Mariano Puga: « ce pape a bousculé tout le monde »

 

LA SEGUNDA, SANTIADO DE CHILE, 6 Juin 2014

On ne peut pas penser l’Évangile sans la vision de comment organiser la communauté. Controversé comme toujours, le prêtre parle de l’Église d’aujourd’hui et des transformations auxquels doit faire face le Chili.

por: La Segunda / María José O’Shea C.

Mariano PUGA

Foto ALEJANDRO BALART

PLUS D’INFORMATIONS

C’était en 62 quand Mariano Puga, alors âgé de 32 ans, entra soudainement au confessionnal et demanda au prêtre de lui dire la vérité. Il ne croyait pas que la forte toux qu’il avait, était la tuberculose, comme on le lui avait dit. « Non si ce que tu as est un cancer, alors il ne te reste que 3 mois à vivre », lui a répondu son superviseur.

Les parents de Mariano Puga Concha l’ont emmené aux États-Unis. Là-bas, ils ont appris qu’il n’était pas atteint d’un cancer et qu’il n’était pas près de mourir. Aujourd’hui Mariano a 83 ans et marche par une nuit froide de Santiago en sandales. Sans chaussettes. Il dit que les deux fois ou il en a portées, il a eu beaucoup plus froid.

Il est ainsi. Simple. Conscient à chaque seconde qu’il vient d’un monde de privilégiés et répète mille fois qu’il a le privilège d’être sorti de ce monde avec tout l’appui des privilégiés. Que sa mère a perdu des amies par sa faute, que ses frères, neveux et 104 arrières petits neveux l’aiment et admirent sa vocation d’être parti travailler au service des pauvres.

Le prêtre Puga parle peu. Parce qu’il n’aime pas le mythe qui s’est formé autour de lui. Mais cette fois, quelque chose d’impensable, une pièce de théâtre a fait qu’il souhaite raconter ce qu’il a vu sur la scène. « Je veux montrer mon Église, non seulement qu’on puisse la voir mais aussi qu’on en parle, notamment de ses problèmes et des erreurs de sa hiérarchie. Cette œuvre montre une série de coupures à la réalité politique, économique, à la classe aristocratique d’aujourd’hui, il faut être obtus pour ne pas le voir. De plus, cela m’a fait penser au fonctionnement de l’église d’aujourd’hui, au fait qu’il existe une répression des groupes progressistes et comment aujourd’hui certains doivent encore lutter pour que ces derniers soient considérés.

La pièce en question est « Expulsion des Jésuites », de la compagnie Tryo Teatro, troupe qui se produit dans le théâtre de l’UC. Elle raconte l’histoire de l’expulsion de la Compagnie de Jésus du Chili par la couronne espagnole. L’œuvre se concentre sur ce qu’il s’est passé en Araucanía, mais Puga y a vu aussi ce qu’il est arrivé dans à d’autres endroits, comme Chiloé, où il a passé une dizaine d’années en mission, après avoir été prêtre ouvrier pendant 30 ans, dans la Legua, Villa Francia et dans tous les lieux mouvementé du Chili actuel.

Cette œuvre est très intéressante pour l’Eglise d’aujourd’hui, avec les faits qui sont arrivés dernièrement. Chiloé est une église missionnée par les jésuites, ils se sont chargés de porter le message de Jésus, depuis la fin du XVIe siècle jusqu’à son expulsion en 1767. Ce qui est incroyable c’est de penser qu’en 1621 ils s’étaient déjà installés dans ces lieux si lointains et qu’ils avaient commencé leur tâche d’évangélisation et de culture, avec les onas et huilliches. Le plus merveilleux c’est que la communauté elle-même proposait des noms entre les catéchistes pour être procureurs, et le missionnaire choisissait.

– Quelle démocratie

– Où peut-on voir aujourd’hui que c’est la communauté qui choisit celui qui sera curé?

Ils étaient fantastiques. Les jésuites créaient là-bas des communautés avec les indigènes et ils demandaient au pouvoir espagnol de dialoguer ensemble. La Compagnie avait une vision de l’église et de sa mission, ils voyaient la mauvaise image qu’elle véhiculait sur eux comme étant les conquistadors, les ambitieux, les puissants.

– Cela montre aussi la vocation politique des jésuites.

– On ne peut pas penser l’Évangile sans vision de comment organiser la communauté. La même idée qu’il reste encore est de favoriser la justice, ce que faisait Jésus : il était non seulement le miraculeux, il était un annonceur d’un règne dans lequel riches et pauvres seraient des frères.

– Que reste-il de cette vision dans l’église d’aujourd’hui?

-… Demandez par-là, donc. Et voyez ce qu’il en reste. Plusieurs fois nous avons confondu la hiérarchie de l’Église avec le missionnaire de l’église, celui qui collaborait avec Jésus pour construire cette terre ou il y avait une main ouverte pour le faible afin que le riche puisse partager. C’est celui-ci le projet du règne et il a de très claires projections politiques, économiques et sociales. Le problème apparaît quand l’élément religieux – qui est la partie humaine, organisationnelle, culturelle, morale – suffoque au message évangélique de Jésus. Mais cela vient de son origine. Ce qui a tué Jésus c’est le pouvoir politique.

– Mais aujourd’hui une partie de l’Église a cédé au pouvoir de l’autorité…

– Mais oui cela vient de Constantin, en l’année 313. C’est à ce moment-là que l’église a attrapé le goût pour le pouvoir, les privilèges. Cela a été, et va l’être jusqu’à ce que le Christ revienne.

– j’imagine qu’il est heureux avec le Pape Francisco.

– le Pape a cassé tous les schémas. Un Pape qui pour son anniversaire a invité trois mendiants à prendre un petit déjeuner avec lui dans la pension où il vit – parce qu’il n’a pas voulu partir manger dans un palais ni se mettre des chaussures spéciales – il est pour moi un saint.

– Il a montré une ouverture aux personnes gays par exemple, et certaines personnes s’en fâchent …

– il a bousculé tout le monde. L’Église dit affirmer la vérité, comme un juge. Et ce que le Pape répond  « qui suis-je pour juger ». De même pour le célibat.

– Et seriez-vous d’accord si un prêtre avait une famille?

– totalement d’accord. Mais qu’on me donne aussi la liberté à moi de ne pas en avoir et de me dédier à 100 % aux pauvres.

– Beau comme vous êtes, le célibat a dû vous coûter.

– Réellement beaucoup. Et quand on m’a envoyé étudier la liturgie à Paris, et que personne ne me connaissait, encore plus. Ce Pape met l’accent sur le vrai message de Jésus, et c’est cela qui est important. Ce qui se passe c’est que l’Église a toujours été comme ça, depuis son origine. Regarde par exemple l’autre jour un ami qui est communiste, me demande : “ tu vas continuer dans cette église de “mauviette” qui a abusé de petits garçons ? ». Je lui ai répondu : « mais si l’église fait partie des traîtres depuis son origine : je n’ai pas trouvé lâche Pierre quand il renié Jésus, ou à Judas quand il l’a vendu pour 20 sous ? ». « Ah, la tu m’as eu », il m’a dit. Nous devons nous rendre compte que c’est Jésus-Christ qui a créé l’église, et que nous sommes, toi, moi, un saint comme le Pape et un traitre comme Karadima que nous sommes au fond de nous.

– Je reviens à la pièce de théâtre. Il est impossible de ne pas associer le cas de l’ex-jésuite Luis García-Huidobro que l’on vient d’arrêter avec une arme en Araucanía.

– je ne connais pas l’histoire de cet homme, mais je confesse que j’ai un sentiment de sympathie. Un jésuite qui a été en Tirúa, qui partage la vie du peuple Mapuche, qui l’apprécient et il lutte avec eux pour la récupération de leur identité, de leur culture, c’est dans ce combat qu’il est. Qu’est-ce que tu veux que je te dise, je suis avec lui.

– Il reste combatif, Mariano Puga.

– avec tous les risques qu’il peut y avoir, que je fasse une mauvaise analyse à cause de mon préjugé évangélique. Si Jésus dit qu’il vient consoler les pauvres. Cela ne signifie pas qu’il était contre les riches mais qu’il privilégie les pauvres qui sont les victimes de l’histoire.

– même s’il était armé.

– cela ne m’importe pas,

– Vous aussi vous étiez armé?

– non, jamais. Et je me battais contre ceux qui étaient armés. L’église reconnaît qu’il est légitime d’utiliser des armes lorsqu’il n’y a pas d’autre solution.

L’avortement dans certains cas : « Il faut laisser la mère décider »

puga2– Les réformes sur l’éducation et  fiscale: comment les voyez-vous?
– j’applaudis, mais je crois que ce sont les premiers pas seulement.

Nous avons vécu depuis la colonie dans un Chili de classes. Et l’Église, au lieu d’être celle qui détruirait le concept de classes, elle l’a renforcé : des collèges réservé aux pauvres, pour indigènes, et d’autres pour la classe élevé. Cela a été une tension historique de toute la vie, parce que Jésus est venu pour nous dire que nous devions être tous frères.

– L’autre projet qui s’est posé est celui de l’avortement.

– C’est un problème qui revient au final à la science médicale qui doit définir quand il y a une personne ou non. Aujourd’hui que ce soit chez les personnes croyantes ou non il y a des positions divergentes. Il y a trois cas de figure qui peuvent arriver, celui par exemple ou la vie de la mère est en jeu, l’Église est déjà claire sur ce point-là. Lorsque c’est un cas de viol, il est normal de le donner en adoption, mais je crois que quand une fille est incapable de supporter psychologiquement cette situation, il vaudrait mieux appliquer la même solution que lorsque le risque de santé pour la mère est en jeu. Pourquoi la santé biologique et non la santé mentale?

Et dans le cas non viabilité du fœtus, avec le progrès de la science d’aujourd’hui, qui est possible de savoir si cette personne va vivre ou non, il faut en parler. Et, dans l’ultime cas: qui va décider ? La maman évidement. Il faut la laisser prendre la décision dans des cas comme celui-ci.

Je connais beaucoup de cas de mère qui vont voulu aller jusqu’au terme de leur grossesse, et c’est très respectable. Pourquoi vais-je punir les autres?

Maintenant ce qui me semble hypocrite et c’est sur ce point la que nous n’avons pas encore avancé, ce sont les 40 mille cas qui vont dans des cliniques clandestines ou avec des accoucheuses. Cela m’interpelle souvent de voir comment ces situations les ont marquées pour la vie.

– Avortement pour tous, donc?

– Non, ce que je dis c’est que j’espère que pour ces femmes, l’État leur donne la possibilité d’être accompagnées, conseillées, et qu’on leur donne l’opportunité de ne pas aller en premier à la clinique clandestine pour se faire avorter. Ce serait un beau changement à voir au Chili. Et, l’autre point qui me gêne, c’est que les secteurs qui s’opposent le plus à l’avortement sous toutes ses formes sont ceux qui se préoccupent le moins de quand naîtra le bébé et de son avenir si il est pauvre. En revanche ceux qui sont en faveur de l’avortement sont ceux qui se préoccupent le plus des droits de ce futur ouvrier ou ouvrière.

Il ne me semble pas normal d’être si préoccupé pour la vie de cette petite personne, et après être si désintéressé de son accueil dans la vie. Pourquoi être tant préoccupé pour qu’il naisse, et de ne pas s’intéresser a comment va grandir cette sœur ou ce frère, comme dit Jésus, avec les mêmes droits que moi.

 

Le tournant des fraternités sacerdotales Iesus Caritas

Plusieurs aspects de notre ministère à prendre en compte:

Au plan des mutations de notre société

  • Les mutations rapides de notre société en crise (crise de l’espérance sans
    précédent)
  • Le développement rampant de la mondialisation et le caractère de plus en plus multiculturel et pluri-religieux de nos sociétés. Les gens disent «On n’est plus chez nous!» tentations des politiques d’exploiter ce sentiment d’insécurité à des fins démagogiques (perversion du politique)
  • La question récurrente des migrations (cf. Lampedusa) cf. texte du Pape François : la hon te de l’Europe
  • Les risques de communautarisme qui affectent toutes les couches des sociétés européennes (tentations récurrentes de se replier sur des communautés homogènes dans la méfiance a priori à l’égard de l’autre)
  • Cette tentation peut aussi habiter nos communautés catholiques
  • La peur grandissante de l’islam

C’est à partir de ce contexte sommaire que nous avons à relever ensemble les défis
que j’ai évoqués dans la présentation du rapport de la France à l’Assemblée de Poissy.

Nous, comme prêtres d’une certaine génération, avons sûrement dans ce contexte de mutations très rapides qui affectent notre société et de transformations du visage de notre Eglise des conversions à vivre au plan de notre ministère qui ont leur part de joie mais aussi de souffrance.

JeanFrancoiseBERJONNEAUL’itinéraire spirituel de Charles de Foucauld, tout en datant de 100 ans, dans un contexte social, politique et ecclésial très différent peut-il nous aider à vivre ces conversions?

Jean François BERJONNEAU, frère assistant général

Lire le document complet dans le lien suivant:

Le tournant des fraternités sacerdotales Jesus caritas (PDF)

Mois de Nazareth 2014 Panafricain

LETTRE DE KRIBI

Nous sommes 24 frères venus de 5 pays, dont Jean-François BERJONNEAU, Assistant général de l’Equipe internationale, rassemblés pour le « MOIS DE NAZARETH » au Centre diocésain Saint Joseph de Kribi au Cameroun du 6  juillet au 3 août 2014.

Organisé et réalisé par la « Fraternité » du Cameroun, sur les traces de Simon MPEKE dit « Baba Simon », frère initiateur et fondateur des fraternités Jésus Caritas en Afrique, ce mois regroupe des représentants des « Fraternités » du Burkina-Faso, du Cameroun, de la Centrafrique, de Madagascar et du Tchad. Algérie, Congo (RDC), Maroc et Rwanda n’ont pas répondu à l’appel.

Nous avons pu vivre ce temps de fraternité  grâce à l’appui des « Frères » des États-Unis, d’Italie, de France, d’Autriche et des membres des fraternités séculières de France sans oublier les amis et parents de chacun qui ont mis la main à la poche pour nous aider. Qu’ils en soient vivement remerciés!

Nous voudrions ici, partager avec vous, frères et sœurs, nos convictions, les défis de notre Eglise dans la société, et notre espérance.

CONTEXTE

Nous nous sommes retrouvés pour prier et partager ensemble nos joies, nos peines, et celles de notre peuple, au cœur d’un monde marqué par le pluralisme religieux et la poussée islamiste où dialogue et annonce s’imposent comme nécessité. Nous pensons particulièrement à la situation qui prévaut au Nigéria, au Nord-Cameroun et en Centrafrique. Nous avons une pensée spéciale pour  Gianantonio Allegri, de la fraternité de Maroua, pris en otage par les Boko Haram une semaine après son inscription à ce mois de Nazareth.

ACTIVITES

Pendant quatre semaines, nous avons vécu des temps forts de communion fraternelle dans le respect de la différence et de la liberté individuelle. Dans la « relecture de nos vies », nous avons été édifiés par les particularités de chacun. La retraite nous a permis de revisiter, d’évaluer et de faire le point de notre vie de prêtres diocésains au service de l’Eglise et de nos frères et sœurs. La découverte et  l’approfondissement de la personne et de la spiritualité du Bienheureux Charles de Foucauld ont renforcé notre conviction en la « fraternité universelle » à la suite de ce Frère qui a « imité son Maitre jusqu’à la mort ». La « relecture du mois » a été un temps d’actions de grâces pour tous.

«A cause de Jésus et de l’Evangile…». C’est le sens de notre mois de Nazareth où nous nous sommes laissés conduire par les intuitions et les exemples de Charles de Foucauld et de Baba Simon qui, chacun à leur manière, ont rallumé en nous la passion du Christ. La participation à l’Eucharistie quotidienne, l’Adoration du Très Saint Sacrement, la révision de vie en fraternité, et les temps de désert sont pour nous des moyens privilégiés de notre rencontre réelle et personnelle avec notre Bien Aimé et Seigneur Jésus Christ pour découvrir sa volonté.

Les rencontres sont cordiales. Les amitiés et la confiance mutuelle naissent spontanément. La fraternité s’installe sans difficulté. Les partages sont riches, profonds, francs et sincères. Nous avons eu le bonheur de faire un pèlerinage sur la tombe de Baba Simon à Edéa, de visiter le tout nouveau port en eau profonde de Kribi. Nous avons eu la joie d’accueillir Joseph YESSI, responsable de la fraternité séculière africaine et un compagnon. Le Vicaire Général et le Curé de la cathédrale ont souhaité découvrir la réalité de la fraternité et nous avons profité de cette occasion pour faire connaissance avec le diocèse de Kribi que nous remercions pour son accueil et sa générosité.

CONSTATS

A travers ces partages il ressort que le milieu familial a joué et joue un très grand rôle dans nos vies. La famille est irremplaçable dans la vie et le cheminement humain et vocationnel de chacun. Dieu nous donne d’être ce que nous sommes par nos familles. L’attachement à la famille est  donc une source d’enracinement humain et social.

Malheureusement, la famille est depuis quelques temps malmenée par de nombreuses difficultés et a bien du mal à jouer son rôle. Des familles divisées et des familles à « l’essai », des foyers fragiles et instables dans leurs engagements, des couples aux situations matrimoniales irrégulières… sont nos préoccupations de prêtres sortis de là et vivant encore là. La famille est aussi confrontée à de nouveaux défis: mariage homosexuel, pédophilie… Elle interpelle notre foi chrétienne et suscite notre engagement pastoral.

Nos Eglises locales sont en pleine explosion numérique. Les demandes de catéchisme se multiplient avec de nombreux baptisés dans les paroisses. Nos Communautés sont majoritairement jeunes, avec des célébrations dominicales joyeuses. Nous en sommes fiers!

Cependant l’engagement au service de l’Eglise et de la société est timide. Le nombre de baptisés ne cesse de croître mais la situation sociale et politique continue de décroître. L’épineuse question de la prise en charge intégrale de notre Eglise-Famille de Dieu demeure un défi permanent. Nous peinons encore lourdement sur le chemin des initiatives concrètes pour une vraie responsabilité assumée par tous les baptisés. Loin d’être occasion de découragement et de pessimisme, ces situations sont pour nous une bonne source d’énergie et une raison de plus pour mieux nous engager à animer nos communautés dans l’espérance d’un lendemain qui ne s’obtient que par le travail consciencieux.

Le contexte social, économique, politique et religieux de nos pays mérite réflexion, prières et engagement pour la paix dans son ensemble. Les injustices sociales et économiques sont très flagrantes. Le fossé entre les couches ne cesse de s’élargir : dans un même pays, des « extrêmement riches » continuent à s’enrichir sans se soucier des « extrêmement pauvres », laissés-pour-compte, exclus. Pillages, vols, braquages, phénomène de coupeurs de routes etc. sont le lot quotidien des paisibles citoyens. On n’a pas encore le courage de prendre les vraies décisions pour enrayer la pandémie de la corruption en Afrique.

Les milieux politiques, économiques, associatifs et les leaders religieux se bousculent avec acharnement pour des intérêts personnels ou ceux d’un petit groupe mais rarement pour le bien commun et le développement de nos pays et du continent. Dès lors, des intégrismes religieux de tous bords se manifestent, les uns pour le pouvoir et l’imposition de leurs idéologies pseudo-religieuses par la violence, la terreur et à coups de canons, les autres, pour se fabriquer un carcan de sécurité psychologique.

Eglise du Christ, notre mission est là, celle d’annoncer le Royaume de Dieu qui est essentiellement fraternité, amour, paix et joie entre tous les hommes. C’est le chemin que le Christ ouvre par son Sang et que Frère Charles a suivi. Avec lui, nous ne devons pas être des «chiens muets ou des sentinelles endormies!» Toutes nos communautés de croyants sont interpellées.

NOS CONVICTIONS A LA SUITE DE FRERE CHARLES ET BABA SIMON DANS L’IMITATION DE JESUS CHRIST

La foi en Dieu créateur et en son Fils Jésus Christ Sauveur de tous les hommes est un engagement dans la vie et pour la vie : « la foi nous ouvre le chemin et accompagne nos pas dans l’histoire1 ». Le salut de l’humanité s’est accompli à partir d’un petit village de la Galilée, Nazareth, point central du mystère chrétien de l’Incarnation.

En effet, à Nazareth, la Sainte Famille menait une vie silencieuse de travail et de contemplation. Jésus y a grandi dans l’obéissance à la volonté de son Père et de ses parents. Le projet de salut de Dieu est parti de là. La vie de Nazareth est une grande leçon d’amour.

Nazareth a séduit Frère Charles. Toute sa vie a basculé et n’a rythmé qu’à l’unisson de Celui qui a initié cette vie cachée jusqu’à en mourir pour tous.

A Tokombéré dans les montagnes au Nord du Cameroun, Simon MPEKE emboite le pas au « Frère Universel ». « Il a donné toute sa vie pour que la Parole de Dieu retentisse au cœur des traditions locales»2 et que la dignité de l’homme soit restaurée.

Dieu nous appelle tous à vivre dans nos «Nazareth» pour suivre son Fils afin de réaliser avec Lui le salut de l’humanité. Il nous invite comme le frère Charles à imiter son Fils dans la pauvreté, l’humilité, l’abaissement, l’abjection… bref, à choisir « la dernière place » et à rejoindre les « périphéries » de notre monde.

Le salut de Dieu est destiné à tous les hommes. Mais la responsabilité première de l’annonce et de la réalisation incombe à ceux qui suivent son Fils Jésus Christ. Ils doivent accomplir cette mission sans distinction entre les hommes et avec amour. C’est la mission que le Christ a laissée à ses amis avant de repartir vers le Père : «Allez donc ! De toutes les nations, faites des disciples…». Il faut donc un cœur et un esprit universels.

Cette conviction n’est pas un sentiment naïf. Au contraire elle nous place sur toutes les fractures d’humanité que nous rencontrons dans cette réalité de l’Afrique. Elle nous appelle avec force à rejoindre les plus pauvres comme Frère Charles et Baba Simon l’ont fait. Elle nous appelle à lutter contre tout ce qui écrase ou terrorise la population des pauvres et des petits et des gens qui n’ont que la force de leurs bras pour gagner leur vie. Elle nous envoie pour être force de paix et de réconciliation là où se déchaînent la rancune et l’esprit de vengeance. Elle nous pousse contre vents et marées à poser des initiatives de dialogue, de rencontre, d’ouverture avec les musulmans dans la ligne de l’apostolat de la bonté que Frère Charles a exercé quand il était parmi les Touaregs.

Nous mesurons que cette attitude n’est pas de tout repos. Mais le disciple n’est pas au-dessus de son maître : «Celui qui veut sauver sa vie la perdra. Mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera.»

Nous ne pouvons pas séparer Charles de Foucauld de Baba Simon car le souffle du Frère Charles a pris chair dans la culture africaine grâce à Baba Simon comme il continue de s’inventer en d’innombrables témoins sous toutes les latitudes.

PERSPECTIVES D’AVENIR

Dans l’élan de ce mois de Nazareth et constitué en assemblée continentale, nous envisageons:

    • De travailler à l’expansion des fraternités sacerdotales et séculières sur le continent et à Madagascar.
    • De développer la communication entre nos fraternités et avec le bureau international.
    • De participer financièrement  à la caisse internationale selon un taux qui sera fixé par le bureau international.
    • De célébrer le quarantième anniversaire de la mort de Baba Simon, sous la forme d’un pèlerinage à Tokomberé en août 2015.
    • De célébrer le 1er décembre 2016, le centenaire de la mort de Frère Charles à Tamanrasset, dans chacune de nos fraternités.
    • D’envoyer des représentants à l’Assemblée Internationale de 2018.
    • D’organiser un nouveau mois de Nazareth en juillet 2019 au Burkina Faso.

Au terme de cette riche expérience, nous implorons Jésus de Nazareth, notre frère, de nous combler ainsi que nos familles, nos communautés chrétiennes, nos dirigeants et nos responsables hiérarchiques d’abondantes grâces pour que la fraternité universelle tant désirée par le Frère Charles devienne réalité en chacune de nos vies.

Conscients de nos limites et convaincus de l’originalité de notre vocation et de notre place dans l’Eglise et dans notre société, nos vœux les plus profonds sont de vivre chaque jour dans l’esprit de Nazareth.

LES FRERES D’AFRIQUE

PDF: Lettre de Kribi – Cameroun Juillet 2014

Lettre aux frères du mois de Nazareth à l’Irlande et bienfaiteurs

Aux frères d’Irlande rassemblés pour le mois de Nazareth et à tous nos bienfaiteurs.

Nous sommes 24 prêtres de la Fraternité Jesus-Caritas rassemblés pour le mois de Nazareth à Kribi au Cameroun.

Nous venons de différents pays d’Afrique : Burkina, Cameroun, Centrafrique, Madagascar, Tchad, France.

C’est pour nous tous un temps très fort de fraternité, de prière et d’échanges sur nos ministères respectifs et sur notre vie selon l’intuition de Nazareth.

Pour vivre ce rassemblement, plusieurs d’entre nous ont fait l’expérience de la difficulté de passer les frontières (Centrafrique, Madagascar…) ce qui a provoqué quelques retards.
Mais maintenant nous sommes tous au complet. Et c’est une grande joie pour nous ! Nous rendons grâce au Seigneur de nous avoir donné de nous rassembler ainsi.

Après une première et riche semaine de relecture de vie, nous avons vécu une belle semaine de retraite prêchée par Mgr Philippe Stevens, évêque émérite de Maroua-Mokolo (Cameroun) et Petit Frère de l’Evangile. Nous entrons actuellement dans la semaine de découverte ou d’approfondissement du Message de Charles de Foucauld animée par Jean-François Berjonneau.

Nous mesurons combien le charisme du Frère Charles comme « frère universel » revêt une grande actualité dans ce contexte de mondialisation et d’incertitudes sur l’avenir pour de nombreux pays.

C’est pourquoi nous éprouvons le désir de venir vous rejoindre, vous qui faites aussi cette expérience du mois de Nazareth en Irlande.

Nous sommes tous unis dans la passion du Frère Charles pour son Bien Aimé Seigneur Jésus-Christ qui nous a appelé à crier l’Evangile par toute notre vie pour que toute personne humaine, en particulier les pauvres et les exclus soient reconnus comme frères et sœurs bien-aimés.

Nous croyons que nous sommes en communion les uns avec les autres dans ce désir commun, qui nous tient ensemble, d’approfondir le message spirituel du Frère Charles.

Et nous remercions de tout cœur tous ceux qui ont contribué par leur soutien fraternel et solidaire à la réalisation de ce mois de Nazareth qui nous comble de joie et nous donne un nouvel élan pour la mission. Merci de continuer à nous porter dans la prière comme nous le faisons pour vous. Selon la belle expression camerounaise : « Nous sommes ensemble ! »

P. Grégoire CADOR
Paroisse St Joseph de Tokombéré, Cameroun

Lettre aux frères du Maghreb, Juillet 2014

AUX FRÈRES DU MAGHREB
FRATERNITÉ SACERDOTALE
IESUS CARITAS

JUILLET 2014, LETTRE D’AURELIO

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Chers frères, après notre rencontre de Rabat, nous avons eu le temps pour approfondir dans le vécu et partagé. Pour moi, la réalité d’Église que vous vivez a été une découverte. Parfois isolés, toujours en minorité, -saint François parle de cette minorité comme être petit, pas comme une donnée statistique- la minorité de partager avec des cultures différents dedans le monde de l’Islam, mais incarnés avec les gens, sans l’intention de ne personne changer, mais de servir. Frère Charles est, sans doute, un bon guide. Comme d’autres frères et soeurs de la famille Charles de FOUCAULD, vous avez le privilège de passer où il a passé.

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Les motivations de chacun, la vie livrée en diverses tâches, bien sûr qu’ils portent à Jésus comme présence silencieuse, le Nazareth d’être là et d’être avec chrétiens et non chrétiens loin de tout intérêt de ne personne convaincre. Votre partage de vie parle de tout cela. Merci bien pour me permettre lire le coeur de chacun!

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Les appels de chaque jour que vous écoutez du muezzin de la mosquée la plus proche, qui font partie du quotidien et arrivent à être cinq fois habituelles par jour, sont aussi l’appel d’un monde profonde et réal, où on n’est pas facile être l’un plus ; toujours notre peau, notre accent ou langue nous marquent comme étrangers. Ça, je pense, c’est au même temps le défis pour partager la vie des autres. J’admire que la majorité de vous sont presque toute sa vie au Maroc, en Algérie ou à Tunis, et je n’ai écouté de personne aucune plainte, ou une expression du rejet du lieu ou d’un regret de l’Europe. Merci pour un témoignage si enrichissant!

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L’option par les derniers passe pour l’accueil de tant d’étudiants du Sahel dans vos paroisses et communautés. C’est aussi confier en ils beaucoup de tâches pastorales et cultiver la valeur de l’amitié avec ces minorités. Amitié qui est présente pendant tant d’ans comme voisins des gens simples qui offrent son hospitalité. Je crois que nous ne devons jamais faire une coutume de l’hospitalité : l’hospitalité doit être un style de vivre, assumé comme le travail, la prière ou le bonheur ; doit être le Nazareth partagé et vécu, même si nous sommes isolés ou loin géographiquement les uns des autres. Vivre la fraternité avec tant de kilomètres et faire l’effort d’arriver ou se trouvent les autres frères, -comme dans d’autres pays où les distances sont énormes- c’est aussi un appel à la fidélité au rencontre fraternel pour beaucoup de nous, ou nous habitons près les uns des autres.

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Je vous souhait un final festive du Ramadan prochainement, et que l’amour de Jésus imprègne vos vies et remplisse de joie aux personnes que vous avez au côté.

Mes embrasses fraternelles.

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magreb_julio_2014_4Aurelio, frère responsable

Perín, Carthagène, Murcia, Espagne, 15 Juillet 2014,
vêpres de la fête de la Vierge du Carmel

PDF:  Lettre-Maghreb-Juillet-2014