Mois de Nazareth 2014 Panafricain

LETTRE DE KRIBI

Nous sommes 24 frères venus de 5 pays, dont Jean-François BERJONNEAU, Assistant général de l’Equipe internationale, rassemblés pour le « MOIS DE NAZARETH » au Centre diocésain Saint Joseph de Kribi au Cameroun du 6  juillet au 3 août 2014.

Organisé et réalisé par la « Fraternité » du Cameroun, sur les traces de Simon MPEKE dit « Baba Simon », frère initiateur et fondateur des fraternités Jésus Caritas en Afrique, ce mois regroupe des représentants des « Fraternités » du Burkina-Faso, du Cameroun, de la Centrafrique, de Madagascar et du Tchad. Algérie, Congo (RDC), Maroc et Rwanda n’ont pas répondu à l’appel.

Nous avons pu vivre ce temps de fraternité  grâce à l’appui des « Frères » des États-Unis, d’Italie, de France, d’Autriche et des membres des fraternités séculières de France sans oublier les amis et parents de chacun qui ont mis la main à la poche pour nous aider. Qu’ils en soient vivement remerciés!

Nous voudrions ici, partager avec vous, frères et sœurs, nos convictions, les défis de notre Eglise dans la société, et notre espérance.

CONTEXTE

Nous nous sommes retrouvés pour prier et partager ensemble nos joies, nos peines, et celles de notre peuple, au cœur d’un monde marqué par le pluralisme religieux et la poussée islamiste où dialogue et annonce s’imposent comme nécessité. Nous pensons particulièrement à la situation qui prévaut au Nigéria, au Nord-Cameroun et en Centrafrique. Nous avons une pensée spéciale pour  Gianantonio Allegri, de la fraternité de Maroua, pris en otage par les Boko Haram une semaine après son inscription à ce mois de Nazareth.

ACTIVITES

Pendant quatre semaines, nous avons vécu des temps forts de communion fraternelle dans le respect de la différence et de la liberté individuelle. Dans la « relecture de nos vies », nous avons été édifiés par les particularités de chacun. La retraite nous a permis de revisiter, d’évaluer et de faire le point de notre vie de prêtres diocésains au service de l’Eglise et de nos frères et sœurs. La découverte et  l’approfondissement de la personne et de la spiritualité du Bienheureux Charles de Foucauld ont renforcé notre conviction en la « fraternité universelle » à la suite de ce Frère qui a « imité son Maitre jusqu’à la mort ». La « relecture du mois » a été un temps d’actions de grâces pour tous.

«A cause de Jésus et de l’Evangile…». C’est le sens de notre mois de Nazareth où nous nous sommes laissés conduire par les intuitions et les exemples de Charles de Foucauld et de Baba Simon qui, chacun à leur manière, ont rallumé en nous la passion du Christ. La participation à l’Eucharistie quotidienne, l’Adoration du Très Saint Sacrement, la révision de vie en fraternité, et les temps de désert sont pour nous des moyens privilégiés de notre rencontre réelle et personnelle avec notre Bien Aimé et Seigneur Jésus Christ pour découvrir sa volonté.

Les rencontres sont cordiales. Les amitiés et la confiance mutuelle naissent spontanément. La fraternité s’installe sans difficulté. Les partages sont riches, profonds, francs et sincères. Nous avons eu le bonheur de faire un pèlerinage sur la tombe de Baba Simon à Edéa, de visiter le tout nouveau port en eau profonde de Kribi. Nous avons eu la joie d’accueillir Joseph YESSI, responsable de la fraternité séculière africaine et un compagnon. Le Vicaire Général et le Curé de la cathédrale ont souhaité découvrir la réalité de la fraternité et nous avons profité de cette occasion pour faire connaissance avec le diocèse de Kribi que nous remercions pour son accueil et sa générosité.

CONSTATS

A travers ces partages il ressort que le milieu familial a joué et joue un très grand rôle dans nos vies. La famille est irremplaçable dans la vie et le cheminement humain et vocationnel de chacun. Dieu nous donne d’être ce que nous sommes par nos familles. L’attachement à la famille est  donc une source d’enracinement humain et social.

Malheureusement, la famille est depuis quelques temps malmenée par de nombreuses difficultés et a bien du mal à jouer son rôle. Des familles divisées et des familles à « l’essai », des foyers fragiles et instables dans leurs engagements, des couples aux situations matrimoniales irrégulières… sont nos préoccupations de prêtres sortis de là et vivant encore là. La famille est aussi confrontée à de nouveaux défis: mariage homosexuel, pédophilie… Elle interpelle notre foi chrétienne et suscite notre engagement pastoral.

Nos Eglises locales sont en pleine explosion numérique. Les demandes de catéchisme se multiplient avec de nombreux baptisés dans les paroisses. Nos Communautés sont majoritairement jeunes, avec des célébrations dominicales joyeuses. Nous en sommes fiers!

Cependant l’engagement au service de l’Eglise et de la société est timide. Le nombre de baptisés ne cesse de croître mais la situation sociale et politique continue de décroître. L’épineuse question de la prise en charge intégrale de notre Eglise-Famille de Dieu demeure un défi permanent. Nous peinons encore lourdement sur le chemin des initiatives concrètes pour une vraie responsabilité assumée par tous les baptisés. Loin d’être occasion de découragement et de pessimisme, ces situations sont pour nous une bonne source d’énergie et une raison de plus pour mieux nous engager à animer nos communautés dans l’espérance d’un lendemain qui ne s’obtient que par le travail consciencieux.

Le contexte social, économique, politique et religieux de nos pays mérite réflexion, prières et engagement pour la paix dans son ensemble. Les injustices sociales et économiques sont très flagrantes. Le fossé entre les couches ne cesse de s’élargir : dans un même pays, des « extrêmement riches » continuent à s’enrichir sans se soucier des « extrêmement pauvres », laissés-pour-compte, exclus. Pillages, vols, braquages, phénomène de coupeurs de routes etc. sont le lot quotidien des paisibles citoyens. On n’a pas encore le courage de prendre les vraies décisions pour enrayer la pandémie de la corruption en Afrique.

Les milieux politiques, économiques, associatifs et les leaders religieux se bousculent avec acharnement pour des intérêts personnels ou ceux d’un petit groupe mais rarement pour le bien commun et le développement de nos pays et du continent. Dès lors, des intégrismes religieux de tous bords se manifestent, les uns pour le pouvoir et l’imposition de leurs idéologies pseudo-religieuses par la violence, la terreur et à coups de canons, les autres, pour se fabriquer un carcan de sécurité psychologique.

Eglise du Christ, notre mission est là, celle d’annoncer le Royaume de Dieu qui est essentiellement fraternité, amour, paix et joie entre tous les hommes. C’est le chemin que le Christ ouvre par son Sang et que Frère Charles a suivi. Avec lui, nous ne devons pas être des «chiens muets ou des sentinelles endormies!» Toutes nos communautés de croyants sont interpellées.

NOS CONVICTIONS A LA SUITE DE FRERE CHARLES ET BABA SIMON DANS L’IMITATION DE JESUS CHRIST

La foi en Dieu créateur et en son Fils Jésus Christ Sauveur de tous les hommes est un engagement dans la vie et pour la vie : « la foi nous ouvre le chemin et accompagne nos pas dans l’histoire1 ». Le salut de l’humanité s’est accompli à partir d’un petit village de la Galilée, Nazareth, point central du mystère chrétien de l’Incarnation.

En effet, à Nazareth, la Sainte Famille menait une vie silencieuse de travail et de contemplation. Jésus y a grandi dans l’obéissance à la volonté de son Père et de ses parents. Le projet de salut de Dieu est parti de là. La vie de Nazareth est une grande leçon d’amour.

Nazareth a séduit Frère Charles. Toute sa vie a basculé et n’a rythmé qu’à l’unisson de Celui qui a initié cette vie cachée jusqu’à en mourir pour tous.

A Tokombéré dans les montagnes au Nord du Cameroun, Simon MPEKE emboite le pas au « Frère Universel ». « Il a donné toute sa vie pour que la Parole de Dieu retentisse au cœur des traditions locales»2 et que la dignité de l’homme soit restaurée.

Dieu nous appelle tous à vivre dans nos «Nazareth» pour suivre son Fils afin de réaliser avec Lui le salut de l’humanité. Il nous invite comme le frère Charles à imiter son Fils dans la pauvreté, l’humilité, l’abaissement, l’abjection… bref, à choisir « la dernière place » et à rejoindre les « périphéries » de notre monde.

Le salut de Dieu est destiné à tous les hommes. Mais la responsabilité première de l’annonce et de la réalisation incombe à ceux qui suivent son Fils Jésus Christ. Ils doivent accomplir cette mission sans distinction entre les hommes et avec amour. C’est la mission que le Christ a laissée à ses amis avant de repartir vers le Père : «Allez donc ! De toutes les nations, faites des disciples…». Il faut donc un cœur et un esprit universels.

Cette conviction n’est pas un sentiment naïf. Au contraire elle nous place sur toutes les fractures d’humanité que nous rencontrons dans cette réalité de l’Afrique. Elle nous appelle avec force à rejoindre les plus pauvres comme Frère Charles et Baba Simon l’ont fait. Elle nous appelle à lutter contre tout ce qui écrase ou terrorise la population des pauvres et des petits et des gens qui n’ont que la force de leurs bras pour gagner leur vie. Elle nous envoie pour être force de paix et de réconciliation là où se déchaînent la rancune et l’esprit de vengeance. Elle nous pousse contre vents et marées à poser des initiatives de dialogue, de rencontre, d’ouverture avec les musulmans dans la ligne de l’apostolat de la bonté que Frère Charles a exercé quand il était parmi les Touaregs.

Nous mesurons que cette attitude n’est pas de tout repos. Mais le disciple n’est pas au-dessus de son maître : «Celui qui veut sauver sa vie la perdra. Mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile la sauvera.»

Nous ne pouvons pas séparer Charles de Foucauld de Baba Simon car le souffle du Frère Charles a pris chair dans la culture africaine grâce à Baba Simon comme il continue de s’inventer en d’innombrables témoins sous toutes les latitudes.

PERSPECTIVES D’AVENIR

Dans l’élan de ce mois de Nazareth et constitué en assemblée continentale, nous envisageons:

    • De travailler à l’expansion des fraternités sacerdotales et séculières sur le continent et à Madagascar.
    • De développer la communication entre nos fraternités et avec le bureau international.
    • De participer financièrement  à la caisse internationale selon un taux qui sera fixé par le bureau international.
    • De célébrer le quarantième anniversaire de la mort de Baba Simon, sous la forme d’un pèlerinage à Tokomberé en août 2015.
    • De célébrer le 1er décembre 2016, le centenaire de la mort de Frère Charles à Tamanrasset, dans chacune de nos fraternités.
    • D’envoyer des représentants à l’Assemblée Internationale de 2018.
    • D’organiser un nouveau mois de Nazareth en juillet 2019 au Burkina Faso.

Au terme de cette riche expérience, nous implorons Jésus de Nazareth, notre frère, de nous combler ainsi que nos familles, nos communautés chrétiennes, nos dirigeants et nos responsables hiérarchiques d’abondantes grâces pour que la fraternité universelle tant désirée par le Frère Charles devienne réalité en chacune de nos vies.

Conscients de nos limites et convaincus de l’originalité de notre vocation et de notre place dans l’Eglise et dans notre société, nos vœux les plus profonds sont de vivre chaque jour dans l’esprit de Nazareth.

LES FRERES D’AFRIQUE

PDF: Lettre de Kribi – Cameroun Juillet 2014

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