Charles de FOUCAULD et les Péres Blancs. Philippe THIRIEZ, pb

Le Père Philippe Thiriez est Père blanc depuis 1950 ; il a passé 30 ans en Algérie, dont 6 au Sahara, et 9 ans au Proche-Orient. Sa fonction d’assistant de l’évêque de Laghouat, Mgr Gagon, l’a conduit régulièrement à El Golea, à Beni Abbès, à Tamanrasset et à l’Assekrem. En 1994, il a publié un ouvrage sur Charles de Foucauld à Nazareth, et en 1998, « Correspondances sahariennes » (en collaboration avec Antoine Chatelard). En 2005, il publie « Lettres à sa sœur, Marie de Blic » (Editions Le Livre Ouvert) ainsi que l’article ci-dessous, dans la revue des Pères Blancs « Le petit Echo ».

L’acte de décès du P. de Foucauld, transcrit en mai 1917 par le Capitaine de la Ro­che porte mention « du nommé de Foucauld Charles, profession de Père Blanc, né en 1858 à -Strasbourg, décédé vers le 1° décembre 1916 et inhumé à Tamanghasset » . Pour­tant dans une lettre du 8 mars 1908 à sa soeur Marie de Bk, évoquant le cher et vénéré P. Guérin, il précise : ce n’est pas mon directeur et je ne suis pas Père Blanc ; il est évêque du diocèse où je me trouve et me comble de bontés…

Ch. de Foucauld ne connaissait pas les Pères Blancs avant de débarquer à Alger le 10 septembre 1901. Tout juste ordonné, il avait proposé ses services à l’évêque du Sahara , par l’entremise de Mgr Livinhac (en 1889, successeur du Cardinal Lavigerie comme Supérieur général de la Société des Missionnaires d’Afrique).,C’est le tout jeune Préfet Apostolique, Charles Guérin, 29 ans, qui vint l’accueillir au bateau avec le prieur de la Trappe de Staouéli . Il devait mourir du ty­phus avant lui, le 19 mars 1910, à 38 ans. C’est le P. Henri Bardou, alors supérieur à Ouargla, qui occupera ce poste de janvier 1911 à 1916. Lui et le Fr. Charles se rencontrèrent en 1913 à Tilremt, entre Ghardaia et Laghouat, dans un bordj qui existe encore . Après lui, c’est Mgr Gustave Nouet qui fera le transfert à El Goléa en 1929 des restes du Fr. Charles.

Après les massacres des deux caravanes P.B. et de la mission Flatters (en 1876 et 1881), les trois postes de Ghardaia, Ouargla et El Goléa avaient été réoccupés en 1884. Ce sont les diaires de ces postes qui nous parlent avec émotion des passages de l’ermite.

Pendant son séjour à Beni-Abbès (1901-1904), il fut logé à Maison-Carrée, lors de son arrivée, reçut à la Pentecôte 1903 la visite de son évêque, et fit retraite durant six semaines (11 nov. au 26 décembre 2004) chez les Pères de Ghar­daïa qu’il édifia par son austérité et sa vie de prière).

Mgr Guérin évoque sa visite de Pentecôte : Il nous fut bien doux de vivre quelques jours dans l’intimité de ce vrai prêtre qui possède si parfaitement l’esprit de Jésus. Non moins doux de constater la gloire que retire Jésus de la sainteté de son humble ministre: auprès des Européens, officiers et soldats, comme auprès des indigènes, nous n’avons saisi qu’un même écho de respectueuse admiration et de religieuse vénération pour le cher et pauvre solitaire qui, par son oubli de lui-même, son inépuisable générosité et aussi sa très constante amabilité gagne du premier coup tous les cœurs.

Les Pères de Ghardaïa notent : Les desseins du Fr. Charles de Jésus étaient de venir prendre, durant quelques semaines, le repos physique et surtout moral, dont il sentait si fort le besoin après une existence si opposée aux désirs de son âme assoiffée de silence et de recueil­lement. Il venait aussi rendre compte au Chef de Mission des résultats de son voyage et pren­dre ses ordres pour l’avenir avec une humilité touchante. Il fut résolu qu’il resterait à Ghar­daïa au moins jusqu’à Noël. Pendant les premiers jours, il se joignit à la Communauté avec la plus grande simplicité et de la manière la plus aimable, nous intéressant beaucoup, tant par tout ce qu’il nous racontait de son récent voyage et des Touaregs que par les souvenirs plus anciens de son voyage au Maroc. Puis, à partir de l’Avent, il demanda à entrer en retraite, et jusqu’à Noël nous ne le vîmes plus guère sortir de sa chambre que pour aller passer de longues heures à la chapelle.

Il aurait aimé trouver un compagnon chez les P. Blancs. Ceux auxquels il songeait, le P. Pierre Richard et le P. Camille de Chatouville, ne purent se libérer. Quant au Fr. Gilles (Michel Goyat), il le renvoya au bout de trois mois, le jugeant inapte à sa mission .

C’est finalement à Maison-Carrée qu’il séjourna le plus souvent : dix jours en sep­tembre 1901, douze en novembre 1906 (pour y prendre le Fr. Gilles) et, à l’aller et au retour, lors de ses trois séjours en France : en 1909, en 1911, et en 1913, accompagné d’un jeune targui ; Il venait alors de Tamanrasset par El-Goléa et prenait à Ghardaia la diligence puis l’autobus pour Alger. Sauf en 1911 où il passa par Beni-Abbès et Béchar (d’où il prit le train pour Perregaux et Alger).

D’abord intimidé en 1901 par ces vieilles barbes, il s’y sentit vite chez lui. Il était heureux, quand c’était possible, de voir ses correspondants : Mgr Livinhac et Mgr Guérie, les -PP. Marchai et Voillard (celui-ci devint en 1911 son conseiller, après la mort de l’abbé Huve­lin en juillet 1910). C’est l’imprimerie de Maison-Carrée qui publia dès 1918 Le P. Charles de Jésus, vicomte de Foucauld et en 1927 les Articles du Procès de l’Ordinaire.

Le diaire note au 8 déc. 1906 : Le P. de Foucauld (Charles de Jésus) qui a fait suc­cessivement des conférences au Noviciat de Sainte-Marie, au Sanatorium, aux Frères, parle aujourd’hui du Maroc aux Pères de la Maison-Mère. Conférence fort intéressante où parais­sent tour à tour et la compétence de l’ancien officier et l’humilité du religieux.

Puis en 1909: Il nous donna les plus intéressants détails sur toute la région qu’il habite, désormais ouverte à l’influence française …Le chef des Touareg Hoggar, Moussa, a fixé sa maison à Tamanrasset même, auprès du P. de Foucauld… II a auprès de lui , comme khodja ou secrétaire, l’homme qui connaît le mieux la langue tamacheq. Le Père profite de cette circonstance pour faire de cette langue l’étude la plus sérieuse… Chaque jour, ce khod­ja aide le cher Père à terminer des dictionnaires ou à traduire en tamacheq divers passages de l’Ancien ou du Nouveau testament. Daigne N.S. permettre qu’un jour nos confrères vien­nent profiter de ces travaux qui leur donneront de suite les moyens d’agir sur ces pauvres populations : c’est là le grand dessein et l’ardente prière du cher solitaire.

Il parlera en 1911 de tous les P. Blancs à l’ombre desquels (il) vit depuis dix ans ! et qu’il aimerait voir prendre sa suite. Il note cependant en 1905 dans son carnet les réticences des autorités militaires à ce sujet car 1) ils ont donné des ennuis presque partout… 2) ils sont souvent maladroits et se mêlent de ce qui ne les regarde pas…3) les enfants qui fréquentent leurs écoles sont d’ordinaire pires que les autres ! On ne sait s’il partage ce point de vue ou s’en sert pour décider les S. Blanches à venir les premières… . Cel­les-ci, installées à Laghouat dès 1872 avec un prêtre d’Alger, puis à Ghardaïa où elles sont en 1904 une quinzaine, en charge des hôpitaux civil et militaire, le reçoivent et l’écoutent avec dévotion. Leur supérieure canadienne, Mère Augustine, fut la dirigée du Fr. Charles.

Un travail de recherche fut réalisé, en 1951, au scolasticat d’Eastview, et repris en 1978 par le P. Pierre Delétoile, décédé en 1995, sur Les Pères Blancs, témoins de la vie mis­sionnaire de Ch de Foucauld. Si l’on y parle peu de son passé ni de son séjour à Nazareth, on admire le saint religieux et l’apôtre hors du commun.

A la nouvelle de son assassinat, les Pères de Ouargla notent : Les auteurs de ce crime abominable voulaient s’emparer de celui qui, par son incontestable influence, empê­chait les Hoggars de se soulever contre la France. La consigne était de remettre le Père vi­vant entre les mains du grand chef des Snoussis ; mais l’arrivée d’une de nos patrouilles dé­rangea les plans, et fit terminer le raid d’une manière sanglante.

Répondant en 1921 au P. Voillard, René Bazin disait : II me semble que nos contemporains ne distingueront pas entre Ch. de Foucauld et vos frères. Il a été leur compagnon, leur ami, leur obligé. On peut dire qu’il est leur modèle. Par là, il servira la cause de la conversion des musulmans. Ses prières vous vaudront d’être un jour appelés au secours par ceux-là qui vous ont si peu compris jusqu’à présent. Nul ne sait tout ce qu’un saint peut faire pour continuer, invisible, les travaux commencés par préparera le bien que vous accomplirez. »

Philippe THIRIEZ p.b .

PDF: Charles de FOUCAULD et les Péres Blancs. Philippe THIRIEZ, pb

Commentaires fermés.