? Y-a-t-ils des aspects de ma vie que frère Charles défie au changement ?

Saint Charles, prie pour nous !

Saint Charles de Foucauld, prie pour nous, aide-nous à nous abandonner totalement au Père, « sans mesure, avec une infinie confiance », car il est notre Père et toi, tu es notre ami. Saint Charles de Foucauld. Prie pour nous !

PDF: Text 2, FR, Biographie

Text 1, Heiligsprechung, fr, Canonisation du Frère Charles et option pour les pauvres

FRATERNITE SACERDOTALE JESUS CARITAS

PREPARER LA CANONISATION DU FRERE CHARLES

THEME 1 : LA CANONISATION DU FRERE CHARLES
ET NOTRE OPTION POUR LES PAUVRES

Fernando Tapia Miranda
Equipe internationale

« La pandémie a mis à découvert la situation difficile des pauvres et les grandes inégalités qui régissent notre monde » disait le Pape François le 19 août dernier. Et il ajoutait : « Si le virus ne fait pas de différence entre les personnes atteintes, il a rencontré sur son chemin dévastateur, de grandes inégalités et des discriminations. Et il les a accrues ! »

Cela veut dire que les pauvres, aujourd’hui, souffrent davantage qu’avant, à cause du manque de soins, du chômage et de la faim.

Le Saint Père reconnaît que la réponse à la pandémie doit être double : d’un côté, « il est indispensable de trouver l’antidote à un petit virus mais terriblement destructeur, qui étend ses rets sur le monde entier », et de l’autre, ajoute le Pape, « nous avons à guérir d’un autre grand virus, celui de l’injustice sociale, de l’inégalité des chances, de la marginalisation et du manque de protection des plus faibles ».

Cette situation nous stimule pour réaffirmer notre option évangélique pour les pauvres. François dit dans sa catéchèse : « La foi, l’espérance et l’amour nous poussent nécessairement vers cette préférence pour les plus nécessiteux, qui va plus loin que la pure assistance nécessaire. Elle implique de cheminer ensemble, de se laisser évangéliser par eux, qui connaissent bien le Christ souffrant, de se laisser ‘contaminer’ par leur expérience du salut, par leur sagesse et leur créativité. Partager avec les pauvres signifie s’enrichir mutuellement. Et s’il y avait des structures sociales malades, qui les empêchent de rêver à un avenir, nous avons à travailler ensemble pour les guérir, les transformer » (Qui ne reconnaîtrait pas là, la manière d’évangéliser du Frère Charles ?)

Le Saint Père affirme que « la pandémie est une crise et d’une crise nous ne sortons pas les mêmes : ou bien nous en sortons meilleurs, ou bien nous en sortons pires. Nous devrions en sortir meilleurs, concernant les injustices sociales et la dégradation du milieu ambiant. »

La Canonisation du Frère Charles intervient dans ce contexte et ce n’est pas un hasard. A travers cet événement de grâces, Dieu veut mettre à la vue de tous, un homme, un croyant, un pasteur, un missionnaire qui s’est donné corps et âme aux plus pauvres et aux plus abandonnés de son temps, les Touaregs. Il se fit l’un d’eux, chemina avec eux, se fit évangéliser par eux. Aujourd’hui, la sainteté passe par l’option préférentielle pour les pauvres.

Si nous voulons préparer et célébrer le mieux possible la Canonisation du Frère Charles, ce n’est pas pour glorifier le Frère Charles, mais pour renforcer dans toute l’Eglise un amour actif et proactif pour les plus petits, les derniers, ce qui, aujourd’hui, est plus nécessaire que jamais. Le Pape dit dans Evangelii Gaudium : « La beauté même de l’Evangile ne peut pas toujours être correctement manifestée par nous mais il y a un signe qui ne devrait jamais manquer : l’option pour les derniers, pour ceux que la société rejette et exclut. » (EG 165)

Nous, la famille spirituelle de Frère Charles, avons accueilli comme une grâce son charisme, qui reçoit, de plus, dans ce contexte de pandémie, une remise à jour et une validation particulière. Nous ne pouvons pas le garder caché, ni le négliger ni le laisser stérile. « Ravive le don de Dieu qui est en toi » disait Saint Paul à Timothée2. C’est l’invitation que notre Frère et Seigneur Jésus nous fait aujourd’hui, pour contribuer au grand renouvellement de l’Eglise que l’Esprit Saint est en train d’impulser à travers le Pape François. Nous avons donc une grande responsabilité. La Canonisation du Frère Charles est une chance unique pour progresser dans cette orientation.

En vue de la réflexion et de la prière personnelles ou en groupe :

• Est-ce que je vois une connexion entre notre option pour les pauvres, le renouvellement de l’Eglise impulsé par le Pape François et la Canonisation du Frère Charles ?
• Quels appels à la conversion est en train de nous lancer le Seigneur, à travers cette canonisation ?
• Quelle sera ma contribution pour que la Canonisation porte tous les fruits que le Seigneur attend d’elle ?

Santiago du Chili, 10 septembre 2020

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