Michel LAFON. Témoignage de Jean-Louis LAFON nebot

Michel LAFON : TÉMOIGNAGE de son nebot

Je me souviens de Michel, frère de mon père, de 18 mois son aîné.

Mon père me disait les spectacles, saynètes, journaux conçus par Michel pour les veillées familiales d’avant-guerre.

Mon père soulignait la longue et précoce correspondance épistolaire avec Albert Péyriguère.

Je me souviens d’avoir rencontré un grand bonhomme, djellaba blanche, barbe longue et grise, voix douce, yeux bleus et vifs, Michel à ses côtés : c’était vers 1958, Michel allait partir définitivement pour le Maroc.

Je me souviens de notre voyage, jeunes mariés, vers El Kbab, l’ermitage d’Albert Péyriguère – la plus belle pièce était l’oratoire – la pièce modeste où vivait Michel, la table envahie de piles de courrier du monde entier. Au cours du séjour, Michel nous initia à la vie des berbères, la vie dans les montagnes, la place des femmes, l’art de manger au même plat de tajine, la religion musulmane. Je me souviens de l’Aït el Kébir, l’imam reproduisant le sacrifice d’Abraham, l’agneau sanglant à ses pieds.

Je me souviens des frayeurs de mon père à gérer le compte chèque postal pour lequel Michel lui avait délégué les pouvoirs : les dons arrivant par épisodes n’excédaient pas toujours les frais pour les études supérieures de « ses fils, ses filles » d’El Kbab ou lorsque Michel décidait d’envoyer un jeune berbère à l’Hôpital Américain de Berck-Plage sans qu’il n’y eût de franc vaillant sur le compte.

Je me souviens que Michel a résidé à El Kbab pendant le règne entier d’Hassan II : Mohammed VI montant sur le trône, Michel regagna Bordeaux.

Je me souviens d’avoir rencontré en des lieux aussi divers qu’un oasis algérien, un port de la presqu’île de Rhuys en Morbihan, une forêt vosgienne, des personnes qui visitèrent l’ermite Michel et conservaient une relation avec lui.

Je me souviens de Michel passionné de la généalogie familiale et surtout de sa « bonne ville » de Bordeaux.

Je me souviens d’un homme peu soucieux de son aspect physique, de sa santé, des contingences matérielles.

Je ne me souviens pas de tous les livres que Michel a écrits.

Je vous invite à parcourir 700 km, à venir à Lille, porte de Gand ? à la Cité de l’Évangile, Module Charles de Foucauld : vous découvrirez une video dans laquelle Michel explique la spiritualité du Saint.

Composé dans le TGV Lille Bordeaux le 9 janvier 2023

PDF : Michel LAFON. Témoignage de Jean-Louis LAFON nebot

UNE  HISTOIRE  DE  CHANDAIL. Michel LAFON. Housa SAOUD

Mes élèves ne tenaient pas en place !Pour beaucoup d’entre eux , c’était la première fois qu’ils  voyaient  la neige tomber ! ils étaient aux fenêtres  et suivaient , tout ébahis,  la chute vertigineuse des flocons . Ces derniers , comme s’ils étaient conscients de l’effet  produit sur  ceux qui les admiraient ,prenaient leur temps ,entamaient   une danse  lente  et  majestueuse,  et  voltigeaient  longuement avant de toucher le sol . Mes collègues m’avaient appris  que de neige , ils n’en avaient pas vu depuis au moins une bonne quinzaine d’années ! D’où l’émerveillement  incontrôlé des élèves dont beaucoup n’étaient  pas nés lors de son dernier passage   ! Certains  parmi  eux  , pas assez chaudement  habillés , commençaient à ressentir à leurs dépens , le changement  brutal de la température !!!!

Je descendis les escaliers avec la ferme intention de me précipiter   chez moi, lorsque  le secrétaire du directeur m’interpella avec de grands gestes : il avait un colis à me remettre !Un gros emballage en papier ,  sous forme  de sac  trônait  sur un de ses  bureaux .  Je reconnus  de suite l’expéditeur grâce à  cette écriture déliée et aérée  du Père Lafon ! On me proposa des ciseaux  et je découvris à l’intérieur un chandail de couleur grenat avec ce mot simple dont je relate l’essentiel « voilà le chandail promis par ma mère , il est arrivé  aujourd’hui même à El Kbab   à mon nom et je te l’expédie de suite . Il est possible que  tu en aies besoin car les températures , ces derniers temps , ont chuté énormément »

Je me débarrassai  de ma djellaba, genre celle de feu Rwicha , ( c’était à la mode à l’époque) et enfilai  mon chandail qui, de l’avis du secrétaire, m’allait très  bien ! Je n’oublierai  jamais le regard hagard de certains collègues , venus voir leur courrier : ils étaient vraisemblablement   frappés par cette coïncidence  magique qui eut lieu  entre l’arrivée d’un chandail  et l’avènement  exceptionnel  de la  neige ! Une coïncidence , que moi-même, sur le coup , je n’avais  pas su  m’expliquer !

Néanmoins , sur le chemin du retour chez moi , ma mémoire me replaça devant la porte d’une petite villa  en France , à Esbly  précisément .  Je me présentai  à la  mère du Père Lafon qui    m’accueillit en ces termes  criés à l’intention de son mari :   « Descends , c’est l’ami de Michel qui est arrivé » .Ils m’attendaient donc  . Moi qui me considérais  sur mes 19 ans , tout au plus , comme le protégé  du Père Lafon , me voilà rehaussé au grade d’un ami  à lui  de la bouche même de sa maman  ! C’était  une bien belle surprise  suivie par  d’autres tout au long de l’après-midi  et de la soirée !

On me montra ma chambre au premier étage  et après m’être installé , on m’invita  pour  un café et des gâteaux  dans la cuisine ! On me prévint que la soirée allait être festive car , outre le Père Lafon , son frère , sa sœur et sa belle sœur  étaient  attendus  et devaient être là pour le dîner !
Après un repas du soir des plus joyeux , la maîtresse de maison  procéda au  dernier essai d’un chandail qu’elle s’apprêtait  à finir pour  le frère du Père Lafon ! Participant  à l’enthousiasme général je donnai aussi mon avis et trouvai que le grenat allait bien avec le reste ! Sur quoi  Mme Lafon  promit de m’en faire un pareil de dimensions plus modestes vu que le frère du Père était bien plus grand et plus gros  que le jeune maigrichon que j’étais ! C’était ainsi que, dans un village du sud , par une coïncidence des plus improbables , quatre  mois plus tard , je reçus , par un jour de neige exceptionnelle  , un  chandail  de couleur grenat qui me replaça, de mémoire , au sein d’une famille tout aussi joyeuse que chaleureuse !

Je ne pus m’empêcher de penser à cette dame qui , en plus de m’accueillir comme un ami d’un de ses fils , s’était donné de la peine  pour me traiter d’égal à égal avec son autre fils ! je m’étais longtemps représenté cette femme qui avait consacré son temps de repos pour   tricoter   , maille à l’endroit , maille  à l’envers , afin  d’honorer une promesse qu’elle avait faite dans l’euphorie des retrouvailles avec sa famille dont elle ne m’avait pas écarté  ! En cette période de deuil commun ,je ne sais , même maintenant , cinquante deux ans après, si je vais parvenir à tricoter de mon côté des mots et des  phrases capables de lui réitérer toute ma reconnaissance en lui adjoignant ma grande tristesse de voir son fils nous avoir fait ses ultimes  adieux  , un mois juste avant la célébration de son 101éme anniversaire ! Combien  « l’ami  de Michel » que je suis , aurait  voulu que ce texte lui fût  lu avant d’être rappelé vers sa dernière demeure auprès de celle qui, un soir du mois d’août ,  autour d’un repas de famille , m’avait placé au rang  d’un de ses fils !

A moins que le hasard  eût  pu se lier  avec des coïncidences  , je ne pouvais  m’expliquer, Madame , comment  ce chandail ,promis  fin août ,  tricoté   par vos soins , à l’aide d’aiguilles,  pendant des mois  ,et ayant  transité exprès  par  votre fils, eut l’idée d’arriver   chez moi le jour même où le ciel était en train de confectionner un « manteau blanc » par flocons interposés à un village qui n’en avait  pas connu depuis plus  d’une quinzaine d’années ! Cela ne s’explique encore aujourd’hui que par l’AMOUR  que vous aviez en vous et dont votre fils avait hérité pour le dispenser autour de lui ! Un  AMOUR  dont  l’histoire du chandail n’en est qu’une infime  illustration  !

QUE  DIEU  VOUS ACCUEILLE  EN  SA SAINTE  MISERICORDE !!
HOUSSA  SAOUD

PDF: Une histoire de chandail. Michel LAFON. Houssa SAOUD