Lettre de Grégoire CADOR

Chers amis,

Voilà que l’actualité m’oblige à un nouveau courrier pour vous demander d’élargir l’espace de votre prière pour y accueillir Gilberte, Giampaolo et Gianantonio que la brutalité sauvage qui semble vouloir devenir la norme chez nous, a douloureusement rejoints dans la nuit de vendredi à samedi dernier.

C’est exactement le même scénario que pour Georges Vandenbeusch : Agression au plein cœur de la nuit par une importante bande armée, (composée semble-t-il d’après les témoins essentiellement de jeunes de 20 à 30 ans) défonçage de portes et de fenêtres, vol de voiture (réussi cette fois-ci) et arrestation des « nassaras » (blancs ou occidentaux) présents. Cette fois-ci une religieuse canadienne de 75 ans et deux prêtres italiens de 47 et 57 ans dont le plus âgé est un très bon ami de longue date, membre avec moi de la fraternité Jesus-Caritas de Maroua.

Je ne pensais pas que mon courrier de la semaine dernière était à ce point d’actualité… La situation se durcit et se répand bien au-delà des villages frontaliers… La paroisse de Tchéré-Tchakidjébé où a eu lieu l’agression est une des paroisses voisines de Tokombéré (15 kms à vol d’oiseau) et située très à l’intérieur des terres. Tokombéré se trouve même entre Tchéré et la frontière…

Ce qui veut dire que les ravisseurs sont passés par-delà Tokombéré pour accomplir leur méfait. Ils ont visiblement choisi une paroisse où la sécurité n’était pas assurée par les forces de l’ordre malgré notre insistance pour que cela soit fait partout et pas seulement là où il y a des français… Cela montre combien les auteurs de ces crimes sont parfaitement au courant (parfois mieux que certaines autorités locales elles-mêmes !) de nos situations, implantations et mouvements respectifs…

Nous avons fait samedi matin (quelques heures après l’enlèvement) une nouvelle réunion des prêtres et religieuses (camerounais et expatriés) de tout le diocèse autour de notre évêque sur la question de la sécurité. Nous y avons redit unanimement notre souci de continuer à servir l’Evangile dans ce coin de terre, avec les risques que cela comporte. Mais nous avons aussi solennellement demandé que les autorités camerounaises (qui semblent vouloir soutenir notre présence au bénéfice de la paix dans la région) prennent plus au sérieux la gravité de la situation.

Mgr Stevens a profité de la venue, ce même jour, du Ministre camerounais de la défense venu expressément transmettre la sollicitude du chef de l’Etat à la communauté chrétienne de Maroua-Mokolo pour lui faire part de notre réflexion.

Le ministre est revenu ce lundi rencontrer l’ensemble des ouvriers apostoliques (que de kilomètres parcourus pour certains..!) Sa réaction et celle du gouverneur de l’Extrême-Nord, toujours très proche de nous, nous font espérer, dans les jours qui viennent, un renforcement du dispositif de sécurité autour de l’ensemble des 41 paroisses et districts paroissiaux du diocèse, avec l’apport de nouveaux effectifs venus du Sud-Cameroun.

Je suis allé dimanche matin avec l’évêque et le vicaire général à la paroisse de Tchéré-Tchakidjébé, pour dire à la communauté si durement éprouvée le soutien de l’ensemble des chrétiens du diocèse et de ceux de leurs voisins de Tokombéré.

En ce qui nous concerne, à Tokombéré, nous avons repris le chemin de la colline Baba Simon tous les lundis matins pour y célébrer la messe à 06H00 et ce jusqu’à la libération de nos amis. Merci de vous associer à cet élan de prière.

Je ne peux pas terminer sans vous partager aussi la bonne nouvelle que nous attendions tous depuis des mois. Samedi matin, (ironie cruelle du calendrier !), nous avons reçu la nouvelle officielle de la nomination de notre nouvel évêque (Mgr Stevens, 77 ans, étant démissionnaire depuis deux ans)

Le Pape François nous envoie le P. Bruno Ateba Edo, religieux pallotin (ce sont les premiers évangélisateurs du Kamerun alors encore sous domination allemande). Mgr Ateba, âgé de 50 ans ans, fils du Sud Cameroun, était recteur de la basilique de Mvolyé à Yaoundé (c’est là que le Pape Benoît XVI a évoqué la figure de Baba Simon comme modèle pour les ouvriers apostoliques en 2009 !). Il était aussi président de la conférence des supérieurs majeurs du Cameroun depuis 2012. Formé au Cameroun, au Rwanda et en Allemagne, il est le premier camerounais nommé à la tête du diocèse de Maroua-Mokolo, succédant à un français, Mgr Jacques de Bernon (1973-1994) et à un belge Mgr Philippe Stevens (1995-2014).

Nous prions pour qu’il sache continuer l’œuvre entreprise par les fondateurs et nous guider dans le droit chemin au milieu des épreuves.

Aujourd’hui, je n’abuse pas plus de votre patience…

En vous souhaitant une belle et fructueuse Semaine Sainte, je vous redis :

« Nous sommes ensemble ! »

Grégoire

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