Soins intensifs. Aurelio SANZ BAEZA

Je vis et le son monotone du respirateur et des machines qui me contrôlent, me fait savoir que mon cœur ne s’est pas arrêté. Je ne sais pas quand ni comment je suis arrivé ici. Ma montre s’est arrêtée dans mon esprit et j’ai cessé de voir le temps passer dans cet objet qui me place dans l’instant et que, désormais, je ne regrette pas. Les sons de ma maison, de mon travail, de ma rue, du bar où je prends un café ou une bière, sont restés sur un disque dur et je ne sais pas si je vais le récupérer. Le virus a tout boulversé, il m’a éloigné de ceux que j’aime. Ce que je voyais à travers les médias sur la façon dont les gens étaient dans la même situation que moi maintenant, ce qui m’était inconnu, c’est ma réalité en ce moment. Comme tant de choses dans la vie, tu penses que cela ne t’arrivera jamais.

Je me rends compte qu’il y a des gens qui s’occupent de moi; je ne les vois pas bien, et c’est comme être dans un vaisseau spatial, où tu ne vois que les yeux à travers les lunettes de sécurité et les écrans qui les protègent de moi, semblables à ceux que j’utilise dans mon travail. Je suis un danger, mais un danger qui requiert leur attention et, je pense, leur sympathie, même s’ils ne me connaissaient pas avant. J’ignore leurs noms, et leurs voix ne me parviennent pas clairement – bien que toujours sans exigences – Je ne comprends pas ce qu’ils me disent. Je me laisse faire. Je ne peux pas bouger et je n’ai aucune envie de bouger, pas même le petit doigt. Continue Reading →

Andrea MANDONICO. « Mon Dieu, comme tu es bon ». Salvatore SCIANNAMEA

Parmi les différentes contributions qui ont émergé sur la figure de Charles de Foucauld, en attente de sa canonisation, il convient de souligner le texte Mon Dieu comme tu es bon, éd. Vatican, par Andrea Mandonico.

Prêtre et théologien de la SMA (Société des Missions Africaines), Mandonico est le postulateur de la Cause de Canonisation de la Petite Sœur Magdeleine, la fondatrice des Petites Sœurs de Jésus, et vice-postulatrice de la cause de Charles de Foucauld. C’est précisément sur la figure de Charles de Foucauld que l’actuel professeur d’études interreligieuses à l’Université pontificale grégorienne a publié des essais, des traductions et des articles sur le Frère Universel, le prochain saint, Charles de Foucauld.

Le défi du texte de Mandonico n’était pas simple. Pour ceux qui connaissent la figure de Charles de Foucauld, il sait bien que sa vie exigerait des bibliothèques, pour le seul fait qu’elle synthétise divers choix existentiels et de nombreuses vocations.
Le texte fait donc l’objet d’un effort considérable, mais à la fois brillant d’harmonie, de légèreté scripturale et de vue d’ensemble dans le traitement.
Le livre est accompagné de la chronologie du saint, très utile pour contextualiser les différents chapitres et d’une excellente et très élégante préface de Mgr Ennio Apeciti.

L’ensemble de l’écriture, même méthodologiquement irréprochable, est un phare brillant qui jette sur le Bienheureux Charles des traits qui mettent désormais en lumière ses sentiments, parfois ses émotions et ses choix. L’auteur est très habile à faire parler le prochain saint, à travers ses écrits, ses lettres et les témoignages de ceux qui ont connu le Frère Universel. Composé de treize chapitres, chacun est introduit par une citation, presque une antienne indispensable sur le contenu qui sera développé.

Après un premier tour d’horizon, à travers l’introduction, l’écriture de Mandonico élargit le champ à travers une contextualisation historique intelligente sur le temps vécu par Charles de Foucauld. Dans l’aperçu historique. Mandonico applique une vue d’ensemble du contexte ecclésial, en soulignant les forces et les faiblesses. Il s’arrête brièvement sur le contexte social et politique, avec des détails fondamentaux pour comprendre la biographie des bienheureux. Après avoir contextualisé la période historique et l’ecclésiologie actuelle, il passe au profil de Charles de Foucauld en parcourant, à vol d’oiseau, des détails familiaux, sa naissance, son adolescence, sa vie de soldat puis d’explorateur. C’est ainsi qu’il présente sa conversion, ses rencontres à Paris et la radicalité qui caractérisera le nouveau Charles, croyant et « malade » de Jésus. À partir de la conversion, Mandonico présente brièvement les différentes vies du nouveau converti : d’abord Pellegrino en Terre Sainte, plus tard un moine trappiste. Nous venons ainsi présenter la vie de Charles à Nazareth, engagé par les Clarisses comme serviteur. C’est dans ce contexte qu’est mise en lumière la nouvelle vocation de Charles, celle de prêtre, éclairée par l’entretien qu’il a eu avec Mère Elisabeth du Calvaire, abbesse du couvent de Jérusalem, une femme qui l’aidera à dissiper ses doutes quant à l’accès aux ordres sacrés. Après cette partie de sa vie, le nouveau ministère de Charles de Foucauld est présenté à Beni-Abbès et Tamanrasset.

C’est ainsi que nous arrivons à l’un des piliers fondamentaux qui est aussi le véritable cœur de la spiritualité foucaldienne : Nazareth. Mandonico analyse comment la grande nouveauté de l’Esprit, opérée à travers la spiritualité de Charles de Foucauld, part de la cachette du Fils de Dieu et de ses trente années de vie cachée à Nazareth qui, aimé après son premier pèlerinage en terre sainte, deviendra le principe architectural sur lequel se construit la vie du Frère Universel et, par la suite, la pierre angulaire sur laquelle bâtir les spiritualités qui feront référence au Bienheureux Charles.
Après la grande nouveauté de Nazareth, pierre angulaire de la spiritualité de Charles de Foucauld, Mandonico resserre le champ sur les deux grands piliers qui soutiennent l’architecture spirituelle foucaldienne : la Parole de Dieu et l’Eucharistie. On connaît l’importance du culte eucharistique qui avait le contexte historique dans lequel s’est inspiré Charles de Foucauld, notamment pour les pratiques de piété, telles que la dévotion au Sacré-Cœur et l’offrande sacrificielle rédemptrice. Ce qui frappe, à côté de cet élément que l’on retrouve aussi dans d’autres figures, c’est l’amour pour la Parole de Dieu et le temps qu’il accorde à la « lectio divina », avec la méthodologie de l’amoureux. Mandonico met soigneusement en évidence la prophétie et la grande nouveauté créatrice dans l’intériorité du moine missionnaire, dans une vie qui s’étonne dans l’Esprit au milieu des halètements contemplatifs et des annonces missionnaires.

Un autre chapitre est consacré au Mystère de la Visitation, critère herméneutique de toutes les relations humaines de Charles. Il parvient à dépasser ses propres préjugés coloniaux, en tant que prêtre, s’imaginant comme un tabernacle vivant qui apporte Jésus aux autres, comme le fait Marie avec sainte Elisabeth, faisant sursauter le petit Jean dans une danse de joie dans le ventre de la présence de C’est justement le Mystère de la Visitation qui se déclinera à Beni-Abbès et à Tamanrasset différemment, selon les circonstances. L’auteur continue d’analyser avec soin des thèmes chers à Charles de Foucauld tels que l’amour dans la contemplation et la fécondité de l’apostolat, la prédication de l’Évangile avec la vie, la paternité universelle de Dieu, le désir de fraternité universelle, l’aspiration au témoignage suprême du martyre et , dans le dernier chapitre, une réflexion eschatologique sur le fait d’aller à la rencontre de l’Époux qui vient.

Le texte se termine par deux annexes très intéressantes ; dans le premier il y a des analogies sur le Pape François et son Magistère sur les traces du Bienheureux Charles de Foucauld tandis que, dans le second, les écrits du Bienheureux Charles lui-même. A la fin du texte se trouve la bibliographie citée dans le texte des ouvrages et correspondances de Charles de Foucauld.

La lecture de ce texte est fortement recommandée car, de manière prudente et opportune, elle aide à comprendre la grandeur et la nouveauté d’une nouvelle manière de vivre et de penser la sainteté aujourd’hui, contemplative en activité, œcuménique et interreligieux dans notre monde globalisé. Le texte est un phrasé qui fait parler la vie et les textes des bienheureux, au sein de la grande symphonie du Magistère, orchestrée par l’Esprit, ayant pour partition l’Évangile et comme scénographie irremplaçable le visage et la vie du Modèle Unique, le Bien-Aimé Seigneur Jésus.

La lecture de ce livre, j’en suis sûr, apportera un grand bénéfice humain et spirituel à tout le monde.

Don Salvatore Sciannamea
Fraternité Sacerdotale
Puglia

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