Le cardinal Philippe OUÉDRAOGO président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar

Burkina Faso. Le cardinal Philippe OUÉDRAOGO, de notre fraternité, élu président du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et de Madagascar.

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Pour une bonne réception du message de l’assemblée mondiale de Jesus Caritas à Cebu pour nos fraternités locales. Jean-François BERJONNEAU

Quand une assemblée comme celle de Cebu adresse un message aux membres des fraternités répandues dans tous les continents, elle doit se préoccuper de sa réception. Il ne suffit pas que cette lettre reflète l’expérience qu’ont vécue les participants à cette rencontre. Il est opportun de se soucier de la manière dont ce message va rejoindre l’expérience des fraternités et éventuellement va transformer leurs pratiques et orienter leurs réflexions.

Cet article veut éveiller les membres de la fraternité sacerdotale Jesus Caritas sur les nouveautés dont ce texte est porteur pour la vie et la mission de nos fraternités :

1) Lorsque nous nous sommes rassemblés à Cebu, aux Philippines, nous avons fait une belle expérience concrète de la « fraternité universelle » ! Quarante deux prêtres, venus du monde entier, riches de leur expérience pastorale au milieu d’un peuple dont ils partagent la vie se sont réunis autour du thème « Prêtres diocésains missionnaires à la lumière du témoignage du bienheureux Frère Charles de Foucauld » .

Tout au long des échanges et des débats que nous avons eus durant les trois semaines de cette assemblée générale, nous avons senti battre le cœur des communautés et en particulier des pauvres dont chacun de ces frères était solidaire. Ainsi ce n’était pas seulement une rencontre de prêtres animés par le charisme du Frère Charles, mais c’était aussi la convergence de la vie, des joies et des peines, des souffrances et des espérances de ces peuples dont nous faisons tous partie qui était au cœur de notre réflexion et de notre prière. Et nous pouvons dire qu’à travers tous ces échanges d’expériences et de solidarités multiples qui marquaient la vie et le ministère de chaque prêtre nous avons senti de manière concrète ce que c’était que cette unité de la famille humaine pour laquelle le Christ a donné sa vie.

Donc derrière ce message de Cebu qui est venu rejoindre vos fraternités, dites-vous bien que c’est la vie d’une multitude de pauvres de tous les continents qui est engagée.

2) La méthodologie que nous avons adoptée s’est inspirée de la démarche de la « révision de vie » telle que l’Action Catholique nous y invite : Voir Juger Agir. C’est-à-dire que nous avons d’abord pris le temps de porter un regard lucide sur la réalité sociale économique et politique de nos pays et aussi sur la manière dont l’Église dans ces différents pays se situe.

Ensuite nous avons avancé dans des critères de discernement sur cette situation en prenant en compte la Parole de Dieu, les éléments essentiels du message du Frère Charles et l’exhortation à relancer notre démarche missionnaire telle que nous l’adressée le Pape François dans « La joie de l’Évangile ».

Enfin nous avons laissé retentir les appels essentiels à nous engager dans nos fraternités sacerdotales pour que les prêtres diocésains que nous sommes orientent leur ministère dans une perspective résolument missionnaire et renouvelée par le souffle du Pape François.

C’est à cette même révision de vie avec la rigueur qu’une telle démarche exige, que nous sommes appelés à vivre dans chacune de nos rencontres de fraternité.

3) Nous nous sommes rendu compte dans l’exposé des réalités telles qu’elles étaient présentées par les délégués des différents continents et les pays représentés que dans cette société mondialisée, les défis à relever étaient presque partout les mêmes

Défi d’un système libéral et d’une économie de marché qui continue un peu partout de développer les inégalités entre les secteurs les plus riches de la société et des pauvres qui deviennent toujours plus pauvres. Et ce système est générateur d’injustices criantes : Partout des droits fondamentaux de la personne humaine ne sont pas respectés.

Défi de la dégradation écologique de cette « maison commune » que constitue notre planète avec les conséquences toujours plus évidentes du réchauffement climatique et de l’accumulation des gaz à « effet de serre » : montée des eaux des océans, multiplication des cyclones, des tornades, des inondations meurtrières alors que dans d’autres pays, la sécheresse et la désertification s’amplifient. Et ce sont les plus pauvres qui sont les premières victimes de tous ces dérèglements climatiques.

Défi des mouvements migratoires croissants consécutifs à la violence, à la guerre et au manque d’avenir pour de nombreux jeunes des pays pauvres. Aucun pays n’est désormais épargné par ce phénomène qui va en s’amplifiant. Et nous savons que les mouvements migratoires qui vont d’un pays du Sud à un autre pays du Sud sont plus importants que ceux qui s’orientent vers les pays de l’hémisphère Nord. Et en Europe, l’opinion publique assiste aux naufrages de nombreux de migrants venus d’Afrique dans les eaux de la Méditerranée avec un regard marqué par ce que le Pape François appelle la « mondialisation de l’indifférence »

Défi de l’apparition dans des pays de plus en plus nombreux de gouvernements qui exaltent l’orgueil et l’égoïsme national, la méfiance vis-à-vis de l’étranger et le refus de toute solidarité internationale. Ils sont plus prêts à construire des murs entre les nations qu’à établir des ponts. Dans ces conditions le « vivre-ensemble » au sein d’une même société de personnes de cultures ou de religions différentes devient plus difficile !

• Enfin nous avons perçu qu’en de nombreux pays de la planète, la religion musulmane est l’objet d’affrontements internes et que les tendances à la radicalisation et au fondamentalisme se développent. La violence terroriste gagne de nombreux pays. Les peurs se développent dans ce contexte. Et nous avons noté que plus le dialogue avec certains musulmans devient difficile plus il devient urgent.

4) Toutes nos fraternités, dans quelque pays qu’elles soient situées, sont touchées de diverses manières par ces mêmes réalités à dimension mondiale. Et nous avons noté que cette situation internationale donne une actualité saisissante au concept de « fraternité universelle » développé par le Frère Charles. Car en chacun de ces défis, c’est bien la capacité de vivre en frères et sœurs dans la justice et le respect des diversités qui est mis en cause. De plus nous avons perçu avec plus d’acuité la nécessité de rester en communication d’un continent à l’autre, grâce aux facilités nouvelles que nous donnent les médias, pour échanger nos informations, nos réflexions et nos initiatives pour relever ensemble ces défis.

5) Nous avons perçu avec plus d’acuité, combien un certain nombre d’éléments constitutifs de l’itinéraire spirituel du Frère Charles sont opérants pour la situation telle qu’elle se présente dans le monde : option préférentielle pour les plus pauvres, souci de vivre pauvre parmi les pauvres, volonté de témoigner de la fraternité au milieu d’un peuple dont on ne partage ni la foi ni la culture, respect absolu de la liberté de l’autre, ouverture d’un « dialogue de la vie » fait de compréhension de l’autre et marqué par la « bonté », désir d’être présence d’Evangile plus par le vie que par la parole, apprentissage de la culture et de la langue de l’autre, souci du respect de la dignité fondamentale de toute personne humaine (en particulier vis-à-vis de l’esclavage), volonté de considérer toute personne humaine quelle qu’elle soit comme « un frère bien-aimé, un enfant de Dieu, une âme rachetée par le sang de Jésus, une âme bien-aimée de Jésus », désir de participer au développement humain et économique du peuple dont on partage la vie…Tous ces éléments de l’héritage spirituel de Frère Charles doivent éclairer la vie et l’engagement de chaque membre de nos fraternités.

6) Dans le prolongement de cette prise de conscience, nous avons perçu comment le Pape François vient relayer ces intuitions et leur donne une actualité dans son exhortation « La Joie de l’Évangile » ; Et c’est à une dynamique renouvelée de la mission que nos fraternités sont appelées en urgence !Appel à sortir à la rencontre des gens qui vivent « dans les périphéries », à faire avec eux l’expérience de la « mystique  du vivre ensemble » qui consiste à se mélanger, se rencontrer, se prendre dans les bras, se soutenir, participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une expérience de véritable fraternité », à « courir le risque de la rencontre avec le visage de l’autre, avec sa présence physique qui interpelle, avec ses souffrances et ses demandes, avec sa joie contagieuse dans un constant corps à corps » E.G. N°87. Nous retrouvons une consonance avec le message du Frère Charles lorsque le Pape François appelle de ses vœux « une Église pauvre pour les pauvres »…et lorsqu’il ajoute « ils (les pauvres) ont beaucoup à nous enseigner…Il est nécessaire que nous nous laissions évangéliser par eux…et accueillir la véritable sagesse que Dieu veut nous communiquer par eux. »EG N°198

Et comment ne pas entendre un écho de l‘« apostolat de la bonté » cher à Frère Charles lorsque François appelle les disciples missionnaires que nous sommes à « une attention à l’autre … cette attention aimante à l’autre est le début d’une véritable préoccupation pour sa personne à partir de laquelle je désire effectivement son bien. » EG N°199

7) Et c’est à partir de cette exigence missionnaire à sortir à la rencontre de l’autre, à le connaître, à considérer en lui un frère, à marcher avec lui à son rythme, à être auprès de lui « présence d’Évangile » que nous pouvons mesurer l’urgence de prendre au sérieux les appels que le Frère Charles nous lance pour une véritable vie spirituelle en nous proposant les moyens de la prière, de l’adoration, de temps conséquents de désert et de la révision de vie en fraternité.

C’est ce qu’il notait, avec son vocabulaire bien particulier, dans ses résolutions de retraites en 1902, alors qu’il était à Beni Abbès. :

« Désir passionné de sauver les âmes ; faire tout et ordonner tout pour cela ; faire passer le bien des âmes avant tout, faire tous nos efforts pour nous servir parfaitement des sept grands moyens que Jésus nous donne pour convertir et sauver les infidèles ; oblation du Saint Sacrifice, présence au tabernacle du saint Sacrement, bonté, prière, pénitence, bon exemple, sanctification personnelle – « Tel pasteur, tel peuple » – « le bien que fait une âme est en raison directe de son esprit intérieur »… »

Et en écho, le Pape François affirme dans la Joie de l’Évangile :

« Évangélisateurs avec esprit signifie évangélisateurs qui prient et qui travaillent…Il faut toujours cultiver un espace intérieur qui donne sens chrétien à l’engagement et à l’activité missionnaire. Sans des moments privilégiés d’adoration, de rencontre priante avec la Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident facilement de leur sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue et des difficultés et la ferveur s’éteint. » EG N°262

Si, comme nous l’avons constaté durant l’assemblée de Cebu, ces voies spirituelles essentielles que nous propose la Fraternité et qui sont les temps de désert, les temps d’adoration, les temps d’écoute priante de la Parole de Dieu, les rencontres fraternelles autour de la relecture de notre vie à la lumière de l’Évangile ne sont plus pratiquées, c’est toute la dynamique qui consiste à être présences du Christ auprès de nos frères qui s’essouffle et s’affaiblit.

Alors en fraternité, prenons le temps de relire les appels contenus dans le Message de Cebu, faisons les nôtres dans une pratique renouvelée de la mission face aux immenses défis que nous lance l’évolution pleine d’incertitudes de notre monde.

Et ensemble fraternités de l’hémisphère Nord, avec l’expérience de l’âge qui s’avance et fraternités de l’hémisphère Sud, avec l’enthousiasme de l’âge qui s’élance, soyons ces frères universels et ces « disciples missionnaires » dont notre humanité a tant besoin.

Jean-François BERJONNEAU
(membre de l’équipe qui a rédigé le message de Cebu)

PDF: Pour une bonne réception… Jean-François BERJONNEAU

Lettre d’Eric

Fête de la Visitation de Marie, 31 may 2019

LETTRE DU RESPONSABLE GÉNÉRAL AUX FRÈRES DU MONDE

« L’avocat, le Saint-Esprit que le Père enverra en mon nom, vous enseignera tout et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jn 14,26).

« Mais le consolateur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit » (Jean 14:26).

Mes chaleureuses salutations de paix à vous, mes chers frères,

En toute humilité, je confesse personnellement pourquoi il m’a fallu si longtemps pour vous écrire cette lettre. Plusieurs fois, je me suis assis devant mon ordinateur sans savoir quoi et comment écrire. C’était comme une femme enceinte sur le point d’accoucher, mais dont le bassin est trop étroit pour le nouveau-né. Je me suis battu avec les mots mais mon plus grand combat était le cœur, avoir l’esprit et la disposition appropriés d’un frère. Beaucoup d’entre vous ne sont pour moi que des noms sans visages et histoires que nous partageons pour qualifier notre fraternité. J’avais besoin de temps pour m’enraciner dans le Père qui m’a invité à quitter le confort de ma patrie et m’envoie comme un frère missionnaire. J’avais besoin des moments de nudité en prière devant Jésus dont l’esprit de Nazareth nous invite, vous et moi, à cette grande aventure de mouvement de descente, en vivant simplement mais avec joie, dans l’ordinaire et dans l’obscurité, trouvant la dernière place, consumé par l’évangile des plus grands comme des plus petits, voyant Jésus dans le pauvre, l’apostolat de la bonté, ne pas régner mais servir, être pauvre en esprit pour l’amour du Royaume. J’avais besoin d’espace pour être ravivé par la spiritualité, la vie et les intuitions de Frère Charles à travers les témoignages de frères et sœurs qui sont profondément ancrés dans la vie et la tradition de la Fraternité. La rencontre avec la famille spirituelle à Haïti en avril dernier, mes visites aux frères en Haïti, en République dominicaine et aux États-Unis et ma retraite dans un monastère de trappistes en Géorgie ont été d’une aide immense. (Ce sera l’objet de ma prochaine lettre). Jésus aussi avait besoin de cet espace dans mon cœur pour ma conversion, car même si je suis dans la fraternité depuis 30 ans et ai déjà vécu trois mois à Nazareth, il me reste encore des comportements malsains et immatures qui pourraient faire obstacle à ce ministère. Étant moi-même un projet inachevé, j’ai besoin de vos honnêtes commentaires et de vos conseils fraternels. S’il vous plaît, dites-les-moi et je les recevrai joyeusement comme un cadeau pour ma formation continue.

Comme vous le savez, avant que je sois élu responsable général, mon monde tournait autour de ma petite fraternité dans un petit village, sans télévision ni Internet, comme aumônier d’un petit monastère carmélite et directeur des études d’un petit collège séminaire, venant d’un petit diocèse aux Philippines. Mon univers était alors très petit, ma façon de vivre très rurale et l’idée d’écrire aux frères du monde entier est pour le moins écrasante. Je remercie l’Avocat de m’avoir permis d’écrire. Je prie pour que ces mêmes paroles ne l’empêchent pas de nous enseigner tout ce que Jésus veut nous faire connaître. Je vous remercie pour votre généreuse patience. Je suis très désolé pour ceux qui se sentent orphelins à cause de mon long silence. Dans mon silence, j’ai murmuré vos noms dans ma prière (grâce au répertoire), un jour à la fois.

Un autre regard sur l’Assemblée de Cebu et au-delà

Notre Assemblée de Cebu en janvier dernier fut en effet «une précieuse manifestation de l’Esprit de Pentecôte». Ma joie fraternelle et ma sincère gratitude à vous tous qui avez prié pour nous pendant que nous étions en Assemblée. À nos responsables continentaux et nationaux avec nos anciens responsables généraux, Mariano et Abraham, qui ont voyagé jusqu’à l’autre côté du monde simplement pour faire partie de l’assemblée, merci beaucoup. À l’équipe précédente – Aurelio, Jean François, Emmanuel, Mark et Mauricio – pour votre excellent travail de planification et votre labeur ardu avant et pendant l’assemblée, merci beaucoup. Nous ne pouvons que construire sur ce que vous avez généreusement réalisé. Merci en particulier à Aurelio pour l’héritage du  projet du site Web iesuscaritas.org et à Jose Alberto Hernandis qui est très disposé à gérer notre site Web. Ma joie et ma gratitude aux membres de mon équipe, avec Tony Llanes comme mon co-responsable général, qui sont très disposés à servir. Puisque nous sommes au service de la fraternité internationale, je vous prie de bien vouloir nous écrire vos préoccupations, vos nouvelles, vos invitations, vos réactions, vos récits. Je les ai personnellement choisis pour représenter les quatre continents de manière à faciliter l’accès aux nouvelles et aux informations. Voici nos coordonnées:

Eric Lozada, ericlozada@yahoo.com  – 63 9167939585;
Tony Llanes, stonyllanes@yahoo.com  – 63 9183908488;
Fernando Tapia, ftapia@iglesia.cl  – 56 988880397
Honoré Savadogo, sawono2002@yahoo.com  – 226 70717642
Matthias Keil, Matthias.keil@graz-seckau.at  – 43 67687426115.

Tout comme vous nous faites confiance, pouvons-nous aussi vous faire confiance pour nous aider à cet effet? Plus qu’une dynamique descendante, nous souhaitons davantage de dialogue, de transparence, de réciprocité, de retour d’information à nos différents niveaux de communication. Pour commencer, nous nous réunirons du 11 au 18 octobre en Corée du Sud et nous apprécierions tout de votre part que vous voudriez peut-être que nous prenions en compte et répondions : personnel, local, national, régional – Vous pouvez les transmettre à moi ou à votre représentant continental de l’équipe.

Frères, la lettre de Cebu n’est pas un document fini. C’est un travail en cours. Permettez-moi de vous inviter (et soyons unis pour cela) à en faire un sujet de relecture et de discussion personnelles et fraternelles. À Cebu, nous nous sommes engagés à être des prêtres diocésains missionnaires inspirés par le témoignage de Frère Charles. Nous avons contemplé les réalités de notre société, de notre Église et de nos fraternités à partir des différents continents et pays. Nous avons écouté l’appel de l’Esprit à devenir une Église dans les périphéries (grâce au leadership prophétique du Pape François). Et partant des appels que nous avons entendus, nous sommes fermement résolus à prendre des mesures concrètes et stratégiques pour le développement de notre société, de notre Église et de nos fraternités.

Dans votre relecture et votre discussion, je voudrais vous inviter à traiter le document comme un ami dont les paroles sont remplies de l’Esprit, transformatrices et prophétiques. La réalité de la violence, du terrorisme, de l’injustice, des trafics, d’une grave crise écologique, des migrations, d’une mondialisation de l’indifférence, du fondamentalisme, de la laïcisation (la liste est trop longue) est très complexe. Mais, presque immédiatement, nous avons tendance à observer cette réalité de l’extérieur. Cette attitude n’est pas très bénéfique. Nous devons être plus impliqués. Demandant à l’Esprit de nous donner du courage et de l’humilité, nous jetons un regard profond et aimant sur nos structures internes / sous-cultures – valeurs, mentalité, mode de vie, préjugés, attitudes, préférences, désirs – en tant que prêtres diocésains. Nous nommons les nombreuses manières subtiles par lesquelles nous avons pris part au problème. Nous partageons nos réalisations avec des frères de notre fraternité qui pourraient nous aider dans notre croissance. Peut-être que le plus beau cadeau que nous puissions offrir à notre monde d’aujourd’hui est de reconnaître que nous avons participé au problème. Espérons qu’avec des cœurs contrits et transformés, nous prendrons partie à la solution.

L’Esprit nous appelle à être une Église dans les périphéries. Demandons à l’Esprit le don du courage et de la confiance pour explorer ensemble les périphéries de notre âme – les parties de nous-mêmes rejetées, laides, méprisées, profondément enfouies, cachées, que nous devons exprimer, posséder, accepter, embrasser pour en guérir. Ici, nous avons besoin de l’intimité de notre fraternité pour pouvoir partager nos blessures les plus profondes sans être jugés. Au besoin, nous pouvons consulter un professionnel pour notre croissance continue et notre guérison. Ensuite, la prochaine fois que l’on va aux périphéries, on est différent. Nous sommes plus intérieurement des missionnaires libres et heureux. Ce qui est triste, c’est quand nous y allons avec nos blessures non soignées et ce qui n’est pas vrai de nous-mêmes. Nous sommes aveuges, nécessiteux, pleins de nous-mêmes et nous ne le savons même pas. Nous oublions l’agenda de Jésus et du Royaume. Comment un veugle peut-il conduire un autre aveugle? Je suis convaincu que le meilleur cadeau de mission que nous pouvons offrir au peuple de Dieu, particulièrement aux pauvres, est notre attention à notre tranformation permanente comme disicples missionnaires de Jésus.

Frères, à Cebu, nous avons vu comment tous nous luttons avec la journée de désert et la révision de vie. Nous devons considérer ce fait non pas comme une conclusion, mais comme un point de départ. La conclusion est assez évidente et nous devons être honnêtes à ce sujet. Cela signifie une qualité médiocre de nos réunions, de nos relations, de nos ministères et même de notre prière. C’est notre pauvreté et notre manque d’attention à l’essentiel. C’est aussi notre chemin vers la libération et l’intégrité si nous le voulons. Nous avons besoin d’une ferme détermination à nous engager dans un temps régulier et qualitatif de solitude dans le désert, où le divin thérapeute pourrait nous transformer et nous guérir. Notre révision de vie n’est pas un simple compte-rendu de nos vies et de nos ministères, aussi honnêtes que nous soyons. C’est plutôt un lieu de rencontre avec l’Esprit qui nous permet de voir nos vies comme Dieu nous voit. Notre partage fraternel est un véritable lieu de rencontre cœur à cœur. À travers la régularité de telles rencontres, nous grandissons ensemble comme frères-âmes – plus confiants, honnêtes, intimes, véridiques, moins critiques, prétentieux et défensifs, plus attentionnés et plus attachés à la croissance continue des uns des autres comme disciples bien-aimés de Jésus à Nazareth, inspirés par Frère Charles. Ce témoignage de fraternité est pour moi une bonne campagne vocationnelle.

Viens, Esprit Saint, viens

Permettez-moi de parler un peu de la prochaine fête de Pentecôte. Les Actes des Apôtres racontent : « Le jour de la Pentecôte, ils étaient tous ensemble dans le même lieu. Tout à coup il vint du ciel un bruit comme celui d’un vent impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Des langues, semblables à des langues de feu, leur apparurent, séparées les unes des autres, et se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit, et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer » (Ac 2, 1-4).

Avec tout le respect que je dois à nos experts en Bible, en particulier Emmanuel Asi, je vous invite à méditer ce texte avec moi. Il semble que le lieu de prédilection du Saint-Esprit est le moment où les personnes se rencontrent intentionnellement en communauté d’amis, de frères (y compris des sœurs) de croyants du Christ ressuscité. Au fond et à la différence d’une foule, une communauté, est la ferme résolution de chacun de ses membres à travailler sans cesse pour ce qui unit plutôt que ce qui divise, conscients que tout est don et qu’il n’y a qu’un seul donateur. Bien que nous luttions avec les différences (et tenez-vous bien, c’est toujours difficile), nous continuons de marcher et de tomber dans la Source qui nous unit. Chaque fois que nous prions: «Viens, Esprit Saint et renouvèle la face de la terre », nous prions ce que Jésus, le grand prêtre, a rêvé pour le monde : « Père, que tous soient un, comme toi et moi nous sommes un » (Jn 17, 21). Le Saint-Esprit qui donne la vie (comme nous le professons dans le Credo), anime infiniment, rend capable, transforme et rassemble toute la création pour en faire une image vivante de l’unité dans la Trinité tout comme au commencement. La terre entière, pas seulement le monde humain, comme l’appelle affectueusement le pape François, devient notre maison commune où la vie sous toutes ses formes est vénérée comme un don et une chose sacrée. Quand Paul enseigne à la communauté de Philippes de  « tout mettre sous le Chris t» (2, 10), le Christ est le point de référence universel pour toutes choses et pas seulement pour les chrétiens. Être des hommes et des femmes de l’Esprit, c’est donc travailler toujours pour ce qui inclut plutôt que ce qui exclut, pour le dialogue, pour la fraternité universelle avec tout ce qui existe.

Le nom que Jésus donne à l’Esprit est l’Avocat. Jésus a promis l’avocat qui nous enseignera tout ce que nous devons savoir. En termes juridiques, l’avocat signifie un défenseur. L’Esprit est notre défense contre l’esprit du Malin opérant dans notre monde d’aujourd’hui, que ce soit dans les structures politiques et économiques, dans les relations interpersonnelles, familiales ou communautaires, même dans les sous-cultures à l’intérieur de  l’Église et de la religion. C’est très rusé et trompeur, toujours déguisé en bien et même en licence pour faire le mal au nom de Dieu. Le texte nous dit que la venue de l’Esprit Invisible prend la forme visible de langues de feu reposant sur la tête de chacun des apôtres rassemblés. Nous prions pour que ce feu repose sur chacun de nous « pour transformer nos cœurs de pierre en cœurs de chair » et nous rendre davantage capables de discerner très bien où se trouve le mal par rapport au bien. Puisse le feu de la Vérité raviver nos cœurs avec une passion pour Jésus et le Royaume. L’autre image visible de l’Esprit Saint est un vent fort qui remplit toute la place des personnes rassemblées. Nous prions pour que ce vent fort renverse et transforme les cœurs et les institutions endurcis par l’indifférence, la violence, la haine, le ressentiment, l’exclusion qui ne fait que diviser la création de Dieu. Que l’Esprit qui est un vent fort élargisse les espaces de chaque cœur humain pour inclure les pauvres, les marginalisés et les étrangers dans la famille des enfants bien-aimés de Dieu. Puissent nos fraternités être des écoles de l’Esprit pour qu’inspirés par le frère Charles, nous devenions des disciples passionnés mais doux de Jésus à Nazareth dans notre monde fragmenté et violent.

Frère Charles, le Frère Universel

Enfin, une note sur Frère Charles. Au début de cette année, la petite sœur Kathleen de Jésus a publié un livre du même titre. Il contient les thèmes principaux et j’aime la façon dont il est écrit. Merci beaucoup, Kathleen. Comme vous le savez déjà, le Frère Charles – sa vie, son message, ses intuitions – devrait occuper une place importante dans notre formation permanente de prêtres diocésains. C’est ce qui nous caractérise. Plus nous le connaissons, plus nous connaissons Jésus, son Bien-aimé. Frère Charles n’est pas seulement une icône à vénérer. Il est un appel vivant, une personne tangible dans notre profond désir de suivre Jésus.

À propos de l’appel à être frère universel, le petit frère Antoine Chatelard soulignait : «Il s’agit avant tout d’être un frère, avant de penser à être universel ». Comme le dit sœur Kathleen, dans la vie de frère Charles, l’intuition d’être un frère universel s’est d’abord manifesté en octobre 1901 lorsque le frère Charles s’est installé à Béni Abbes. Grâce à la générosité de sa cousine Marie, il a pu acheter un lopin de terre stratégiquement situé à mi-chemin entre les villages fortifiés et la garnison française. Il construisit, avec l’aide de l’armée française, un petit monastère entouré de lignes de grosses pierres. Et c’est la clé. « Lui-même irait rarement au-delà, mais n’importe qui pouvait entrer. Il souhaitait être un frère universel dans un contexte de conflit impliquant de nombreuses parties adverses » (P.16).

Ce fut un moment de clairvoyance! L’appel à être frère universel est avant tout l’appel à être un frère. Chez Frère Charles, être frère, c’est se situer entre les deux (pas noir ou blanc mais gris) au milieu (pas la même chose que d’être au centre) de nombreuses parties adverses. Un frère est immergé, enraciné, au beau milieu de la réalité avec tous ses paradoxes, ses tensions et ses points de croisement complexes et il ne quitte jamais sa position. S’il s’en va et s’éloigne du milieu, il devient particulier. Quand il embrasse l’un, il exclut l’autre. Il n’est pas un gardien de clôture qui n’a pas de position concrète sur des questions sociales, politiques, économiques, culturelles ou même ecclésiales. Au contraire, il est enraciné sur ce qui se passe et il se tient au milieu de tout. Lorsqu’il opte pour les pauvres et les marginalisés, il inclut les riches. Justement, ce n’est qu’en étant au milieu des choses qu’il peut embrasser toutes choses en tant que frère universel. Et c’est seulement à ce moment que, grâce à cette croissante clairvoyance, frère Charles a commencé à appeler sa maison non pas un ermitage (vivre selon une règle de vie monastique cloîtrée), mais une fraternité où toute personne pouvait venir et était bien reçu. Au plafond de sa fraternité il a peint l’image du Sacré-Cœur de Jésus dont les bras sont largement ouverts à quiconque y vient. Son ardente proximité avec le Cœur Sacré de Jésus le conduit à imiter Jésus Caritas, le Frère Universel par excellence dont il n’est qu’un humble témoin qui montre Jésus.

Frères, merci beaucoup pour avoir lu ma longue lettre avec une patience généreuse. Je continue de vous garder, vos fraternités et vos diocèses dans ma prière, un pays à la fois. S’il vous plaît priez pour moi aussi votre petit frère serviteur.

Avec mon étreinte fraternelle en Jésus Caritas,

Eric Lozada

 

 

PDF: Lettre d’Eric, mai 2019, français

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